Dans un fracas d'armures un chevalier frappe et frappe encore de son épée son adversaire qui finit par vaciller sous un soleil de plomb.

Les cris de la foule de spectateurs couvrent le cliquetis des armes.

Non loin, sur une petite route bondée de touristes, un guerrier profite de sa pause pour soulever fièrement la poussière sur sa moto Harley Davidson qui brille autant que son casque médiéval.

Chaque année en juillet, les passionnés du Moyen Age convergent de toute l'Europe vers Grunwald, dans le nord de la Pologne, pour endosser leur cotte de maille, se gorger de kwas, boisson fraîche à base de pain fermenté et se battre sans retenue.

Cette année, leurs retrouvailles marquent une date joliment ronde: le 600e anniversaire de la bataille de Grunwald, qu'ils devaient reconstituer samedi après-midi, après des jours de tournois et répétitions, devant une foule évaluée à 120 000 personnes.

Le 15 juillet 1410, une armée polono-lituanienne écrasait l'ordre des chevaliers teutoniques, moines guerriers de langue allemande qui dominaient les côtes de la Baltique.

Cette victoire eut un impact profond sur l'histoire de la région, contribuant à la création d'un puissant Etat polono-lituanien qui dura quatre siècles et s'étendit de la Baltique à la mer Noire. Elle reste vivante dans l'esprit des Polonais et des Lituaniens.

Selon ses organisateurs, l'événement est devenu la plus grande reconstitution chevaleresque d'Europe.

Ses participants viennent de toute la région: Polonais, Lituaniens, Ukrainiens, Russes, Bélarusses mais aussi des Français, des Allemands, des Italiens, des Belges et des Britanniques.

«C'est une véritable passion et l'esprit de camaraderie y est très fort. C'est comme une grande famille», explique Adrian Piotrowski, un pompier de 31 ans de Plock (centre).

«Mais quand je rentre dans mon personnage, avec mon casque et mon épée, alors je m'y crois vraiment. Cela aide à évacuer l'agressivité, de façon saine», assure M. Piotrowski, qui vient à Grunwald depuis l'âge de 17 ans.

Avec quelque 2200 soldats dont des dizaines à cheval, il devait se lancer samedi après-midi sur le champ de bataille. La reconstitution a lieu non le 15 juillet mais le week-end pour les touristes.

Quelque 6000 figurants et chevaliers campent une semaine dans un véritable retour dans le passé, où des paysans recrutés et toute une suite d'hommes et de femmes accompagnent les chevaliers.

«C'est comme une sorte de Woodstock chevaleresque», résume Jaroslaw Struczynski.

Il joue le grand maître de l'Ordre teutonique Ulrich von Jungingen, mort dans la bataille. Il porte pour cela une interminable barbe et a le crâne rasé, à l'exception d'une queue de cheval sur le sommet de la tête.

Les reconstitutions sont son métier: il gère un château à Gniew (nord).

M. Struczynski aime raconter sa chute de cheval à la bataille de Grunwald de 1999 et sa fracture au pied. L'année suivante c'était au tour de l'acteur jouant le roi de Pologne de tomber et de se briser la clavicule.

Le même médecin était de garde à l'hôpital local: «Bon, alors c'est ex-aequo maintenant?», avait ironisé le praticien.

Au fil des ans, les organisateurs ont débarrassé Grunwald de tout style hollywoodien ou de roman fantastique pour n'autoriser que les équipements semblables à ceux de 1350-1420, créant un modèle européen d'authenticité.

Wilfried Brinkmann, un Français de 31 ans d'origine allemande, a découvert Grunwald il y a quatre ans.

«Porter des costumes d'époque fait revivre ces temps et nous aide à comprendre les gens qui y ont vécu», dit-il. Sa femme polonaise, Anita, 26 ans, y voit une autre dimension: «Pour nous les Polonais, qui sommes très patriotes, c'est un moment hautement symbolique de notre histoire».