Vous aimez l'aventure et les grands espaces? Ne cherchez plus trop loin! Car, depuis 2010, un nouveau pan du Québec est maintenant à votre portée: une visite à Blanc- Sablon, en empruntant la route des grands barrages.

Alors qu'hier encore, il fallait obligatoirement prendre la voie des eaux, vous pouvez maintenant rejoindre la 389 à Baie-Comeau, la remonter jusqu'à la 500, à la frontière du Labrador, circuler longuement sur la Trans-Labrador jusqu'à Happy Valley-Goose Bay et, de là, bifurquer sur la 550, jusqu'à votre destination finale, Blanc-Sablon.

Comme on dit au Québec, une trotte de près de 1800 km, en osmose avec une nature à vous couper le souffle, des villages loin de tout et des réalisations hydroélectriques plus grandes que nature. Une route qui vous laisse encore le choix de jouer au coureur des bois en privilégiant le camping sauvage ou encore au pantouflard en utilisant toutes les commodités déjà en place le long de votre périple.

Que vous choisissiez l'une ou l'autre option, il vous faudra tenir compte du fait que vous allez parcourir plusieurs kilomètres de contrées «sauvages» et qu'il est toujours conseillé de disposer de certaines provisions (essence, victuailles, allumettes) pour parer à toute éventualité. Même si vous avez accès à des «postes de ravitaillement» toutes les trois ou quatre heures, on n'est jamais trop prudent.

Je vous invite à me suivre au long de ces lignes, histoire de vivre une communion avec la grande nature et les grands espaces.

À six heures de route à l'est de Québec, vous arrivez à Baie- Comeau. Prenez quelques heures pour visiter le jardin des Glaciers. Situé en bordure du fleuve Saint-Laurent et au coeur de la réserve mondiale de la biosphère Manicouagan-Uapishka, le jardin des Glaciers est un endroit polyvalent exceptionnel. Vous ne voudrez pas manquer également la visite de l'église Sainte-Amélie et des magnifiques fresques du grand maître italien Guido Nincheri.

Et c'est parti! La première portion de la route 389 mène au barrage Daniel-Johnson (Manic-5). Plus de 200 kilomètres d'asphalte, mais surtout de route sinueuse. Chez nous, on dit que ceux qui ont construit cette route étaient payés au nombre de «croches». Après 25 minutes de route tortueuse, vous atteignez un premier barrage : Manic-2. Trois heures plus tard, au détour du chemin, vous aurez la chance de contempler ce joyau de l'ingénierie québécoise qu'on appelle Manic-5 ou encore barrage Daniel-Johnson. Il s'agit du plus gros barrage à voûtes multiples et à contreforts au monde, rien que cela. Pour donner une meilleure idée aux citadins de l'ampleur de cette réalisation, imaginez un instant que la place Ville-Marie tiendrait facilement dans son arche centrale.

Pendant la saison estivale, des visites guidées sont organisées pendant lesquelles vous apprendrez, entre autres choses, que 10 000 travailleurs y ont exercé leur métier et que l'ancien premier ministre Daniel Johnson père a trouvé la mort sur les lieux mêmes de la centrale.

Trou d'une météorite

Il faut également noter que la forme circulaire de l'immense réservoir est due à la chute d'une météorite, il y a de cela 214 millions d'années. Le cratère ainsi formé, avec ses 100 km de diamètre, se classe quatrième au monde de par son importance. Vous y retrouvez également des services de restauration et d'hébergement qui vous permettront, le cas échéant, de faire le plein d'énergie avant de continuer votre périple.

Deux heures d'épinettes noires plus tard, vous atteignez le Relais Gabriel, ce qu'on appelle, en bon québécois, un truck-stop. Resto, essence, tout ce dont vous avez besoin pour la poursuite de votre aventure dans ces contrées nordiques. Une heure de route supplémentaire et vous apercevez enfin les fameux monts Groulx. Avec ses cimes blanches neuf mois par année, le massif montagneux se classe au troisième rang au Québec par son étendue. Depuis 1980, le site a été pris en charge par les Amis des monts Groulx qui présentent son écosystème fragile, sa flore boréale, arctique et subarctique. On y a même tracé un sentier qui vous permet de gravir le plus haut des sommets de ce magnifique massif. Il est aussi intéressant de noter que l'armée canadienne utilise cette région pour organiser diverses manoeuvres reliées à ses activités.

