Le Néerlandais Wim Hof a acquis une certaine notoriété en multipliant les records d'exposition au froid. Il a mis au point une méthode basée sur le froid et le contrôle de la respiration pour renforcer le corps et prévenir les maladies. Il y a des sceptiques. Seront-ils confondus?

Wim Hof, mythe et réalité

En 2012, le journaliste américain Scott Carney décide de se rendre en Pologne dans le but d'expérimenter la méthode de Wim Hof et d'écrire un reportage sur son expérience. En fait, il veut démasquer le personnage.

«J'étais persuadé que Wim Hof était un charlatan qui capitalisait sur les faux espoirs de masses crédules», écrit-il dans un livre qui s'est retrouvé sur la liste des best-sellers du New York Times et qui vient d'être traduit en français, sous le titre Tout ce qui ne nous tue pas.

Les choses ne se passent pas comme prévu. Scott Carney aime tellement l'expérience qu'il adopte la méthode et se transforme en guerrier de fin de semaine, multipliant les bains froids et les épreuves sportives extrêmes. Son livre, qui relate ses exploits, se termine avec une photo de Wim Hof et lui, torse nu, sur le bord du cratère du Kilimandjaro.

L'éditeur, Amphora, ne prend cependant aucun risque. Dans une note au tout début de l'ouvrage, l'éditeur et l'auteur se dégagent de toute responsabilité. «Personne ne devrait tenter aucune de ces méthodes ou pratiques sans l'expérience appropriée, la formation, le niveau de condition physique, l'approbation du médecin et la supervision d'un tiers, et même alors, le lecteur doit savoir que ces pratiques sont intrinsèquement dangereuses et pourraient entraîner des dommages graves ou la mort», fait savoir l'éditeur.

Au moins deux personnes se sont noyées en faisant les exercices de respiration de Wim Hof sous l'eau, une façon de procéder que réprouve maintenant le site internet du Néerlandais.

La méthode Wim Hof

Wim Hof est un personnage hors norme. Le Néerlandais de 58 ans détient plus d'une vingtaine de records Guinness, dont celui d'avoir passé 1 h 52 min dans un bassin rempli de glaçons. Il a nagé 66 m sous la glace sans reprendre sa respiration, il a grimpé jusqu'à 7400 m sur l'Everest en portant uniquement des shorts et des chaussures.

Il a commencé à enseigner sa méthode dans un petit village polonais, loin de tout confort. Cette méthode se base avant tout sur une technique de respiration qui s'apparente à une hyperventilation contrôlée. Elle comprend également des exercices progressifs d'exposition au froid.

Wim Hof soutient que sa technique de respiration permet d'exercer un contrôle sur le système nerveux autonome. La respiration rapide permet d'ajouter de l'oxygène dans le sang. Normalement, lorsque les poumons sont vides, le système nerveux autonome commande au corps de respirer pour les remplir d'oxygène. Or, comme le sang est déjà bien oxygéné, il est possible de retarder la prochaine respiration. Il s'agit donc d'habituer le système nerveux autonome à cette nouvelle réalité.

L'exposition au froid ferait appel à un autre phénomène, la présence de graisse brune, riche en mitochondries. Lorsque cette graisse se métabolise, elle réchauffe le corps. Les bébés possèdent une grande quantité de graisse brune, mais la perdent en grandissant. Wim Hof attribue cette perte au fait que les êtres humains, grâce à leurs vêtements et à leurs maisons, n'ont plus à affronter le froid dans leur vie quotidienne. Selon lui, l'exposition au froid renverserait cette tendance.

Les caractéristiques physiques de Wim Hof

Les exploits de Wim Hof sont-ils dus à sa méthode ou sont-ils simplement liés à des caractéristiques physiques qui lui sont propres? Une étude publiée en 2014 montre que Wim Hof a effectivement plus de graisse brune que la moyenne. Son frère jumeau André a à peu près la même proportion de graisse brune que lui, même s'il ne pratique pas sa méthode.

Dans une autre étude, des chercheurs d'une université néerlandaise constatent que Wim Hof semble influencer son système immunitaire. On lui administre de l'endotoxine, une toxine qui déclenche une vive réaction du système immunitaire chez les sujets normaux. Or, en faisant ses exercices de respiration et de méditation, Wim Hof parvient à éviter cette réponse immunitaire.

