Chaque fin d'été, les cowboys du Québec se ruent vers Saint-Tite, où se tient depuis 45 ans le Festival western. Le week-end, la marée de véhicules récréatifs s'étend à perte de vue autour du village métamorphosé d'un coup en ville de près de 100 000 habitants. Mais qu'est-ce qui attire les foules à Saint-Tite? Les rodéos, les chanteurs, les danseurs, le marché aux puces, les jeux de foire, bien sûr. Et une ambiance de fête sans pareille.

« On ne naît pas champion, on le devient huit secondes à la fois. »

Sous les grands gradins de Saint-Tite, là où se rassemblent les cowboys avant les rodéos, ces mots sont affichés bien en évidence sur les murs. Huit secondes, c'est le temps pendant lequel les cowboys doivent rester bien assis sur le dos du cheval ou du taureau qui se démène pour l'éjecter. C'est l'écart immense entre le succès et l'échec.

Huit secondes, c'est surtout une éternité pour le commun des mortels, pour qui faire du rodéo tient de la pure folie. Mais l'adrénaline de ces casse-cou en bottes Boulet est contagieuse...

Dans les gradins bondés samedi soir dernier, le public est à ce point bruyant que les gradins au-dessus de nos têtes tremblent. De quoi rendre les chevaux encore un peu plus nerveux... Les cowboys enfoncent leur chapeau, sanglent leurs gants.

Au micro, on récite la prière des cowboys. Il y est question d'aréna de la vie, de grande finale où le Seigneur sera le dernier juge. Le spectacle peut commencer.

Les rodéos sont le clou du Festival western de Saint-Tite. Cette année, le Festival en présente 11; tous (ou presque) affichent complet. Chaque fois, 7500 personnes s'entassent dans les gradins pour voir les cowboys se faire secouer comme des pantins sur des chevaux sauvages, tenter de rester accrochés (d'une seule main s'il vous plaît) sur le dos d'un taureau de 900 kg avec des cornes longues comme ça ou grimper sur un cheval au galop.

Si la bravoure des cowboys provoque l'admiration, la fougue des animaux suscite aussi bien des hourras. Plus encore que les cowboys ou les nombreux chanteurs country qui font danser les foules jusqu'aux petites heures du matin, les chevaux sont les véritables vedettes du Festival western. On les voit parader tout pomponnés lors du défilé, trotter à l'unisson au concours de dressage, déplacer des charges titanesques lors de la compétition de traction. Devant tant de noblesse et de beauté, on se prend presque à rêver d'une vie au grand air, au coeur d'un ranch.

Mais le chapeau ne fait pas le cowboy, on le découvre bien assez vite à Saint-Tite. Ici, les vendeurs de chapeaux font des affaires d'or. De la grand-mère, aux bambins en passant par les chiens, on voit des chapeaux de cowboy sur toutes les têtes : des roses, des rayés, des frangés, faits de cuir ou de paille, ornés de deux cannettes de bière reliées par une longue paille...

Kitsch? Peut-être, mais un kitsch totalement assumé par les festivaliers. Depuis 45 ans, le Festival western attire les foules avec son esprit de fête, sa convivialité bon enfant. En 2010, c'est 650 000 personnes qui sont passées par le petit village mauricien de 3850 habitants pendant les 10 jours de festivités. Le premier dimanche du festival, pour le défilé, plus de 100 000 personnes se massent sur un site d'activités d'environ 1 km2.

Dimanche dernier, des dizaines de chaises s'alignaient déjà le long du parcours à 8 h. Le défilé s'est mis en branle à 13 h

Champ de motorisés

Le Festival western de Saint-Tite est aussi un vaste rassemblement de véhicules récréatifs. Dans les champs qui ceinturent le village, les motorisés s'étendent à perte de vue. Plus de 10 000 motorisés se déplacent chaque année pour le festival. Quand les campings ne suffisent plus, ils s'installent dans le fond des cours, sur les parterres des maisons. Pour beaucoup de propriétaires de véhicules récréatifs, les deux week-ends du festival clôturent la saison estivale. Le prétexte est bon pour se retrouver entre amateurs... et dénicher quelques aubaines.

Car avec les années, le Festival est devenu un vaste marché aux puces à ciel ouvert, avec 800 stands de vente. On peut y acheter des bijoux, des habits de motoneige, des soutiens-gorge, des draps en coton égyptien, des sacs de boulons, des parfums ou une colle supposément révolutionnaire.

