Si l'avènement des établissements McDonald's ou Starbucks semble encore lointain pour Cuba, l'île connaît un fort regain d'intérêt parmi les voyageurs américains depuis l'annonce surprise d'un rapprochement historique entre La Havane et Washington.

«Cuba est à la mode aux États-Unis parce que les gens ne la connaissent pas», explique à l'AFP Walton, un retraité américain rencontré dans la vieille Havane. Selon ce professeur à la retraite du New Jersey, se rendre à Cuba revient à «effectuer un voyage 50 ans en arrière».

Walton fait partie des quelques poignées de privilégiés à bénéficier d'un laissez-passer pour visiter l'île fermée aux touristes américains du fait d'un embargo. À l'exception des visites familiales, seuls les voyages à finalité éducative, religieuse, sportive ou artistique sont autorisés par Washington.

Mais depuis l'annonce surprise d'un début de normalisation entre les ennemis de la guerre froide, la présence des «Yumas», comme les surnomment les Cubains, se fait plus visible sur l'île. Chacun souhaitant avoir la primeur de goûter à ce fruit cubain longtemps défendu.

«Aux États-Unis, les gens sentent que dès que cela s'ouvrira davantage (...) il y aura de plus en plus de touristes», reconnaît Larry, autre retraité ayant bénéficié d'un visa «éducatif» d'une semaine.

L'embargo maintenu contre l'île depuis 1962 interdit aux Américains de se rendre à Cuba en tant que simples touristes, mais les restrictions pesant sur les 12 catégories autorisées ont été récemment assouplies par Washington, provoquant un afflux notable de visiteurs.

«Nous commençons à voir nos chiffres estivaux progresser significativement par rapport à l'an dernier», confirme à l'AFP Tom Popper, président d'InsightCuba, une entreprise basée à New York qui propose depuis 15 ans des voyages dans l'île.

Chaque année, cette agence spécialisée permet à de 3000 à 5000 Américains de découvrir Cuba. Des chiffres que M. Popper espère «doubler, voire tripler», en 2015.

Un tourisme américain décuplé? 

«Pour la prochaine saison haute (décembre-mai, NDLR), l'intérêt est énorme, les manifestations d'intérêt auprès de nos agences ont triplé ou quadruplé», explique de son côté Alina Fernandez, présidente de l'agence Cuba Travel USA, qui a pu affréter en mars le premier vol La Nouvelle Orléans-La Havane depuis 1958.

Selon celle-ci, le chiffre de 100 000 Américains qui visitent l'île chaque année pourrait progresser de 30 à 50% en 2015, même si Mme Fernandez déplore l'insuffisance des capacités hôtelières d'une île qui accueille pourtant trois millions de touristes par an.

D'après certains experts, la levée de l'embargo provoquerait un décuplement de visiteurs américains à Cuba, notamment avec les nombreux bateaux de croisière qui sillonnent en permanence les eaux claires des Caraïbes.

Si ce nouvel afflux ne semble pas affoler la plupart des Cubains, qui n'entretiennent généralement aucune animosité à l'endroit de leurs voisins du Nord, cette clientèle réputée généreuse ravit les professionnels du tourisme.

«Le tourisme américain est le meilleur du monde. Les Américains sont les meilleurs au moment de donner des pourboires», s'enthousiasme notamment Victor Hugo Felipe, propriétaire du restaurant Kilómetro 0 dans la capitale cubaine.

Le rapprochement historique annoncé mi-décembre entre les États-Unis et Cuba semble aussi avoir un impact sur le tourisme provenant d'autres pays, et d'Europe notamment.

Cette année, le pays a atteint le million de touristes en mars, du jamais vu auparavant, avec une progression estimée de 14% par rapport aux trois premiers mois de 2014.

Au premier rang des visiteurs en forte croissance figurent évidemment les Américains (+29,5%), mais aussi les Britanniques (+30,6%), les Allemands (+23,3%) et les Français (+22,8%).

Johan Dorssemont, directeur à La Havane de l'agence belge Transnico Internacional, explique à l'AFP que ce regain d'intérêt européen provient d'une stratégie commerciale efficace mettant en avant l'urgence de visiter Cuba.

«Parce que quand les Américains vont arriver, tout va changer, ils vont ouvrir des McDonald's où ils veulent.»

En attendant, le rapprochement est en marche et pourrait s'accélérer à la fin de cette semaine avec une rencontre très attendue entre les présidents Barack Obama et Raul Castro lors du Sommet des Amériques au Panama.