Quelques années plus tard, les chercheurs font la même expérience avec 12 personnes formées à la méthode Wim Hof et un groupe témoin de 12 autres personnes. Les participants formés parviennent eux aussi à minimiser sérieusement la réponse immunitaire.

«Ce qui est intéressant, c'est que ça montre qu'on peut avoir une certaine influence sur le système nerveux autonome, observe Pepijn van Erp, mathématicien et membre du conseil d'administration de la fondation des sceptiques des Pays-Bas, Skepsis. Personnellement, je ne sais pas si ça sert à quelque chose, ou si c'est simplement une caractéristique intéressante du corps humain. Il va falloir attendre avant de voir si ça peut aider les gens qui ont des problèmes de santé.»

Les «vérités» de Wim Hof

Dans son livre, Scott Carney raconte comment des gens souffrant de divers maux ont effectivement amélioré leur santé. «Ça pourrait être l'effet placebo qui entre en jeu», dit M. van Erp dans une entrevue téléphonique avec La Presse.

Le sceptique néerlandais ne se montre pas trop négatif face à la méthode de Wim Hof. «J'hésiterais à parler de charlatanisme, écrit-il dans un blogue. La méthode ne semble pas trop dangereuse lorsqu'elle est effectuée en présence d'autres personnes et ça ne coûte pas très cher.»

Toutefois, il estime que Wim Hof en promet un petit peu plus que ce qu'il peut prouver. «Il est très optimiste par rapport à sa méthode, déclare-t-il en entrevue. Je pense qu'il vend parfois de faux espoirs.»

Ayant vécu quelque temps en Tanzanie, Pepijn van Erp connaît bien le Kilimandjaro. Il a constaté quelques inexactitudes dans le récit de Wim Hof. Ainsi, le groupe qui comprend Scott Carney n'atteint pas le sommet, mais bien un point intermédiaire. Plusieurs membres du groupe doivent abandonner leur tentative.

«Certaines personnes dans l'entourage de Wim Hof, ceux qui organisent les ateliers pour lui, ne semblent pas réaliser les risques que courent les participants, avance M. van Erp. Ils semblent un peu imprudents.»

Dans son livre, Scott Carney lui-même s'interroge brièvement sur le leadership de Wim Hof à cette occasion, avant de le suivre vers le bord du cratère du Kilimandjaro.

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Tout ce qui ne nous tue pas. Scott Carney. Amphora. 304 pages.

Photo tirée de sa page Facebook

La méthode de Wim Hof se base avant tout sur une technique de respiration qui s'apparente à une hyperventilation contrôlée. Elle comprend également des exercices progressifs d'exposition au froid.

Des adeptes du froid au Québec

Roula Naamani, pratiquante québécoise de la méthode Wim Hof, hésite longtemps avant d'accepter de parler à La Presse. Elle craint de voir des gens, éblouis par les aspects plus spectaculaires de la méthode, se jeter dans l'eau glaciale sans la moindre préparation.

«Il faut vraiment suivre les étapes, martèle-t-elle. Si on ne passe pas le message de façon scientifique, si les gens sautent les étapes et décident d'aller dans l'eau froide, ça peut être très dangereux.»

Il est possible de s'initier à la méthode Wim Hof en s'inscrivant à un atelier, mais aussi en suivant une formation de 10 semaines à la maison. L'important, c'est de le faire à son propre rythme. «Ça m'a pris six mois et demi pour le faire, indique Mme Naamani. Je n'étais pas prête, je répétais certaines semaines.»

La méthode fait maintenant partie de son mode de vie. Lorsqu'elle se lève le matin, elle prend une douche froide, elle fait ses exercices de respiration.

«Je ne me pousse jamais, ce n'est pas une compétition. Tout le monde est différent.»

Elle estime que la méthode a eu des effets très positifs pour elle, tant sur les plans physique que psychologique. «Ça a réglé mes problèmes d'inflammation, je n'ai jamais été aussi en forme, affirme-t-elle. J'ai aussi plus de concentration, mon cerveau est plus clair avec les respirations. Je vois les choses plus positivement.»

