Avec leur silhouette unique, leurs attractions bigarrées et leur charme un peu suranné, les traditionnelles jetées qui parsèment les côtes britanniques, un temps boudées par les touristes, connaissent un regain d'intérêt à la faveur de la crise économique.

Lorsque l'une d'elle vient à brûler, comme à Weston-super-Mare lundi ou à Brighton en 2003, c'est toute une ville, toute une région qui perd non seulement un morceau de son patrimoine, mais également une source de revenus appréciable.

Les «piers», ces longues constructions sur pilotis qui s'avancent sur la mer, ont commencé à voir le jour dans la Grande-Bretagne victorienne du 19e siècle avec le développement des chemins de fer et l'amélioration des conditions de vie. Avant de retomber dans une relative désaffection dans les années 1960, alors que l'essor du tourisme de masse attirait les Britanniques vers l'étranger.

Mais plusieurs experts estiment que les 55 «piers» que compte le pays pourraient battre des records de fréquentation cette année alors que de plus en plus de Britanniques - y compris le premier ministre Gordon Brown - passent leurs vacances au Royaume-Uni, souvent pour cause de restrictions budgétaires.

«La conjoncture économique doublée d'un regain d'enthousiasme pour les vacances en Grande-Bretagne offrent un véritable potentiel pour le tourisme national cet été», relevait récemment le chef de l'organisme chargé de promouvoir le tourisme britannique, VisitBritain.

Le site spécialisé lastminute.com a d'ailleurs enregistré une augmentation des réservations en Grande-Bretagne de près de 20 % par rapport à l'an dernier, selon la presse.

Et pour les nombreux vacanciers ayant choisi de séjourner en bord de mer, les «piers» combinent l'attrait du tourisme moderne - manèges, machines à sous, boutiques et fish and chips - à une certaine nostalgie.

«C'est le genre de truc qu'on voit dans les vieux films», note Géraldine Hickey, une Australienne de 29 ans, en se promenant par un soleil radieux sur la célèbre jetée de Brighton.

«L'architecture est très vieille, c'est très britannique», renchérit son amie Danny Alder, elle aussi originaire de Melbourne.

Peu avant d'être ravagée par un incendie, la «Grand Pier» de la station balnéaire de Weston-Super-Mare venait d'être rénovée: piste de karting, mur d'escalade, ses propriétaires avaient investi plusieurs millions de livres.

À Southwold, lieu de villégiature choisi par Gordon Brown cette année, la jetée a elle aussi été récemment rénovée, avec notamment une galerie d'art et un salon de thé pour accommoder une clientèle majoritairement issue des classes moyennes.

À Brighton, la population se bat depuis plusieurs années pour obtenir la reconstruction de la deuxième jetée, dont la carcasse carbonisée et à moitié enfouie git tristement à quelques encablures de sa foisonnante grande soeur.

Obligés de se serrer la ceinture pour cause de crise économique, Dorothy et John Smith, originaires de Sheffield, font partie des nombreux Britanniques ayant renoncé cette année à leurs vacances à l'étranger.

«Il n'y a plus beaucoup d'endroits comme ici», estime Mme Smith. «J'aime tout ce qu'on y trouve - ainsi que le fait que ça existe encore».

À l'ombre de la «Brighton Pier», Eva Petulengro tient une petite boutique de voyance et entrevoit elle aussi une affluence record cet été.

«Je prédis un bel été pour la jetée, le meilleur depuis 20 ans, à cause du temps et du fait que les gens ne vont pas à l'étranger», annonce-t-elle. Cerise sur le gâteau: «on va avoir un été indien», assure-t-elle.