Fermer l'oeil dans un ancien hôtel particulier du Marais avec vue sur le chevet de Notre-Dame, se réveiller dans une chambre polychrome, au décor baroque ou branché... Derrière les gros acteurs de l'hébergement des jeunes, Paris regorge de petits joyaux ignorés du grand public.

Alors que le secteur des auberges de jeunesse est de plus en plus chamboulé par l'arrivée de grands concurrents privés comme Generator, les petits établissements de quelques dizaines de chambres viennent dépoussiérer l'image traditionnelle des «AJ» aux dortoirs lugubres et aux salles de bain forcément communes.

Peu connues en dehors du cercle des enseignants, les Mije (Maisons internationales de la jeunesse et des étudiants) proposent ainsi depuis plus de 30 ans des lits dans trois anciens hôtels du XVIIe siècle, en plein Marais. Entre l'ancienne demeure du fauconnier du roi et celle, à colombages, des religieuses de l'abbaye de Maubuisson, les routards évoluent dans un décor peu usuel pour une auberge de jeunesse, comtoise et fauteuils Louis XIII à la clé, même si les chambres ont toutes été modernisées.

«En dehors du cachet des bâtiments, les chambres sont toutes équipées de douches et le ménage est fait tous les jours, le tout pour 33,50 euros» par lit, assure Manuel de Carvalho, adjoint de gestion.

À côté de ces lieux chargés d'histoire, fleurissent depuis quelques années des auberges indépendantes design qui se présentent comme des «boutiques hostels», avec un prix à mi-chemin entre l'AJ et l'hôtel.

Oops!, Beautiful city, Caulaincourt Square, The Loft... Il s'agit généralement de petites structures dans lesquelles chaque chambre, finement décorée, avec un mobilier et des lampes design, dégage une ambiance particulière. Elles revendiquent aussi une proximité plus grande avec le client ainsi qu'une connexion WiFi à toute épreuve.

«On voit apparaître une tendance proche de celle qu'on a observée avec les boutiques-hôtels, à savoir des établissements qui jouent sur l'authenticité et le décor, mais ils restent marginaux en termes de volume», reconnaît Vanguelis Panayotis, directeur du développement au cabinet MKG.

«Capital sympathie»

The Loft, près de Belleville, et Oops!, près des Gobelins, sont deux de ces «hostels» de dernière génération. Propriété d'une famille d'hôteliers franco-chiliens, elles misent à la fois sur l'élégance (patio, tables Fermob) et la désinvolture, avec un papier peint imitation «peau de vache». «C'est un lieu décalé, on a joué la créativité. Par-delà le style, tout est mis à disposition, j'ai voulu créer un endroit confortable, un 3 étoiles en auberge», explique le fondateur de l'établissement, Laurent Chicheportiche, tout en ajoutant qu'aujourd'hui «la concurrence est plus rude qu'il y a quelques années».

Chez Oops!, les clients étrangers apprécient le «design très français». «C'est génial, c'est probablement la meilleure auberge depuis qu'on est en Europe, on a un balcon, une salle de bains», apprécie Lewis Robson, un Australien de 20 ans.

Alors que Paris cherche à rattraper son retard en Europe en matière d'hébergement pour les jeunes, les investisseurs voient les projets d'auberges sous un jour plus favorable.

«On trouve dans ce domaine des comptes d'exploitation performants, ce qui n'était pas le cas avant des auberges traditionnelles», estime Vanguelis Panayotis. En privilégiant le partage à la possession, la consommation collaborative a beaucoup joué, selon lui, dans l'attractivité retrouvée des AJ.

Pour Henri de Pracomtal, qui a investi dans Les Piaules, une auberge de 34 chambres et 162 lits qui ouvrira en septembre dans un immeuble Art déco du bas Belleville, ce type de projet bénéficie d'«un capital sympathie, tant auprès de la mairie que des investisseurs». L'établissement, situé dans un ancien centre de formation, a nécessité un investissement de 8 millions d'euros. Il devrait atteindre la rentabilité «à la fin de la première année», espère l'investisseur.

Pour attirer le public, les associés à l'origine du projet, trois trentenaires passionnés de voyage, tablent sur une offre de vins français, ainsi que sur des viennoiseries, fromages et charcuteries du quartier de Belleville. «Pour le reste, on a pris le meilleur de ce qu'on a trouvé dans les auberges qu'on a visitées dans le monde», assure Louis Kerveillant.