Découvert par Christophe Colomb en 1493, puis abandonné par les Espagnols au profit de terres plus riches, l'archipel des îles Vierges a longtemps été un repaire de pirates. Une partie des îles est aujourd'hui britannique. On y coule une vie tranquille, où soleil et légendes font bon ménage.

En face de la baie de Leverick, au large de l'île Virgin Gorda, la petite île de Mosquito a l'air pratiquement déserte. Pourtant, chaque fois qu'on la voit, on se fait rappeler que Richard Branson l'a achetée en 2007 pour la somme de 10 millions de livres (16 M$ CA), qu'il est en voie d'y établir une réserve écologique et qu'il entend la peupler d'un type de lémur en voie d'extinction.

Le dernier projet du milliardaire britannique fait évidemment jaser: tous ne sont pas d'accord avec l'idée d'introduire une espèce africaine au beau milieu des Caraïbes. Mais au-delà du débat, un fait demeure: les îles Vierges britanniques regorgent d'histoires extraordinaires, à cheval entre la légende et la réalité.

Sur un traversier, tandis qu'on fait la navette entre Tortola et Saint Thomas, une guide de croisière qui accompagne un groupe de touristes leur montre une maison qu'elle désigne comme étant celle de Madonna: blanche, immense et qui surplombe la mer du haut d'une crête.

Avant de faire de la plongée en apnée dans les grottes de Norman Island, on lit dans à peu près tous les guides de voyage que Robert Louis Stevenson s'est possiblement inspiré de cette île pour écrire son célèbre roman L'île au trésor.

Puis, il y a Sir Francis Drake Channel, Bellamy Cay... Un peu partout, les noms de cours d'eau, d'îlots ou de passages rapellent ces histoires de pirates, de corsaires et de brigands qui forment le passé bien réel de l'archipel.

En bref, les îles Vierges britanniques font rêver.

L'île de Tortola, où se trouve la capitale, Road Town, offre un peu de tout: du surf, l'hiver, sur des plages comme Cane Garden Bay; des plages superbes et parfois désertes, comme celle de Smuggler's Cove; de très bons restaurants; des pistes de randonnée pédestre dans la végétation luxuriante de Sage Mountain National Park, le plus haut point de l'archipel; une vie nocturne parfois active, surtout les soirs de pleine lune.

Les rues de sable de Jost Van Dyke accueillent jusqu'à des membres des Rolling Stones pendant leurs vacances... L'île est aussi connue pour deux choses: d'abord, le Pain killer, un cocktail de rhum brun, de crème de noix de coco et de muscade, qui aurait été créé ici, au Soggy Dollar Bar, sur le bord de la plage. Ensuite, pour un autre bar, également sur le sable: le Foxy's, géré par le chanteur calypso du même nom, gloire des îles Vierges britannique. Lors de notre passage, il fabriquait des cages à homard dans la cour de son restaurant.

Dans l'île de Virgin Gorda, la «Grosse Vierge» de Christophe Colomb, le décor et la station hôtelière cinq étoiles Little Dix Bay, construite par Laurance Rockefeller dans les années 50, s'agencent parfaitement - l'établissement offre à ses clients l'une des plus belles plages de l'archipel. On peut aussi louer une suite à partir de 700$ la nuitée au Biras Creek Resort, l'unique Relais&Châteaux des îles Vierges. Et pour un peu d'action, The Baths, une série d'anfractuosités rocheuses un peu plus loin dans l'île, se prêtent à l'exploration, à la plongée ou tout simplement à la sieste sur la plage.

Dommage que ces temps-ci, l'histoire qui retient le plus l'attention dans ce territoire britannique d'une soixantaine d'îles et d'îlots prenne la forme d'une remise en question. Depuis plus de 50 ans, l'industrie touristique est l'un des deux principaux moteurs de l'économie locale (avec la finance offshore). Or, l'archipel d'une soixantaine d'îles n'a pas été épargné par la récession mondiale, d'autant plus qu'une partie significative de ses visiteurs sont américains.

