À Sainte-Justine, moins de 50 enfants de moins de 26 semaines naissent chaque année. Une trentaine d'entre eux survivent. De ce nombre, la moitié gardera des séquelles: soit sévères (20%), soit moyennes à légères (30%). Quand on sait que l'accès aux services spécialisés extrahospitaliers est limité, la question se pose: vaut-il la peine de garder ces très grands prématurés en vie? Nous avons interrogé des médecins de trois hôpitaux québécois. Leur réponse est sans équivoque.

«Toute la difficulté de notre travail réside dans le fait qu'on est incapable de prévoir avec certitude quel enfant sera correct et lequel ne le sera pas. Il y a probablement des enfants chez qui on arrête les traitements qui auraient pu être normaux et vice versa. C'est une réalité avec laquelle il faut composer. Si on débranchait tous les enfants nés à 24 semaines, on débrancherait huit enfants normaux pour deux qui développeront des séquelles significatives. Ça n'aurait pas de bon sens. Pour chaque histoire négative, il y a quatre histoires positives.»

 

Geneviève Piuze, chef de service en néonatologie, CHUL

«Tous les bébés ne sont pas pris en charge systématiquement. À moins de 26 semaines, nous laissons une grande latitude aux parents. Les risques de séquelles dépendent aussi des services qu'on est capable d'offrir à ces enfants dans les premières années. Or, il y aurait beaucoup de travail à faire sur cette offre de services. Car une fois que les enfants arrivent à avoir accès à ces services, il est souvent trop tard. Il y a un débat public à faire, absolument: est-ce qu'on est prêts à investir dans la prise en charge des grands prématurés et à leur offrir, en parallèle, une prise en charge extrahospitalière pour leur permettre le meilleur développement possible?»

Antoine Payot, néonatologiste à Sainte-Justine

«Est-ce qu'on est prêts à sacrifier la vie de 50% d'une population parce qu'un autre 50% n'a pas accès à des soins spécialisés? Sur un plan humaniste, ce serait une aberration. Il ne faut pas limiter à l'entrée, mais soutenir à la sortie.»

Louis Beaumier, néonatologiste à l'Hôpital de Montréal pour enfants et à l'hôpital Royal Victoria, du Centre universitaire de santé McGill