Décharges saturées, poubelles pleines à craquer, détritus sur les plages, au bord des routes et en pleine nature: la Corse croule sous les déchets qu'elle ne parvient plus à traiter, le problème étant aggravé par l'afflux de millions de touristes en été.

La crise est provoquée par un essor démographique non maîtrisé avec l'installation, chaque année, dans l'île peuplée de 310 000 habitants, de quelque 4000 nouveaux venus.

S'y ajoutent un manque d'infrastructures, la multiplication des constructions et des déchets accompagnant les chantiers et encore une consommation à outrance encouragée par la présence dans l'île du plus grand nombre de supermarchés de France par tête d'habitant.

Les efforts de la plupart des communes pour développer le tri mécanique et mettre en place le tri sélectif des ordures ménagères sont en outre suivis d'effets insuffisants, souvent par manque de sens civique.

À tout cela s'ajoute la multiplication par dix de la population insulaire durant les mois d'été avec la déferlante touristique, la Corse ayant plus de 300 000 tonnes de déchets à traiter chaque année.

À la suite de conflits locaux, cet été, certains centres d'enfouissement des ordures étant saturés et refusant de recevoir les déchets d'autres régions, la ministre de l'Écologie Ségolène Royal a lancé le 22 août à Bonifacio (Corse-du-Sud) un appel à la mobilisation pour tenter de régler ce problème «particulièrement critique en Corse».

«On peut réduire, ici comme ailleurs, de moitié, la quantité des déchets à la source, car c'est l'affaire de tous», a déclaré Mme Royal, mentionnant notamment, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique par la croissance verte, les entreprises et les grandes surfaces, mais aussi les particuliers et l'école dans sa mission d'éducation.

Déplorant les faibles résultats en matière de traitement mécanique et de tri sélectif, Mme Royal a annoncé que des dérogations à la loi littoral pourraient être apportées avant la fin de l'année sur des projets d'unités de traitement des déchets pour parvenir à éliminer l'enfouissement.

Après l'annulation par le tribunal administratif de Bastia du permis de construire d'une unité de traitement industriel sur la côte de la plaine orientale, les associations de défense de l'environnement ont déploré l'annonce de dérogations par Mme Royal qui a précisé que celles-ci devraient être «strictement encadrées».

«Comment Mme Royal peut-elle dénoncer le tri mécanobiologique à Paris et le défendre ici?», a demandé la porte-parole du Collectif contre l'incinération, Marie-Dominique Loye.

L'exemple d'une poignée d'habitants

Des expériences locales permettent toutefois d'espérer une amélioration de la situation.

Ainsi, le petit village de Girolata, sur la côte occidentale de l'île, parvient désormais à recycler 80% environ de ses déchets grâce au tri à la source, pour n'en enfouir que 20%, soit des pourcentages inverses de la moyenne corse.

Haut lieu touristique au-dessus de la réserve naturelle marine de Scandola, Girolata où vit une poignée d'habitants en hiver, voit défiler des centaines de milliers de touristes l'été. «Non relié par la route et ravitaillé par bateau ou hélicoptère, le village a fait de son enclavement un avantage en traitant sur place l'essentiel des déchets», explique le maire François Alfonsi.

Depuis quelques années, la commune trie verre, métaux et plastiques évacués par la mer ou les airs et composte les déchets organiques.

Souvent citée en exemple, Girolata attire ainsi des délégations d'élus locaux et de responsables du syndicat mixte de valorisation des déchets (SYVADEC) pour mesurer l'efficacité du système en place et s'en inspirer.

Girolata a investi 350 000 euros, selon M. Alfonsi pour qui «cette somme pourrait être divisée par deux dans des communes plus accessibles et faire changer les habitudes».

Le marché global du traitement des ordures en Corse est de plus de 30 MEUR. Le coût de leur transport et de leur traitement étant de plus en plus onéreux, les collectivités se voient contraintes de confier ce marché juteux à des entreprises privées.

Depuis 2007, elles sont aidées par le SYVADEC, organisme à vocation régionale chargé de la prévention, du recyclage, de la valorisation et du traitement des déchets ménagers, premier organisme de ce type en France.