Gigotant dans le plus simple appareil, nos corps font une ronde avec les poissons. Coquins, les plus petits nous pincent les mollets. L'eau est si claire dans cette crique des îles Lavezzi qu'en restant immobiles, les pieds dans le sable, on a l'impression de se baigner dans un aquarium géant.

La Corse: j'en rêvais depuis des lustres. On nous conseillait de partir en septembre. C'est vrai qu'il y fait bien moins chaud qu'en juillet ou en août. Puis, il y a moins de monde et les Corses, du coup, sont plus disponibles.

 

On est parti en famille en louant une grosse Peugeot 807 avec comme objectif de se baigner, de visiter les villages, de déguster les produits locaux et, si possible, de se reposer! On avait réservé deux maisons, l'une en Haute-Corse, à l'Île-Rousse, pour 12 jours, et l'autre en Corse du sud, à Tizzano, pour les cinq derniers jours.

On a adoré l'Île-Rousse, une cité balnéaire animée, avec sa longue jetée en bord de mer et ses joueurs de boules sur la place Pasquale-Paoli, le vénéré père de la nation corse. Assis sur les rochers de «l'île de la Pietra», qui est rattachée à la terre ferme, on attendait tranquillement que le soleil se couche vers l'Espagne et nappe de tons ocrés les murs des maisons du port. Les vacances, c'est aussi ça: un intermède pour voir passer le temps.

Notre maison, à 300 mètres de la plage, était grande et magnifique. Le soir, sous l'olivier vieux de 600 ans, nous mangions des grillades préparées sur le barbecue de pierre, de la coppa (charcuterie artisanale corse), du fromage de brebis, des pêches délicieuses et des figues. Sans oublier un bon Cap Corse à l'apéritif!

À l'aventure!

Chaque matin, on partait à l'aventure. D'abord, le cap Corse, en passant par Bastia et le joli port d'Erbalunga. La côte y est parsemée de tours génoises du XVIe siècle. Il y en a 85 autour de l'île mais toutes ne sont pas restaurées. Celle de Nonza est perchée 150 mètres au-dessus d'un rivage de galets noirs. Impressionnant. On traverse ensuite les vignobles de Patrimonio, un des meilleurs vins de l'île, surtout le rosé. C'était justement le temps des vendanges. Les tracteurs chargés de raisins faisaient rager les automobilistes pressés.

Non loin de là, le port de Saint-Florent a des airs de Côte d'Azur, avec ses bateaux amarrés le long des quais et ses maisons aux façades fatiguées par le vent et le sel. On a marché jusqu'à la cathédrale du Nebbio, Santa Maria Assunta, construite en roche calcaire en 1125. Aujourd'hui, on n'y célèbre plus de messe régulière. Même la mairie de Saint-Florent n'est pas intéressée à demander des subventions pour la rénover, ce qui désole la paroissienne qui nous l'a fait visiter.

La rue pour se rendre à la cathédrale est bordée de grenadiers et de mausolées. Durant notre séjour, on a souvent vu en Corse ces tombeaux érigés au bord des routes par de riches familles ne voulant pas de repos éternel au cimetière communal. Parfois, notamment en Balagne, ils sont construits les uns à côté des autres, alignés au bord de la route principale.

De Saint-Florent, nous sommes partis en bateau à la plage de Saleccia, près du désert des Agriates. L'eau y était cristalline et le sable très plaisant, mais les guêpes ont gâché notre plaisir, forçant les plus irrités à manger les pieds dans l'eau!

Puis, on a grimpé dans les villages. Fenêtres ouvertes, les odeurs de la végétation sont enivrantes. Partout en Corse, que ce soit dans des zones de maquis, dans les forêts ou près du littoral, les parfums de la nature embaument. À Sant'Antonino, les résidences sont collées les unes aux autres et les ruelles en pierre sont désertées après midi. Ce sont les heures de la sieste. L'animation ne revient qu'avec la partie de pétanque sur la place du village, sous les platanes en fleur, en fin d'après-midi.

En montant au bourg artisanal de Pigna et ses maisons aux volets bleus, on a aperçu la mer au loin. Sombre et en écume, torturée par le passage du mistral. Le temps était maussade. Mais il ne pleut presque pas de mai à octobre en Corse. Sinon, quelques gouttes qui ne durent pas: comme des embruns qui retournent à la mer.

Calvi et Christophe Colomb

On arrive à Calvi la belle et sa citadelle par le train depuis l'Île-Rousse. La «micheline», encore appelée «tortillard», longe doucement la côte parmi les pins laricio, puis arrive au coeur du port de Calvi. Là, il faut monter à la citadelle pour apprécier cette vieille cité romaine où l'amiral anglais Nelson a perdu un oeil lors d'un siège de sa flotte.

D'ailleurs, Calvi est remplie d'histoires. Elle va jusqu'à affirmer être la «vraie» patrie de Christophe Colomb, pourtant réputé né à Gênes. Mais la Corse n'était-elle pas génoise en 1451? Alors! Quoi qu'il en soit, une plaque désigne la maison où serait né «le découvreur de l'Amérique».

Encore perturbé par cette théorie, on a repris la mer. Destination la réserve naturelle de Scandola. Une visite d'une journée délicieuse. Le bateau s'insère lentement dans les calanques de granit et frôle les orgues basaltiques qui baignent dans des eaux d'un bleu irréel. On mange à midi à Girolata, un petit village de 50 habitants l'été. Nous aurions voulu rester plus longtemps mais le bateau nous attendait. Et puis, de toute façon, on ne pouvait pas visiter la tour génoise, non encore rénovée.