Une ancienne ville

Une heure après les monts Groulx, surveillez attentivement les fantômes qui ont pris le contrôle de l'ancienne ville de Gagnon. Une ville minière créée en 1959 et qui a eu ses heures de prospérité pendant l'exploitation de la mine de fer de Fire Lake. Malheureusement, la fermeture de la mine a amené le gouvernement à rayer cette ville de la carte du Québec. On peut encore voir le tracé des rues, des trottoirs, la vieille piste d'atterrissage et un bâtiment où l'on peut trouver des articles de survie et de dépannage.

Pendant les 90 minutes qui suivent, vous roulez sur une portion de route tellement sinueuse que vous devez traverser la voie ferrée à 13 reprises. Il s'agit d'un tronçon construit dans les années 80 par les grévistes de la mine de Fermont. Fermont, la ville du mur, la ville intérieure. Initialement construite pour héberger les travailleurs, elle est devenue une sorte de fortification de plus d'un kilomètre, érigée pour contrer les vents du Nord.

Hôtel, centre commercial, bureaux, logements, école, salle de spectacles, tous ces services sont construits à l'intérieur du mur. Vous pourriez y vivre toute une année sans jamais vous pointer le nez à l'extérieur.

Une question se pose maintenant, étant donné que vous roulez tout de même depuis au moins huit heures : je couche au Québec ou au Labrador? Fermont ou Wabush-Labrador City? Même si les activités ne manquent pas à l'intérieur du mur, vous avez peut-être le goût de vous "dépayser" quelque peu ou de faire quelques folies en dehors du Québec. Qu'à cela ne tienne, les Terre-Neuviens sont accueillants, les hôtels, propres et les prix sont abordables.

Je me permets ici une parenthèse afin d'ajouter quelques détails intéressants. La mine de fer de Fermont, qui incidemment appartient à la compagnie Arcelor Mittal, de propriété hindoue, voit son métal être traité à Port-Cartier, tandis que le minerai des mines de fer de Wabush et de Labrador City (propriété de l'australienne Rio Tinto) est traité à Sept-Îles.

Ours et caribous

Après une bonne nuit de sommeil, départ dès 8h, direction le barrage de Churchill. Vous circulerez alors sur la 500, une autoroute non pavée, la Trans-Labrador Highway. Pendant ces quatre heures de route, le tout dépendant du moment de l'année où vous choisirez de tenter l'aventure, vous pourrez observer des caribous et de la perdrix blanche à profusion.

À un autre moment, il vous faudra redoubler d'attention afin de ne pas louper orignaux et ours qui ne manqueront pas de se promener sur les bords des lacs, ni les lièvres effrontés qui vous couperont la route sans prévenir. Il ne faut jamais perdre de vue que vous foulez des terres presque vierges, ouvertes à tous sans restrictions. Donc si l'envie vous prend d'y monter votre tente, d'y jeter une ligne dans les innombrables lacs, laissez-vous aller car, ici, la nature est à vous.

Et vous pouvez maintenant contempler le barrage Churchill, sur le fleuve du même nom. Il s'agit de la deuxième plus grande centrale souterraine au monde, tout juste après celle de Robert-Bourassa (LG2). C'est également une pomme de discorde entre les gouvernements du Québec et de Terre-Neuve en ce qui a trait au coût du transport de l'électricité. On parle ici d'une population d'environ 500 habitants qui résident et travaillent sur les lieux. Après avoir pris des forces, on reprend la route vers Happy Valley (Goose Bay). Une nature à vous couper le souffle sans compter le fait que, pendant au moins une heure, vous longez le fleuve Churchill. Et, 276 km plus loin, vous arrivez enfin à Goose Bay. La ville est le domicile de la plus grande base militaire aérienne du nord-est de l'Amérique du Nord, celle des Forces canadiennes BFC Goose Bay.

