Par une soirée ordinaire à Beyrouth, la fête bat son plein dans les discothèques, les touristes affluent dans les restaurants du bord du mer et les lumières des gratte-ciel éclairent l'horizon. Mais le réel retour en force du Liban est freiné par un problème récurrent: les coupures d'électricité, liées à des infrastructures vieillissantes et endommagées par les guerres.

La fréquence de ces coupures dépend de la zone dans laquelle on se trouve: Beyrouth est la mieux lotie, avec un accès à 21h de courant par jour. Mais à Saïda, ville portuaire du sud du pays, ces coupures peuvent durer jusqu'à douze heures par jour.

Les problèmes d'électricité du Liban remontent à la guerre civile de 1975-90, qui a laissé le pays en ruines et retardé le développement des infrastructures. Aucune nouvelle centrale n'a été construite depuis plus de dix ans. Depuis, une mauvaise gestion et la corruption n'ont pas amélioré la situation, de même que le conflit au Proche-Orient.

Israël a bombardé plusieurs centrales électriques avant le retrait de ses troupes du Pays du Cèdre en mai 2000, retrait qui a mis fin à 18 ans d'occupation. Lors de la guerre contre le Hezbollah en 2006, l'Etat hébreu s'en est également pris à des réservoirs de carburant de la centrale de Jiyeh, au sud de la capitale. Les dégâts ont depuis été réparés.

Le problème est encore plus prononcé avec l'arrivée massive de touristes: environ deux millions attendus cet été, un record qui surpasse même les années glamour ayant précédé la guerre civile. Si commerçants, hôteliers et restaurateurs apprécient d'avoir davantage de travail, cet afflux risque de peser sur leurs équipements.

«Mes deux groupes électrogènes me coûtent environ 2000 dollars par mois entre le gazole et la maintenance», confie Samir Ballouz, propriétaire du Mina Beach House, au sud de Beyrouth. «L'électricité est très mauvaise, et nous dépensons de l'argent à toute heure», poursuit M. Ballouz, qui paie également un millier de dollars par mois à Electricité du Liban (EDL). «Il n'y a pas une personne au Liban qui ne souffre pas à cause de l'électricité».

Les tarifs n'ont pas été augmentés depuis 1996, même si de nombreux utilisateurs seraient prêts à débourser davantage s'ils avaient la certitude d'avoir du courant 24 heures sur 24. Selon le ministre de l'Energie Gébrane Bassil, la demande aux heures de pointe est d'environ 2.500 mégawatts. EDL ne peut en fournir que 1500...

Le 21 juin dernier, le gouvernement a approuvé un plan pour produire 5.000 mégawatts à partir de 2015, sans coupure quotidienne, grâce à la construction de nouvelles centrales et au développement des énergies solaire et éolienne. M. Bassil précise que le projet devrait coûter environ 4,8 milliards de dollars, dont 1,5 milliard du gouvernement, au cours des quatre prochaines années.

Mais pour beaucoup, l'Etat doit cesser d'investir pour EDL et utiliser cet argent pour lutter contre la corruption, améliorer le paiement des factures et octroyer un rôle plus important au secteur privé. «Il est inacceptable qu'une économie basée sur le libre-échange, qui est intégrée dans la région et dans l'économie mondiale, ait un secteur de l'électricité aussi mauvais», déplore Nassib Ghobril, analyste de la Byblos Bank.

Selon un rapport rendu public en 2009 par la Banque mondiale, un tiers de l'électricité produite au Liban provient des groupes électrogènes des particuliers, près de six foyers sur dix possédant au moins un générateur ou un groupe électrogène.

Nabil Barakat, patron d'un studio photo, paie environ 230 dollars par mois pour un générateur et 300 dollars à EDL. Cet homme de 60 ans éclate de rire quand on lui demande s'il pense que l'Etat fournira bientôt du courant 24 heures sur 24. «Si vous revenez dans 50 ans et posez la question à mes petits-enfants, ils vous diront qu'il y a toujours des coupures d'électricité au Liban».