Des pèlerins chiites, l'air détendu, se laissent bercer par le mouvement régulier du train qui les conduit de Bagdad à Samarra, un ancien bastion d'Al-Qaeda. L'image était improbable il y a un an. Mais le recul des violences a redonné une seconde jeunesse à cette ligne.

«Le pire des violences entre chiites et sunnites est derrière nous», estime Mahmoud Mohsen, qui vit dans l'immense quartier populaire de Sadr City, à Bagdad.

Il se rend en pèlerinage à Samarra, qui abrite le mausolée du 11e imam de l'islam chiite. C'est là, le 22 février 2006, qu'une explosion avait entraîné l'effondrement d'une partie du dôme doré. L'acte imputé à Al-Qaeda, perçu comme une attaque contre les chiites, avait déclenché des violences qui ont fait des dizaines de milliers de morts. La situation se stabilise progressivement désormais.

«Nous sommes tous égaux maintenant: sunnites, chiites... et même chrétiens», dit Abbas Ahmad Taleb, 63 ans, vêtu d'un keffieh blanc et noir.

Le train est parti plus tôt de la gare centrale de Bagdad, un édifice construit par les Britanniques, et traverse les 125 km d'une zone soumise pendant longtemps au joug des groupes insurgés et d'Al-Qaeda.

Depuis décembre, le train transporte chaque vendredi de 80 à 100 passagers pour un voyage de deux heures et demie.

Mais la semaine dernière, 220 passagers se sont pressés dans les wagons pour se rendre à Samarra et participer aux commémorations de la mort du 11e imam.

«Les années 2003-2006 n'étaient pas bonnes. Au départ, nous n'avions pas de communication avec les conducteurs de locomotive. Les trains n'étaient utilisés que pour le transport de marchandises», explique Abdel Amir Hammoud, directeur des Transports publics de Bagdad.

Trois conducteurs ont été tués par des bombes posées sur les rails. Depuis l'année dernière, l'armée irakienne a pris le contrôle de la zone et surveille les voies ferrées.

«Nous avons besoin de sortir de Bagdad, nous avons besoin de prendre l'air», assure Oum Mina, une mère de famille qui voyage avec 15 proches et voisins.

Alors que les passagers se photographient mutuellement avec leurs téléphones portables, Taleb, 24 ans, rappelle l'importance religieuse d'un pèlerinage à Samarra, ville natale du 12e et dernier imam, celui qui doit revenir restaurer la justice selon la tradition messianique chiite.

«Je suis certain que l'imam reviendra bientôt et changera le monde», dit-il.

Une fois à Samarra, les pèlerins sont escortés par des policiers jusqu'aux bus. Les femmes, vêtues de la traditionnelle abaya noire qui les recouvre des pieds à la tête, sont fouillées séparément des hommes, derrière un mur en béton, par crainte d'attentats suicide perpétrés par des femmes kamikazes.

À la fin de la journée, les pèlerins reviennent à la gare. Dans le train du retour, il est l'heure de manger: riz, poulet et pain, suivi d'un thé noir et épais au milieu des cris d'enfants et des rires.