Depuis quelques hivers, de drôles de spécimens à deux roues circulent dans les sentiers de raquette et de ski de fond du Québec. Nous sommes allés à la rencontre d'amateurs defatbike, ou vélo sur neige, un sport en plein essor.

Une monture qui n'a pas froid aux yeux

Le vélo n'est plus un sport que l'on ne pratique que les beaux jours, du printemps à l'automne. Que non ! Depuis quelques hivers, les montures aux roues larges se multiplient dans les sentiers de raquette, sur les pistes de ski de fond et sur les routes enneigées du Québec. Le fatbike est sans aucun doute un sport en plein essor.

Le vélo sur neige a roulé sa bosse de la côte Ouest jusqu'au Québec. En fait, il aurait été inventé par des amateurs de vélo de montagne, à la fin des années 80, en Alaska. Dans un sentier bosselé et étroit en forêt, les sensations s'apparentent effectivement à celles que procure le vélo de montagne. Malgré ce détail, de plus en plus de cyclistes sur route raffolent aussi du fatbike.

« Le défi, ce n'est pas d'aller vite comme en vélo sur route. C'est plutôt d'essayer de ne pas poser le pied par terre, d'emprunter des sentiers exigus et d'éviter les obstacles », explique Guy Milette, un converti qui a fait l'acquisition d'un vélo sur neige - avec, oui, monsieur, des poignées chauffantes - il y a deux ans.

En selle à l'année

Comme de nombreux passionnés, cet adepte du vélo de montagne a été séduit par l'idée de pouvoir être en selle et de pédaler 12 mois par année, même au coeur des hivers les plus rigoureux. « J'aime être dehors, j'aime la forêt, j'aime me retrouver entre amis et ce sport me procure tous ces plaisirs », explique le retraité, assoiffé de sensations fortes.

Francis Tétrault, chargé de projet, vélo de montagne chez Vélo Québec, remarque bien l'engouement grandissant pour le vélo sur neige auprès des jeunes et des moins jeunes. Même des familles se convertissent à ce sport d'hiver, affirme-t-il.

L'année dernière, M. Tétrault a recensé une soixantaine d'endroits où louer des vélos sur neige et une centaine de lieux où le pratiquer à travers la province. Ces chiffres sont remarquables si l'on considère que le sport est connu ici depuis moins de 10 ans, dit-il.

Ne pas se fier aux apparences

En apparence, ces gros monster trucks sur deux roues ont l'air particulièrement lourds, mais il n'en est rien. Ils peuvent aussi sembler difficiles à conduire, mais c'est pourtant tout le contraire. Avec leurs pneus qui mesurent de 8 à 12 cm de largeur, les vélos sont faciles à diriger, parole de journaliste.

« Si vous avez déjà fait du vélo, vous êtes qualifié pour faire du fatbike », s'exclame M. Tétrault. En fait, c'est comme le ski de fond. La première fois, on n'ira pas monter ou descendre des pentes hyper abruptes. C'est un peu la même chose en fatbike. »

Selon lui, le vélo sur neige convient aussi bien aux gens qui veulent faire une simple balade qu'à ceux qui veulent faire un entraînement intense. Quoi qu'il en soit, il y a de quoi pédaler pour se garder au chaud... même lorsqu'il fait froid.

Endroits où louer un fatbike

Répertoire des sentiers et des endroits où louer un vélo sur neige.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

«Quand la neige est dure et que ça ne glisse pas, ce n'est pas extra en ski de fond, dit Francis Tétrault de Vélo Québec. Mais ces journées-là sont les meilleures pour le fatbike parce qu'on roule sur la neige compactée.»

La cohabitation avec les randonneurs

Les adeptes de fatbike adorent les sentiers de raquette où la neige a été tapée par les randonneurs. Mais est-ce que les raquetteurs aiment autant les vélos sur neige ? L'émergence d'un nouveau sport d'hiver amène nécessairement une cohabitation sur les pistes enneigées.

Depuis deux ans, le parc du Domaine vert à Mirabel ouvre une quinzaine de kilomètres de sentiers de raquette et de ski de fond aux cyclistes sur neige. La plupart du temps, le partage des sentiers se déroule sans difficulté, mais le directeur général de l'endroit admet qu'il doit parfois apaiser des clients mécontents.

Lors des quelques incidents qui ont entraîné des plaintes, le directeur du parc a toujours encouragé la courtoisie et le partage des pistes, comme doivent le faire les piétons et les cyclistes sur les routes publiques.

Francis Tétrault, chargé de projet chez Vélo Québec, affirme que les vélos d'hiver roulent beaucoup moins vite que les vélos d'été, ce qui facilite grandement la cohabitation entre les différents utilisateurs des pistes en forêt.

« Les pneus des fatbikes sont très larges et sont très peu gonflés pour que les roues exercent une traction dans la neige. La vitesse de progression du vélo sur neige ressemble donc sensiblement à celle du ski de fond. Dans un sentier plus étroit, la vitesse peut même s'apparenter à celle d'un marcheur », dit-il.

Avec le temps, les skieurs de fond, les raquetteurs et les cyclistes arriveront sûrement à partager les sentiers sans discorde. Exactement comme ont réussi à le faire les skieurs alpins et les planchistes dans un passé pas si lointain.

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Le directeur général du Domaine vert à Mirabel affirme que la demande pour les vélos sur neige est exponentielle depuis quelques hivers.

Un nouveau marché pour les centres de ski

Francis Tétrault, de Vélo Québec, estime que l'arrivée du vélo sur neige représente un marché fort intéressant pour les centres de ski de fond et de ski alpin. Le nouveau sport n'est peut-être pas le sauveur tant attendu, mais il peut assurément générer de nouveaux revenus, affirme-t-il.

« Les saisons de ski de fond et de ski alpin sont de moins en moins longues. Les stations doivent composer avec des changements climatiques et avec des coûts de production de neige artificielle. Petit à petit, elles commencent cependant à voir un intérêt financier dans le fatbike, un sport qui amène de nouveaux clients sur leurs pistes », résume M. Tétrault.

Le fatbike, un sauveur ? Sébastien Lalonde, directeur général du parc du Domaine vert, à Mirabel, trouve le mot un peu fort. Il admet cependant qu'il a tout intérêt à courtiser les amateurs de ce sport.

« En décembre et jusqu'après Noël, ce sont les seuls clients qu'on avait dans nos sentiers avec les randonneurs », raconte-t-il.

Avec le nombre de cyclistes sur neige qui augmente et la quantité de nouveaux sentiers qui s'ajoutent, les curieux sont évidemment de plus en plus nombreux.

C'est une roue qui tourne. Au plus grand bonheur des centres de ski.

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«Le défi, ce n'est pas d'aller vite comme en vélo sur route. C'est plutôt d'essayer de ne pas poser le pied par terre», explique Guy Malette, un adepte du vélo sur neige.