La France, en retard sur ses principaux voisins européens en matière de croisières, est devenue un véritable enjeu pour les géants du secteur qui y multiplient les investissements et les offres, persuadés de tirer profit rapidement d'un marché en pleine croissance.

Le numéro deux mondial américain Royal Caribbean International a rouvert un bureau en France cet été après une longue absence et proposera dès juin 2012 de nouvelles croisières au départ de Marseille, Toulon ou Le Havre.

Le suisse d'origine italienne MSC Croisières a ouvert de nouveaux points d'attache cet été à La Rochelle et Cherbourg en plus de ses embarquements habituels. En mai 2012, il va baptiser le dernier fleuron de sa flotte le MSC Divina, fabriqué à Saint-Nazaire, à Marseille, une première et un symbole.

Le Havre est devenu cette année pour l'italien Costa Croisières, numéro un européen, une nouvelle tête de ligne (là où les passagers embarquent et désembarquent, à la différence d'une escale) pour les croisières vers le Grand Nord.

Pour le patron des croisiéristes français, Georges Azouze, également patron de Costa France, «c'est un signe de dynamisme de la part des opérateurs». «C'est aussi tout bénéfice pour le client car la croisière devient pour lui plus accessible», a-t-il ajouté, car il n'a plus à rejoindre un port d'embarquement lointain.

Adam Goldstein, président de Royal Caribbean international, «croit au décollage de la France maintenant» et vise 10% de parts de marché à terme, dit-il à l'AFP. «L'objectif est de doubler en 2012 le nombre de clients français pour passer d'un peu moins de 20 000 passagers actuellement à plus de 40 000».

Un objectif qui pourrait être atteint facilement au regard des chiffres du secteur.

L'an dernier, les Français ont été 12% de plus, à 387 000, à être partis en croisière, une goutte d'eau par rapport à nos voisins européens et notamment les 1,5 million de Britanniques.

En 2011, ajoute M. Azouze, le marché français devrait encore connaître «une croissance à deux chiffres, malgré la crise».

MSC France dit avoir gagné 36% de clients supplémentaires chaque année depuis trois ans et atteint son objectif de 100 000 passagers. Son directeur général Erminio Eschena table pour 2012 «sur une croissance d'au moins 30%» et rêve «à l'horizon 2014 de franchir le cap des 200 000 clients».

Face aux démonstrations de force des compagnies, la bataille va-t-elle faire rage sur l'eau ? M. Goldstein préfère répondre que «les vacances terrestres choisies par 99% des touristes sont notre principal concurrent». «Il n'y a pas assez de bateaux pour capter à 2% du marché!», s'exclame-t-il.

Pour Marseille déjà, la croisière représente une véritable manne. De 164 000 en 2000, le nombre de croisiéristes va passer à 800 000 en 2011 alors que le million devrait être atteint l'an prochain avec la multiplication des escales et des embarquements directs.

Les retombées économiques pour la ville sont estimées à 110 millions d'euros pour 2011. Chaque passager «rapporte» en moyenne 138 euros.

La bataille de France se jouera enfin jusque dans les Caraïbes, première destination mondiale du secteur devant la Méditerranée, où Royal Caribbean prévoit d'ouvrir en novembre une tête de ligne depuis Pointe-à-Pitre rejoignant notamment Costa Croisière et MSC dans la région.

La présidente du Comité martiniquais du tourisme Karine Roy-Camille applaudit chaque retour de croisiériste dans son île qui a accueilli l'an dernier 74 600 passagers sur 620 000 touristes. «Cela va nous redonner du crédit vis-à-vis des autres compagnies» a-t-elle dit à l'AFP, alors l'image des Antilles avait été abimée par les conflits sociaux de 2009.