Par contre, le lendemain, la tour de Porto nous a offert un superbe panorama. De plus, la mer était en colère et les rivages blancs d'écume. Mais en fait, c'est la route de Galéria à Porto qui est mémorable: une des plus impressionnantes de Corse. Sinueuse à souhait pendant des kilomètres et des kilomètres. Précipices en bonus. Heureusement qu'il y a moins de circulation qu'en juillet et en août, car reculer sur une route de 20 pieds de large quand un bus de touristes arrive en sens inverse est plutôt stressant. Même quand un chant polyphonique passe à la radio Frequenza Mora.

Pour revenir le soir à l'Île-Rousse, on a emprunté une autre route, moins affolante pour les coeurs sensibles. Du coup, on a découvert Ota, le pont génois de Pianella et le village d'Evisa, où des cochons nonchalants se doraient sur la chaussée.

En Corse, il y a beaucoup de sangliers et de cochons sauvages et également des porcs élevés en semi-liberté. Quelques semaines avant janvier, l'éleveur les gave de châtaignes pour affiner la saveur de la chair. Le porc est ensuite tué.

La Corse du sud

On a passé les derniers jours du périple en Corse du sud. Après avoir eu la mauvaise surprise à Tizzano de tomber sur une maison qui ne correspondait pas du tout à nos attentes, notre bonne étoile nous a mis sur le chemin de Gisèle Lovichi, une cuisinière hors pair de Sartène qui nous a loué une de ses villas avec piscine. Un grand luxe ô combien réconfortant après une grande désillusion. Quand on est à l'étranger, cinq dans la voiture à ne pas savoir où l'on va dormir, il y a de la tension!

Finalement, dans notre malheur, on a eu la chance de pouvoir déambuler plus que prévu dans le village de Sartène, duquel on peut voir la mer et où des vaches déambulent parfois librement dans la rue au milieu des voitures!

Mais en Corse du sud, nous avons surtout été fascinés par Bonifacio, ville construite en partie sur une falaise calcaire face à la Sardaigne. Nous avons passé deux jours à la découvrir. Une première journée à parcourir ses petites rues, ses jardins, son impressionnant cimetière marin et ses célèbres 187 escaliers dits «du roi- d'Aragon» qui descendent de façon vertigineuse jusqu'à la mer.

Nous avons consacré la deuxième journée à découvrir le port et les petits chemins de douaniers, sur la falaise, où des peintres s'installent pour reproduire les maisons ancrées au-dessus du vide. Nous avons pris un bateau pour apprécier l'allure de ce joyau depuis la mer et pour aller visiter les îles Lavezzi et Cavallo, situées entre Bonifacio et la Sardaigne.

Ces îles sont un véritable paradis pour les amateurs de plongée sous-marine. Nous avons été impressionnés par la couleur de l'eau, sa douceur, sa chaleur, le calme qui règne dans les petites criques isolées. Le repos est total. On est en harmonie avec la nature. Un vrai bonheur.

Le caractère corse

En revenant en direction de Bonifacio, l'équipage nous a désigné sur la côte les maisons cossues de plusieurs célébrités: Zinedine Zidane, Gérard Depardieu, Johnny Halliday, Bernard Kouchner, la princesse Caroline de Monaco, Alain Prost, etc. Ces constructions font rager les nationalistes corses, qui plaident pour une conservation raisonnée de leur patrimoine et craignent la surexploitation de la nature, un peu comme nous l'avons observé à Ajaccio où toute la route qui sépare la ville des îles Sanguinaires est bordée d'immeubles de toutes sortes aux architectures pas toujours bien intégrées à la couleur locale.

À Propriano, alors qu'on achetait un couteau, la vendeuse a dit sans plaisanter qu'une des marques s'appelait Vendetta parce que la vengeance est encore courante et qu'un bon couteau peut être utile pour régler ses comptes! Le code d'honneur existerait-il encore en Corse?

Finalement, c'est de la belle patrie de Napoléon, Ajaccio, que nous avons quitté l'île, laissant derrière nous tous ces parfums, et une pensée pour ces repas de figatellu, de liches et de brocciu que nous avons appréciés avant de lire tranquillement sur la plage. Nous sommes partis repus de ce pays charmant avec le souhait d'y revenir un jour, à deux, pour un défi plus sportif: les sentiers, notamment le mythique sentier de grande randonnée GR20...

Repères

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Maison

Pour avoir le plaisir d'être chez soi, la réservation d'une maison est un bon choix. Nous avons fait affaire avec le site internet homelidays, qui propose des dizaines de maisons notées par les touristes et à tous les prix. Il vaut mieux louer du samedi au samedi et réserver l'avion ensuite.

> Voiture

Pour visiter la Corse, il vaut mieux réserver et louer une auto en Corse, histoire d'avoir l'air «local». Prévoir un véhicule qui permet d'aller dans les chemins peu carrossables.

> Conduite

Ne pas rouler vite... même si les gens du coin le font et même si l'état des routes est souvent excellent. Les nombreuses gerbes de fleurs au bord des routes invitent à la prudence. Pour les passagers qui n'ont pas l'habitude des virages, apporter des Gravol...

> Curiosité

Étonnant le nombre de panneaux de signalisation routière en français badigeonnés de peinture ou transpercés de balles de fusil! «Des jeunes patriotes qui préfèrent la langue corse», nous a-t-on dit.