Il y a aussi les purs amateurs de country, qui courent les spectacles et les séances de danse en ligne. Un mot sur la danse country : pour un néophyte, c'est vachement compliqué! On ne rejoint pas la ronde comme dans un vulgaire continental. Il faut connaître par coeur chaque pas, chaque chorégraphie.

The Flute, The Chill Factor, Camina : à la simple évocation de ces danses, la piste de danse se remplit de danseurs (tous sexes et âges confondus) qui exécutent les pas à l'unisson. Ils viennent de partout au Québec, parfois de l'extérieur, mais on jurerait qu'ils dansent ensemble depuis le premier jour.

Dimanche dernier, 2437 danseurs se sont d'ailleurs réunis dans la rue Saint-Paul pour tenter d'enregistrer le record du monde de la plus grande danse en ligne au monde, avec une chorégraphie inventée pour l'occasion. Une véritable marée humaine qui a bougé comme un seul bloc sur la chanson One Day d'Andrée Watters. L'ancienne marque a été battue; reste à faire reconnaître le tout auprès des records Guinness.

Guy Dubé, professeur et chorégraphe dans la région de Québec, connaît au moins 1500 danses. Il en a lui-même inventé 80. « Je trouvais le country ringard avant que ma conjointe me pousse à essayer. J'ai eu le coup de foudre. Et Saint-Tite, c'est le moment fort de l'année pour tout le petit monde du country. »

Comment explique-t-il la popularité du country, surtout auprès des hommes, pas toujours fanas de danse? « C'est une danse virile, pratiquée sur de la bonne musique. Il ne faut pas d'habiletés particulières; si on peut marcher, on peut danser. Et on n'a pas trop besoin de bouger les hanches! »

À SAVOIR

Les prix

L'accès aux lieux est gratuit. Pour assister à la majorité des spectacles sous chapiteau, il faut toutefois se procurer une étoile de shérif au coût de 5 $. Le hic : les grands spectacles, les rodéos, la majorité des soirées dansantes, les tours de calèche ou les cours de danse ne sont pas inclus.

Idem pour la zone famille, où l'accès est gratuit, sauf qu'il faut payer 12 $ par enfant, par jour, pour accéder aux jeux gonflables, tours de poney, trampoline. L'autre option : un système de coupons vendus 1 $ l'unité. Pas économique quand on sait qu'il faut trois coupons pour un petit tour de taureau mécanique, un coupon par glissade sur la structure gonflable...

Il faut aussi calculer 10 $ par jour, voire plus, pour payer une place de stationnement, la plupart du temps à des résidants qui rentabilisent un bout de leur terrain. Une navette est offerte par le Festival, mais à 12 $ par jour. Un bon point : la nourriture est vendue à prix très compétitifs dans les comptoirs alimentaires.

Aussi, comme la plupart des commerçants n'acceptent que l'argent liquide, il y a toujours une file au guichet automatique.

La foule

Des bouchons de 5 km pour entrer dans Saint-Tite, c'est chose fréquente pendant les week-ends du festival. Depuis Shawinigan et l'autoroute 55, il n'y a que deux façons d'entrer dans Saint-Tite... et l'une exige un détour de 24 km. Après les grands événements comme les rodéos ou le défilé, sortir de la municipalité est un véritable cauchemar, surtout lorsque les motorisés quittent l'endroit en grand nombre.

Sur l'emplacement du Festival, les déplacements peuvent aussi donner des maux de tête : foule très compacte, chevaux, poussettes, chiens, voitures de sécurité, remorques pleines de bétail engorgent les rues, maculées du crottin de cheval.

Le Festival est-il victime de son succès? Certains habitués le pensent et préfèrent venir pendant la semaine, quand l'achalandage est moins important.

Trouver un hébergement de dernière minute à proximité relève du miracle. Surtout le week-end. Les rares hôtels du coin se remplissent des mois à l'avance. Une bonne solution : Shawinigan, qui possède une bonne offre d'hébergement. Les places de camping s'envolent aussi très vite. Même chose pour les billets de rodéo.

L'ambiance

Les week-ends, les soirées se transforment souvent en gros party à ciel ouvert. L'alcool coule à flots, et ce, toute la journée. Les cannettes de bière (les bouteilles ne sont pas admises) s'envolent à la vitesse grand V des dépanneurs. Mieux vaut être avisé. Les nuits, dans les campings de véhicules motorisés, sont parfois très animées.

Infos

Le festival 2012 se poursuit jusqu'à dimanche. En 2013, les festivités se dérouleront du 6 au 15 septembre.

www.festivalwestern.com