Symboles de New York autant que les bagels ou l'Empire State Building, les traditionnels cornichons marinés disparaissent de la Grosse Pomme, victimes de l'industralisation de la conserve, constatent amèrement les amateurs.

Les cornichons et autres condiments que les New-yorkais retrouvent aujourd'hui dans leur sandwich sont presque toujours industriels. Pour trouver le vrai cornichon croquant, mariné de façon traditionnelle comme ont su le faire pendant des décennies les familles juives de New York, il faut se rendre chez Pickle Guys, une petite épicerie du quartier du Lower East Side, au sud-est de Manhattan.

«Ici, c'est la Mecque de la conserve traditionelle», lance Michael Dansky, un client venu exprès de Boston (nord-est) pour remplir sa glacière du précieux condiment vert. «Ce sont les derniers professionnels».

Le magasin, qui a l'aspect d'une cave où s'empilent des barils de cornichons, est tout ce qui subsiste de l'ambiance de cet ancien quartier juif, qui fut un temps le centre de l'industrie du cornichon. Il y a un siècle, 150 épiceries y faisaient mariner leur production.

Une des denières enseignes, Guss' Pickles, a fermé l'an dernier et la plupart de ses employés travaillent aujourd'hui à Pickle Guys.

«Les clients viennent chez nous car leurs parents s'approvisionnaient ici. C'est une tradition», explique Mike Chu, maître de la marinade depuis 13 ans.

«Jusque dans les années 70, il y avait encore 30 épiceries de mise en conserve traditionelle», indique un autre employé occupé à râper du raifort.

Une foule de juifs se ravitaillant pour la Pâque se pressent à la sortie du magasin certifié casher, leurs paniers garnis de cornichons et autres condiments. Ils s'inquiètent pour le sort de l'épicerie.

«Je ne sais pas ce qui peut encore survivre. Tous les jours un magasin ferme pour être remplacé par une banque ou une chaîne de magasins», déplore Andrew Federman, un photographe. «C'est vraiment triste.»

Un défenseur improbable de la marinade se trouve en la personne de Shamus Jones, un entrepreneur couvert de tatouages. Sa petite entreprise n'a pas d'enseigne puisqu'il s'agit de quatre collègues travaillant le soir dans la cuisine d'un restaurant de Brooklyn.

Leurs produits, comme l'aubergine épicée ou l'asperge à la lavande, se vendent sur Internet ou dans des magasins bios comme la chaîne de supermarchés Whole Foods.

Alors qu'une marinade traditionnelle se compose de saumure ou d'une solution vinaigrée, Jones baigne ses légumes dans une préparation plus savoureuse de citron, menthe et saumure au paprika fumé, pour son aubergine épicée par exemple.

D'autres jeunes fabricants de marinades prolifèrent dans le quartier de Brooklyn, comme Rick's Picks, à la recherche d'une façon originale de relancer la tradition new-yorkaise.

«L'image de la marinade traditionnelle du Lower East Side n'existe plus, mais c'est justement sur cette ancienne tradition que nous avons pu monter nos enseignes», note Shamus Jones. «Nous n'aurions pas réussi aussi bien dans le centre des États-Unis».

Pour Nancy Ralph, directrice du musée de la gastronomie de New York, toutes ces innovations signifient que les cornichons ne sont pas prêts de disparaître.

«Les gens le redécouvrent et le réintroduisent sur les tables», observe-t-elle.