Pas moyen de s'en sortir. Peu importe ce qu'on faisait, il fallait suivre cette nuée humaine dans notre visite.

Bienvenue au musée du Vatican, avec ses salles et ses salles des plus belles oeuvres d'art que la civilisation occidentale ait jamais produites - des dizaines de chefs d'oeuvre... dont la vue était bloquée par les autres touristes, plusieurs essayant de tirer le meilleur parti de cette occasion unique dans leur vie.

Un touriste a dû prendre en photo des cartons explicatifs, incapable de rester immobile quelques secondes pour les lire tranquillement avant d'être balayé et poussé jusqu'au prochain chef d'oeuvre, qu'il ne pourra pas non plus admirer convenablement.

Michel-Ange était un génie visionnaire qui a peint non seulement les murs de la chapelle Sixtine du Vatican, mais surtout ses plafonds. Et plus d'un demi-millénaire plus tard, cette situation permet une vue libre de toute obstruction, peu importe si on est entassés comme des sardines, peu importe si on a mal au cou.

C'était un jour de semaine, au début de l'automne, quand les voyageurs dans la plupart des destinations s'attendent à ce que la haute saison touristique finisse par céder la place à un semblant de civilité. Pas à Rome. Pas au Vatican. L'expérience résumait en quelques moments de claustrophobie les défis posés par les grandes destinations touristiques d'Europe - que ce soit Amsterdam, Venise, Rome ou Bruges, en Belgique.

Mais attendez. Il y a moyen de faire autrement, et ce n'est même pas nécessaire de renoncer à Rome.

Au lendemain de l'expérience suffocante du musée du Vatican, vous pourriez vous surprendre à regarder furtivement au-dessus de votre épaule, au musée Palazzo Massimo alle Terme, en vous demandant : « Mais où est passé tout le monde ? » Pourtant, ici, l'art est aussi impressionnant qu'au Vatican.

Essayez de trouver un plus beau discobole vieux de 2000 ans, et demandez-vous comment on peut reproduire autant d'expression humaine que dans ce bronze de boxeur. Et ici, vous pourrez l'observer sous tous les angles, pratiquement fin seul.

Il faut simplement accepter de ne pas pouvoir cocher tout le top 5 des attractions touristiques d'une ville très courue. Vous ne pourrez pas vous targuer d'avoir visité certains endroits célèbres - « Je suis allé à la Galerie des Offices, vous savez » -, mais vous obtiendrez en revanche une véritable « expérience de voyage », et un sens de l'aventure pour avoir su sortir des sentiers battus.

Voici comment cette philosophie se décline lors d'une visite à Rome, même si cela peut paraître sacrilège pour certains :

- Remettez la visite au Colisée. Ne vous inquiétez pas, vous le verrez souvent depuis les rues avoisinantes. Essayez plutôt les thermes de Caracalla : les ruines des thermes, qui pouvaient accueillir jusqu'à 1600 personnes à l'ère romaine, sont impressionnantes. Et vous y verrez de magnifiques mosaïques au sol ;

- Voir 10 grands tableaux de près est préférable à en voir 100 derrière une forêt de bâtons d'égoportraits. Dirigez-vous donc vers le palazzo Doria Pamphilj. Selon la légende, quand le pape Innocent X a vu son portrait peint par Velasquez, le pontife aurait lâché : « Troppo Vero! » (trop véridique) - et l'a gardé loin des yeux du public pendant trop longtemps. Plusieurs le considèrent comme le plus beau portrait de toute l'histoire de l'art, bien que les hordes de touristes n'en sachent rien.

- Rome est tellement saturée des meilleures oeuvres d'art que la liste est éternelle, comme la ville. Trop d'épaules moites pour avoir une belle vue sur les statues du légendaire Bernini, sur la Piazza Navona ? Dirigez-vous un peu à l'écart de Santa Maria della Vittoria et voyez peut-être sa plus grande oeuvre, la sculpture représentant L'Extase de Sainte Thérèse. N'en disons pas plus : lisez le texte d'accompagnement dans l'église, et vous y trouverez des écrits religieux qui pourraient faire rougir Fifty Shades of Grey.

Vous pourriez même modifier les villes à votre « itinéraire de rêve ». Au lieu d'Amsterdam et ses foules bondées qui bloquent des rues inégales, choisissez Utrecht comme base. Les canaux ont aussi leur charme, et une odeur de cannabis émane de ses nombreux « cafés ».

En Italie, au lieu de Florence, songez Ferrare. En Belgique, évitez Bruges et partez pour Gand : ce que vous perdez en pittoresque, vous le gagnerez en vie étudiante. Au lieu de magasins de chocolat à toutes les portes, vous obtenez d'excellentes boulangeries.

Mais bon. La dernière fois que nous avons vérifié, ce printemps, il semble que les hordes de touristes avaient découvert le pittoresque front de mer de Graslei, à Gand, au point où ils risquaient de tomber dans l'Escaut...