Faire la paix avec le froid

Mme Naamani étant originaire du Liban, ce qui fait d'elle «une fille de la mer», la méthode lui a permis de faire la paix avec la neige et le froid. Elle lui a aussi donné une grande force intérieure.

«Si je peux rester 15 minutes dans la glace, tout ce qui peut arriver après, je peux le gérer.»

De son côté, l'entraîneur sherbrookois Marc Simard s'est surtout intéressé au côté «performance» de la méthode Wim Hof. «Ça m'a impressionné, dit-il. Wim Hof a battu 26 records du monde. C'était de voir les choses qu'il pouvait faire qui m'a attiré. Je suis dans le domaine du sport. Quand je vois des choses comme ça, c'est sûr que je m'y intéresse. La première chose que je fais, c'est de l'expérimenter.»

Il a commandé la formation de 10 semaines et l'a accomplie en 15 semaines. «Il faut le faire à son rythme. Il y a des étapes qui, mentalement, prennent plus de temps que ce qui est demandé.»

Si les exercices de respiration lui ont semblé assez faciles à maîtriser, ç'a été plus ardu avec l'exposition au froid. «J'ai un blocage mental, je me considère comme une personne relativement frileuse. Lorsque j'ai été dans le lac pour la première fois, à l'automne, j'étais aussi nerveux que le jour de ma graduation», raconte-t-il en riant.

Il a cependant ressenti bien des effets positifs en ce qui concerne son niveau d'énergie, son système immunitaire, sa clarté mentale et sa performance. Mais lui aussi fait une mise en garde. «C'est le froid qui donne les bénéfices, mais ça doit être utilisé de bonne façon. Sinon, ça peut être dangereux.»

Leur relation avec le maître

M. Simard, qui a lancé un groupe Facebook pour les pratiquants québécois de la méthode Wim Hof, n'a jamais rencontré le Néerlandais en personne. Ce n'est pas un objectif pour lui. «La rencontre qui est importante, c'est la rencontre avec le froid.»

Pour sa part, Roula Naamani a rencontré Wim Hof à quelques reprises et le considère comme un ami. «C'est quelqu'un que je respecte énormément, qui veut faire du bien, affirme-t-elle. Il croit que les gens peuvent s'autoaider, s'autoguérir jusqu'à un certain point.»

Elle ne voit pas de machisme dans sa méthode, dans sa façon d'être. «Pour Wim, ce n'est pas ça, il n'arrête pas de le dire. Il faut laisser l'ego à l'extérieur. Mais malheureusement, il y a des gens qui arrivent, ils veulent être les premiers à vouloir aller dans l'eau, comme des gosses.»

Marc Simard se met à rire lorsqu'on lui parle de machisme.

«Si Wim Hof a commencé en faisant des records du monde, c'était surtout pour attirer l'attention de façon spectaculaire. Aujourd'hui, il n'a plus besoin de ça.»

Il avoue qu'il se filme lui-même lorsqu'il brise une glace mince pour entrer dans l'eau. «C'est pour montrer aux autres, les inspirer.»

Il affirme que s'il pellette sa cour en t-shirt tout l'hiver, ce n'est pas pour impressionner les voisins. «Ils ne me voient pas là où j'habite. L'objectif, c'est d'utiliser le froid à mon avantage pour une quinzaine de minutes.»

Roula Naamani a entrepris une formation pour devenir instructrice, alors que Marc Simard a créé une petite vidéo pour rendre la méthode plus accessible. «La méthode commence à 30 secondes par jour dans l'eau froide et ça monte rapidement, soit 10 minutes à la quatrième ou à la cinquième semaine. Je trouvais ça trop heavy pour commencer. J'ai mis au point une méthode de 31 jours pour passer de 5 secondes à 30 secondes.»

Il prépare une autre vidéo qui intégrerait une autre technique de respiration, la technique Buteyko. «La méthode Wim Hof, c'est une technique de respiration qu'on pratique une quinzaine de minutes par jour, souligne-t-il. Selon les études, l'être humain respire 24 heures par jour. Il y a un bout qui manque.»

Photo Martin Chamberland, La Presse

Roula Naamani, pratiquante québécoise de la méthode Wim Hof, craint de voir des gens, éblouis par les aspects plus spectaculaires de la méthode, se jeter dans l'eau glaciale sans la moindre préparation.