Hôtels «chinese friendly», guides en mandarin, l'Espagne met les petits plats dans les grands pour combler son retard sur la France ou les États-Unis et attirer quelque 100 millions de touristes chinois.

Nombre d'entre eux sont attendus à travers le monde à l'occasion des congés du Nouvel An chinois, les «grandes vacances» du pays, qui ont démarré autour du 18 février, date du passage à l'année de la chèvre.

À Madrid, la chaîne de grands magasins El Corte Inglés ne les a pas oubliés et a affiché sur la façade principale de son immeuble le plus emblématique à Madrid une gigantesque affiche publicitaire rouge où l'actrice Penelope Cruz félicite les Chinois pour cette occasion.

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, avait annoncé, lors d'une visite en Chine en septembre, l'accélération de l'octroi de visas, désormais délivrés en deux jours, pour les touristes.

L'aéroport sous-employé de Madrid est également en négociation avec des compagnies asiatiques afin de les attirer et créer un «hub» vers l'Amérique latine.

Mais, pour l'heure, seule une compagnie, Air China, offre sept vols directs par semaine entre la Chine et l'Espagne, contre 28 vols pour l'Italie, 70 pour la France et 87 pour l'Allemagne.

«On devrait donner une médaille ou consacrer un monument à chaque Chinois qui arrive en Espagne directement de Chine tant c'est difficile», relève Kevin Latham, professeur de l'Université de Londres et auteur d'un livre sur le tourisme chinois en Europe.

Du coup, même si les Chinois visitent en général plusieurs pays durant leur voyage, l'Espagne est souvent difficile à inclure.

«Il faut ajouter deux ou trois jours» à son voyage pour pouvoir visiter ce pays, explique Kevin Latham.

Or, la Chine, avec ses 1,37 milliard d'habitants, est le pays dont le nombre de touristes a augmenté le plus vite ces dix dernières années, selon l'Office mondial du Tourisme, une hausse s'expliquant par la croissance et la levée progressive des restrictions de voyage imposées par les autorités.

Des nems pour déjeuner 

Mais l'Espagne n'a accueilli que 288 000 visiteurs chinois en 2014, et 253 000 en 2013, selon le bureau de tourisme Turespana.

En comparaison, les États-Unis en ont reçu 1,8 million et la France 1,2 million en 2013.

«Nous allons clairement rater le train du tourisme chinois», craint Hilario Alfaro, président de Madrid Business Forum, un lobby du secteur.

S'il se félicite des visas plus rapides, il regrette que l'Espagne exige la présence du touriste en personne pour la remise de son titre de séjour, alors que la France le livre à domicile et les États-Unis permettent le retrait dans des succursales bancaires.

Pourtant, l'Espagne, troisième pays le plus visité au monde après la France et les États-Unis, a de nombreux atouts, avec ses plages et son soleil.

Le tourisme représente 10,9 % des richesses annuelles du pays et un emploi sur neuf.

Le secteur a déjà fait des efforts pour séduire le vacancier chinois, un des plus dépensiers.

Le musée Thyssen-Bornemisza, un des trois grands musées de peinture de Madrid, a été le premier du pays à lancer, en 2014, des guides en mandarin.

Il offre aussi un guide en mandarin de suggestions de cadeaux et de 10 restaurants chinois.

Des hôtels se mettent aussi aux goûts chinois, comme le cinq étoiles Silken Puerta America à Madrid, offrant nems, pâtes au poulet et riz au petit déjeuner.

«Il faut nous adapter pour que le client se sente comme chez lui», explique Sara Diaz, une porte-parole de l'hôtel.

L'hôtel, labellisé «Chinese Friendly», a accueilli plus de 6000 Chinois en 2014, plus du double de l'année précédente, démontrant que les efforts peuvent être payants.