Les pèlerins empruntent sa route française puis espagnole pour y marcher pendant des semaines, même des mois. Or, on peut aussi profiter de ses beautés pour quelques jours seulement et en revenir transformé.

Certains optent pour l'absolu grand voyage, d'autres pour une «balade» un peu plus modeste, d'autres encore pour un tronçon de ce trajet qu'ils reviendront peut-être compléter un jour. Si notre petit chemin est bien loin de nous avoir menés jusqu'à la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, ce périple sur la fameuse GR65 a pourtant été grandiose. Neuf jours sur le chemin de Santiago de Compostela suffisent à changer la vie.

Jour 1: LE DÉPART DU PUY-EN-VELAY

C'est ici que tout commence, dans la ville du Puy-en-Velay. Point de départ de la grande marche française vers Compostelle, c'est ici que l'on comprend l'étendue et la folie du projet, du haut de l'énorme rocher où trône la chapelle médiévale de Saint-Michel-d'Aiguilhe, construite quelque part au Xe siècle. On y grimpe afin d'admirer les communes d'Aiguilhe et du Puy-en-Velay, un assemblage de toits orangés magnifiquement désordonnés. C'est aussi ici qu'on fixe à son sac à dos la coquille emblématique des pèlerins et qu'on se fait bénir, au petit matin, lors d'une messe émouvante avant de prendre la route.

Jour 2: SAINT-PRIVAT-D'ALLIER

Parce qu'ils sont excitants, tout nouveaux et, surtout, sans douleur, les 25 premiers kilomètres du chemin relèvent du pur bonheur. On croise ses premiers paysages souvent verdoyants et parfois lunaires, ses premières croix élevées sur des amas de petites pierres (un classique symbole du chemin), ses premiers pèlerins plus tout à fait inconnus. C'est le coeur léger que l'on atteint la ville médiévale de Saint-Privat-d'Allier et son château, lovés au coeur de l'Auvergne.

Jour 3: DÉJOUER LES MONTAGNES JUSQU'À SAUGUES

Si l'on tente de vous faire croire que le chemin de Compostelle est plat, n'en croyez rien. Je me souviens d'une troisième journée difficile, aux paysages aussi sublimes que ponctués de descentes éprouvantes et de montées sans pitié. On marche dans la douleur et la fatigue, mais aussi dans la joie de se retrouver là, à cet instant précis, et nulle part ailleurs. Du haut de la toute dernière colline à dévaler, le charmant village de Saugues-en-Gévaudan fait heureusement oublier tout le reste en accueillant les pèlerins les bras grands ouverts.

Jour 4: DES ANIMAUX SUR LA ROUTE DES FAUX

Ce sont des chevaux sauvages, de petits lézards, des vaches (cornues ou pas), des chiens et des chats errants, en plus d'une multitude de paysages que l'on rencontre sur la route menant au village des Faux. Pour s'y rendre, on marche à travers des champs au vert écossais, des prés jaunâtres truffés d'animaux sauvages, des forêts, des routes de terre et de pierres glissantes, des sentiers sinueux et quelques parcelles de routes asphaltées, nettement trop urbaines au goût des pèlerins. Vingt-huit kilomètres aux allures zoologiques qui permettent d'atteindre le village des Faux.

Jour 5: AUMONT-AUBRAC

En bordure de la route de Compostelle, la tradition invite les pèlerins à déposer des pierres amassées le long du chemin, au pied de croix de toutes sortes. Ces cailloux représentent des voeux, des demandes ou des pensées dirigées vers des êtres aimés ou même vers soi. Ce sont de petits moments magiques et un doux souvenir de la route menant au village d'Aumont-Aubrac.

Jour 6: À MI-CHEMIN: LA COMMUNE FRANÇAISE DE NASBINALS

Cent kilomètres derrière soi et une centaine d'autres à venir. Un vent soufflant à travers les champs, des murs de pierres sèches et du vert à perte de vue. Le long de cette route, les pas semblent soulever avec grâce des nuages de poussière légèrement mystérieux. Les pierres et les rochers sont devenus guides et montrent le chemin. Malgré la douleur (les pieds, les jambes, les genoux, les ampoules, la fatigue...), on reste ébahi devant l'éclat de la commune de Nasbinals, son église et ses jolies ruelles de pierres.

Jour 7: SAINT-CHÉLY-D'AUBRAC

Du haut d'une imposante montagne, le regard balayant un pré infini aussi vert que l'Irlande, c'est ici que, soudainement, j'ai compris que je faisais partie intégrante de cet étonnant décor.

Jour 8: SAINT-CÔME-D'OLT ET ESPALION

Un chemin escarpé, un soleil ardent, des montées et des descentes qui semblent narguer les pèlerins, le chemin menant à Espalion est ardu. Heureusement, il est aussi parsemé de moments magiques comme la traversée du village médiéval de Saint-Côme-d'Olt et la vue imprenable sur la ville d'Espalion, douce récompense après une montée éreintante à travers bois, pierres et poussière.

Jour 9: CONQUES

C'est ici que se termine ce mini-chemin de Compostelle, 191 km plus tard. Ce que chacun a en tête au moment de franchir le seuil de cette ville mille fois imaginée depuis le départ reste personnel et légèrement mystérieux. Pour ma part, au terme de cette aventure, la dernière pierre déposée sous une croix a été placée pour moi-même. Je me suis souhaité de revenir, un jour, poursuivre cette route qui m'a tant fait grandir. Puis j'ai poursuivi mon chemin, car au fond, il ne faisait véritablement que commencer.