Ils sont donc plusieurs à se demander: qu'est-ce qu'on fait, maintenant?

Mais bon, entre les eaux turquoise, la nature luxuriante, la voile, la plongée, le surf, la randonnée, le farniente, la plage, le relief montagneux, la gastronomie, les coraux, les poissons multicolores, les tortues, les requins, les fruits tropicaux, les langoustes, le rhum, les gens riches et célèbres, les full moon partys, les cinq étoiles, un Relais&Châteaux, les histoires et l'Histoire... ils devraient trouver.

Fête de la pleine lune Par amour pour une Canadienne...

Entre deux bouchées de poulet, Bomba raconte comment le Full Moon Party de son Bomba Shack est devenu l'un des plus célèbres des Caraïbes. «C'est pour une femme canadienne que j'ai rencontrée sur la plage, dit-il. C'était en 1985 environ... Nous sommes tombés amoureux, nous nous sommes mariés et nous avons habité ensemble pendant neuf ans.»

Assis seul dans une arrière-boutique, l'homme de 67 ans mange tranquillement. Un gros ventilateur posé sur la table lui souffle dans le visage. Le ronronnement s'ajoute aux bruits de la fête, dans le bar, dans la rue et sur la plage.

Chaque pleine lune, se souvient le gros monsieur à la barbe grise, l'envie prenait à son épouse canadienne de faire la fête et d'aller voir ailleurs... Jusqu'à ce qu'un jour, au cours d'une visite en Saskatchewan, la belle-mère conseille au nouveau gendre d'organiser une fête les soirs de pleine lune pour s'assurer de la garder près de lui.

«Le shack est ouvert depuis 1976 et le premier Full Moon a eu lieu en 1986. Il n'y avait que cinq personnes!» dit-il.

Vingt-cinq ans plus tard, c'est l'une des deux principales fêtes de la pleine lune organisées dans l'île de Tortola, dans les îles Vierges britanniques. L'autre est une soirée plus familiale, dans la baie de Trellis. Des gens de tous les âges se rassemblent sur la plage pour écouter de la musique, danser et admirer les dernières créations des artistes locaux, dont de grosses boules de métal remplies d'un feu qui brûle pendant quelques heures et qui semblent flotter sur l'eau.

Le party du Bomba Shack, pour sa part, n'a rien de familial. En fait, il est surtout devenu célèbre en raison du thé aux champignons hallucinogènes qu'on y sert à minuit. La petite histoire veut que la mixture ait entre autres la propriété de donner aux femmes l'envie de se dévêtir. Nous n'avons rien vu de tel lors de notre passage qui, il faut le dire, était de courte durée, pleine saison morte. Ce qui saute aux yeux, par contre, ce sont des dizaines de sous-vêtements féminins épinglés aux murs et au plafond de la bicoque de bois qui surplombe la mer et le nombre encore plus nombreux de polaroids de plus ou moins bon goût, montrant des clientes en petite tenue (ou sans tenue du tout), le vieux Bomba jamais bien loin.

L'épouse canadienne a fini par partir pour de bon, malgré les partys de la pleine lune qui eux, ont continué. Le thé aux champignons, aussi, continue de couler à flots. «C'est légal ici, explique Bomba. Mais l'effet n'est pas aussi puissant que si vous mangiez les champignons eux-mêmes. Ça relaxe l'esprit et le corps. C'est de la méditation et de la fête; vous venez au party et vous décompressez.»

Il admet que ça n'a pas toujours été aussi «relaxant»: «Il y a un certain temps, mes amis avocats et médecins m'ont conseillé de l'adoucir un peu, raconte-t-il. Des femmes perdaient le contrôle et elles se réveillaient sur un bateau à Porto Rico, ou dans une autre île, sans savoir où elles étaient ni comment rentrer.»

«Donc le thé n'est plus aussi fort qu'il était. Mais cet hiver, nous aurons de la soupe! enchaîne-t-il fièrement. Oui, ça sera un peu plus fort que le thé actuel...»