La base des Forces aériennes canadiennes de Goose Bay naît en 1941, quand les forces alliées décident de fonder une base de ravitaillement pour les convois à destination de l'Europe, pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, la base des Forces aériennes canadiennes fait également partie des plans de réserve de la NASA. En cas de situation d'urgence, une navette spatiale peut atterrir sur sa piste qui possède le matériel de guidage nécessaire.

Elle sert également aux pays de l'OTAN qui choisissent ces grands espaces pour y tenir des pratiques de tir en basse altitude. Considérant que la ville possède des services de transport par mer, par terre et par air, c'est sans contredit une plaque tournante du développement de ces contrées nordiques.

Je crois qu'une autre parenthèse est essentielle ici pour comprendre que les gens qui habitent le Nord ne sont vraiment pas à plaindre. Ils vivent dans des conditions semblables aux nôtres : ils vont dans le Sud l'hiver, ils ont des chalets pour leurs passe-temps de chasse et de pêche. À ce propos, uniquement dans la Manicouagan, on a répertorié 7000 chalets. Les salaires sont excellents et vous y trouvez tous les commerces que vous fréquentez habituellement.

On traverse maintenant le pont qui enjambe le fleuve Churchill et on reprend la Trans-Labrador pour une durée de six heures, en pleine forêt jusqu'à l'intersection du village de Cartwright qui est situé sur les bords de l'Atlantique. Vous bénéficierez à cet endroit de tous les services nécessaires. Par contre, si vous êtes en avance sur votre horaire, vous pourrez pousser une pointe additionnelle d'environ 200 km pour vous arrêter à Port Hope Simpson.

Au bord de l'Atlantique

Le lendemain, la route vous mènera, de village en village, sur le bord de l'Atlantique et quelquefois à l'intérieur des terres, jusqu'à Red Bay. Ici, Parcs Canada gère le Centre d'interprétation des Basques, un site de nombreuses fouilles archéologiques reliées au passage des pêcheurs basques. Il faut noter que 25 000 touristes, en provenance surtout des États-Unis, visitent ce centre chaque année. Une trentaine de kilomètres plus loin, vous avez le choix de demeurer soit à l'Anse-au-Clair ou à Blanc-Sablon. Des hôtels et des restos proposent poissons et crustacés ainsi qu'un dessert typique local, la tarte à la chicouté. À Blanc- Sablon, vous êtes à cheval sur la frontière Québec-Labrador. La route 510 devient la 138 et est asphaltée jusqu'à Old Fort, au Québec, et s'arrête là.

Plusieurs options pour le retour

Maintenant, vous êtes confrontés à trois choix pour votre voyage de retour.

Vous rebroussez chemin, vous prenez le bateau-cargo le Nordik Express qui vous déposera à Sept-Îles, ou bien vous choisissez le traversier Apollo qui fait la navette entre Blanc-Sablon et Sainte-Barbe, Terre-Neuve. Cette dernière option vous ramènera chez vous en ajoutant un petit tour dans les Maritimes à votre épopée nordique. Si vous avez du temps, je vous conseille de prendre l'un ou l'autre des bateaux, selon votre préférence.

Sens inverse

S'il vous arrivait, par ailleurs, de vouloir faire le voyage, mais dans le sens inverse, il vous faudrait prendre le Nordik Express à Sept-Îles ou Havre-Saint-Pierre. Étant donné que ce bateau fait un arrêt à Port-Menier, sur l'île d'Anticosti, ainsi qu'à plusieurs villages de la côte, vous aurez le temps de visiter ces petites communautés pendant que le cargo laissera sa marchandise sur les quais. Cette randonnée est un délice pour les yeux comme d'ailleurs les villages du Labrador atlantique.

Pour ceux et celles qui préfèrent une prise en charge extérieure, le grossiste Groupe Voyage Québec propose des voyages charter tous les étés. Le forfait comprend une visite de toute la Côte-Nord jusqu'à Natashquan et on vous ramène à Sept-Îles ou vous prenez le train pour Fermont. Vous y visitez les mines (deux jours à Fermont) et l'autobus va vous chercher pour vous ramener à Baie-Comeau, sans oublier de vous faire visiter Manic-5. C'est un voyage de cinq jours fort bien remplis.

Nous voilà maintenant au terme d'une aventure formidable.