Au mois d'avril, nous avons demandé aux lecteurs du cahier Voyage de choisir le plus beau village du Québec. Notre idée était toute simple: mettre en lumière des endroits exceptionnels au Québec. Parce qu'ils sont bien situés, devant le fleuve ou dans les montagnes; parce que le patrimoine bâti y a été préservé avec respect ou simplement parce que le boulanger du village fait le meilleur pain des environs.

La première réponse que nous avons reçue est venue de Fred Pellerin, qui signe aujourd'hui la préface de notre reportage. Eh non, le célèbre conteur ne moussait pas la candidature de Saint-Élie-de-Caxton! Il saluait plutôt cette idée de déclencher une sympathique guerre des clochers. 

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La belle idée!

Quand j'ai lu l'ouverture dans le journal, je me suis dépêché d'écrire à la porteuse du projet, à la voyageante Violaine Ballivy.

Un mot.

Gentil.

- Pour vous pistonner le Saint-Élie, Pellerin?

- Non.

C'était juste un clin de courriel, plus étendu que celui du simple patriotisme caxtonien, pour féliciter l'allumage doux de cette compétition rurale. Et nationale. Parce que je trouvais que ça visait bien. Ça visait dans le rond rouge de l'orgueil bien placé. On offrait un canal officiel, et le sérieux de l'imprimé de la grande presse, pour se vanter le local et se défendre l'ici. En faisant appel, ainsi, aux candidatures de la prétention du mieux, il me semblait qu'on donnait un élan à se faire retrousser les girouettes et les esprits. L'invitation était belle. Parce que les coqs de nos clochers ont l'urgent besoin de se faire shiner le plumage, de se redonner du lustre pour ramener de l'air au vent.

Un appel à tous, donc. Ça faisait une belle raison de se réveiller la dose minimum de chauvin. Du chauvin bien dosé. Pas de celui qui racotille et avorte, mais de celui qui vire en vouloir, à se cultiver le local, à se parfaire le typique, à se brasser l'à-la-main. Ne serait-ce que pour déposer le dossier du chez-soi, il allait déjà falloir prendre le temps de se décortiquer les raisons et arguments de toute cette prétention du mieux-mieux.

Le plus beau village du Québec? Si on s'y arrête sur un temps, ça vire vite en une piste belle. À déborder le concours vitement. En plein dans un bouillonnement de quête identitaire et de fierté à se définir. Suffirait que ça participe assez et que le concours se répète un peu, qu'on verrait chaque portion de kilomètre se réapprendre et s'inventer. Pour chacun viser le podium. Et qu'encore, et qu'éventuellement on s'extrapole, pour le plaisir et l'espoir à se prendre un jour, dans la mire du bientôt, à revendiquer le meilleur de la terre, de la table et des idées dans chaque endroit. Toujours du chez-nous, avec les versions qui se déclinent. Toujours les meilleures. Jusqu'à se trouver dans le multiple et s'en faire la richesse de ce qu'on est. À pousser par en haut.

Trouver du beau et du nôtre, ça fait une brèche sur de la lumière. On en vient vite à penser qu'un jour, chaque village pourrait être le plus beau du Québec. Ce jour-là, nos routes relieraient que du bon et du grand. Et le plaisir de se rencontrer entre voisins trouverait ses raisons dans les chacuns avec ses pourquoi, ses comment, ses recettes et son terroir, son savoir et son faire. Tranquillement. Comme si on rallumait les étoiles et que la carte du Québec se refaisait la constellation. Et la concernation. Parce qu'au final, l'issue des concours nous concerne. Parce que ça nous appartient. Et qu'une belle façon de s'approprier ce qui est nous, c'est de le prendre par les partouts. En un par un. Et de s'en faire la fierté.

Faudra s'y faire. On n'aura pas le choix, de toute façon: si on accumule les villages les plus beaux du monde, on finira par se faire le Québec le plus beau du monde. Et ainsi de suite. Jusqu'aux étoiles. Et aux filantes. Jusqu'à faire des voeux à ne plus savoir quoi se souhaiter.

La belle idée.

***

Je passe par le journal pour cligner encore de la plume. Et demander aux porteurs de reconduire le concours souventes fois. Pour que ce résultat d'aujourd'hui ne soit que le début du voyage. Et qu'on se redécouvre la portion du monde. Qu'on se Titille à nouveau le Saint-Antoine et que la Rose-du-Nord se perde les épines. Qu'on retrouve le mot AMOUR dans Kamouraska et la NEIGE dans Ferréol. Qu'on le sache pour demain: quand L'Avenir est un nom de village, on a ce qu'il faut pour rêver d'habiter le pays Espoir.

Qu'est-ce qu'un plue beau village?

Un beau village, c'en est un qui se distingue, que l'on retient. Ça peut être un lieu d'abord, ou des gens. Ou les deux. C'est un morceau de quelque part qu'on attrape par les fils de ses paysages, de son monde, de sa table, de sa façon ou encore, et qui vient se loger en nous. Il y a les villages qu'on habite et, quand il sont beaux, ceux-là qui nous habitent.