«Il faut absolument que nous partions à 7h, parce qu'en fin de matinée, la neige deviendra trop molle, là-haut», avait insisté Bénédicte, mon accompagnatrice. Lorsque je l'ai rencontrée la veille, à Aussois, dans la vallée de la Maurienne, elle avait bien précisé qu'elle n'était pas guide de montagne: «En France, ce sont les guides d'alpinisme dûment certifiés qui portent ce titre; moi, je détiens une certification d'accompagnateur de montagne, ce qui me qualifie uniquement pour guider les randonneurs.»

Nous étions arrivés en fin d'après-midi au refuge du Fond d'Aussois, à 2350 m d'altitude. «Vous serez probablement les seuls hôtes, ce soir», nous avait annoncé le gérant du refuge, Thierry Margueron. Ce qui me donnait le privilège de coucher seul dans le dortoir à 10 lits qu'il m'avait assigné. «En haute saison, nous affichons complet presque tous les soirs et nous sommes trois pour cuisiner et entretenir les lieux», avait expliqué Thierry. Nous n'étions qu'au début juin.

Le soir, pendant que le soleil se couchait derrière les pics enneigés qui bornent la frontière avec l'Italie, Thierry nous a servi un sauté de porc au vin accompagné de crozets - ces petites pâtes carrées typiquement savoyardes - gratinés au beaufort. Nous avions terminé la bouteille de Mondeuse - un cépage de Savoie, comme il se doit - avec trois fromages de la région: une tonne de Savoie, une tonne de chèvre et un morceau de beaufort. Le confort est peut-être rudimentaire, dans les refuges du parc de la Vanoise, mais les arts de la table n'y sont pas négligés.

Je m'étais donc réveillé vers 6h et, après un copieux petit-déjeuner où les fromages savoyards tenaient une bonne place, Bénédicte et moi, nous nous sommes engagés sur le sentier détrempé par la fonte des neiges et couvert de névés par endroits. Nous avions accroché des raquettes à nos sacs à dos, car à partir de 2600 m d'altitude, le massif était encore recouvert de neige. «Dans deux semaines, elle aura complètement disparu, avait observé Bénédicte. Surtout si le soleil continue à taper comme ça.» Lorsque nous avons chaussé les raquettes, elle a longuement scruté les flancs du cirque de montagnes où nous nous trouvions pour repérer un autre passage pour la descente. «Ici, c'est trop exposé au soleil et dans deux heures, les risques d'avalanche seront trop élevés», avait-elle commenté. Nous avons donc commencé à grimper dans la neige. De temps en temps, Bénédicte s'arrêtait pour me signaler une soldanelle mauve, qui émergeait du tapis blanc, un edelweiss de l'an dernier blotti dans l'anfractuosité d'un rocher ou encore un gypaète barbu planant dans le ciel avec une lenteur hiératique.

Au sommet

À 10h, nous étions au pied de la dent de schiste qui constitue le sommet de la pointe de l'Observatoire. Nous avons déchaussé les raquettes pour l'escalader et quelques minutes plus tard, nous avions atteint la petite plateforme du sommet. De là, à 3015 m d'altitude, nous apercevions tous les pics du massif de la Vanoise: la dent Parrachée, le dôme de l'Arpont, l'aiguille de Peclet et, en prime, au loin, le mont Blanc nimbé, à cette heure-là, d'un halo rose.

Pendant la descente, nous avons eu droit au spectacle de trois petites avalanches, sur l'autre flanc de la combe où nous nous étions engagés. Et un bouquetin s'est immobilisé sur un rocher, à 200 m, pour nous regarder. «C'est un jeune mâle, qui n'a pas plus de 5 ans», a évalué Bénédicte. Les bouquetins atteignent l'âge adulte vers 10 ans. Ils pèsent alors entre 100 et 130 kg et les cornes torsadées des mâles mesurent 80 cm de long. C'est pour préserver cette espèce que le parc national de la Vanoise a été créé en 1963. Nous en avons vu trois ce matin-là, mais nous n'avons aperçu aucun chamois, même si cet ongulé plus petit - il pèse entre 30 et 40 kg - est présent en bien plus grand nombre dans le parc. Au dernier recensement, on y comptait 4500 têtes contre seulement 700 bouquetins. Mais ces derniers sont plus farouches et on en voit rarement.

Un peu après midi, nous étions de retour au refuge. Quelques randonneurs arrivés de la vallée avaient colonisé la terrasse. Nous nous sommes joints à eux pour dévorer le plat de pormoniers (une saucisse savoyarde) sur lit de polenta que Thierry servait ce midi-là.

Les frais de ce reportage ont été payés par Atout France, Air France, Europauto Vacances et Tourisme Mont-Blanc-Savoie www.parcnational-vanoise.fr, ca.franceguide.com