Il suffisait de se promener dans les rues des deux pays pour le deviner; la chose est maintenant officiellement confirmée par une nouvelle étude de Statistique Canada: les Canadiens sont moins gros que les Américains. Et un écart important demeure lorsqu'on compare les populations blanches non hispaniques des deux côtés de la frontière.

Dans le Nord, 24% des citoyens sont obèses. Dans le Sud, 34% le sont. Chez les Blancs non hispanophones du Canada, le taux est de 26%. Il est de 33% aux États-Unis. Le fossé entre les deux pays n'est donc pas uniquement attribuable à la plus forte proportion de Noirs et d'hispanophones (traditionnellement plus touchés par l'obésité) aux États-Unis, souligne Didier Garriguet, de la division de l'analyse de la santé de Statistique Canada.

Ce constat et d'autres éléments de comparaison permettront, dit-il, de prendre les mesures appropriées afin que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation que les États-Unis.

Depuis 20 ans, les taux d'obésité progressent presque au même rythme dans les deux pays (voir encadré). Au Canada, d'après nos calculs, environ 2 millions de personnes sont ainsi entrées dans la catégorie des obèses au cours de cette période.

Certains groupes sont frappés de façon fulgurante des deux côtés de la frontière. Chez les femmes de 20 à 39 ans, le taux d'obésité a carrément doublé au Canada. Avant, moins de 1 Canadienne sur 10 était obèse dans cette tranche d'âge. Aujourd'hui, c'est plus d'une sur cinq.

Du côté des hommes, l'obésité gagne au contraire un maximum de terrain chez les aînés (âgés de 60 à 74 ans). Elle touche maintenant près d'un Canadien sur trois dans ce groupe d'âge, alors qu'il y en avait un sur sept.

Progression inégale

Les experts interviewés hier ont du mal à expliquer pourquoi l'obésité progresse de manière aussi inégale d'un groupe à l'autre. Selon une étude parue en décembre, parmi les adolescents qui ont un problème de poids, les filles sont beaucoup plus susceptibles que les garçons de souffrir d'obésité morbide à 30 ans. «Lorsqu'une femme devient obèse, sa prise de poids s'accentue ensuite très vite», dit Paul Boisvert, coordonnateur de la chaire de recherche sur l'obésité de l'Université Laval.

«L'environnement «obésogène» a plus d'impact sur les femmes. Elles semblent avoir plus de mal que les hommes à y résister», ajoute le kinésiologue.

Les femmes semblent plus susceptibles que les hommes de manger trop lorsqu'elles sont perturbées, dit-il. Comme leurs besoins caloriques sont moindres que ceux des hommes, elles sont par ailleurs plus pénalisées par les énormes portions servies dans certains restaurants ou par les calories cachées des mets trop gras ou trop sucrés.

Quant à l'épidémie d'obésité chez les hommes canadiens d'un certain âge, Paul Boisvert prédit, comme dans le cas de tous les aînés en surpoids, un «effet catastrophique sur leur santé, leurs taux de diabète et d'hypertension».

«Le monde dans lequel nous vivons contribue à la prise de poids collective. Il faut agir. Cela dépasse la responsabilité individuelle», affirme pour sa part Suzie Pellerin, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids.

Les exemples de ratés ne manquent pas, dit-elle: marketing alimentaire, urbanisme qui ne favorise pas la marche, conciliation travail-famille trop difficile pour qu'on se prive de mets préparés souvent trop gras, trop sucrés et trop salés. «Les facteurs sont les mêmes partout sur la planète et on y laisse partout notre santé», résume Mme Pellerin.

Mais pourquoi l'obésité progresse-t-elle légèrement plus vite aux États-Unis? «Tout est plus gros, là-bas, répond-elle. Le marketing alimentaire est extrême, la restauration minute est partout et les boissons sucrées sont offertes en formats géants qui ressemblent à des seaux pour laver le plancher!»

L'étude de Statistique Cananda se base notamment sur les données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, menée en 2007. Selon l'organisme, c'est l'«enquête la plus exhaustive» du genre. On a mesuré directement la taille, le poids, le tour de taille, les plis cutanés et l'indice de masse d'un échantillon représentatif de Canadiens.