Emily Brydon ne s'en cache pas, la présente saison de la Coupe du monde de ski alpin sera fort probablement sa dernière. La Canadienne de 29 ans espère couronner sa carrière de la plus belle façon qui soit, en février prochain à Whistler, à l'occasion des Jeux olympiques d'hiver.

En cinq épreuves olympiques en 2002 et 2006, son meilleur résultat a été une neuvième place en super-G, il y a quatre ans à San Sicario. Une reprise des résultats obtenus en décembre dernier à Lake Louise ferait donc son affaire.

À l'occasion des premières épreuves de vitesse de la campagne, elle a accédé au podium dans chacune des deux descentes disputées à la station albertaine. Elle s'est ainsi retrouvée parmi les trois premières pour la première fois de sa carrière en sol canadien.

Mais Brydon n'est pas seulement concentrée sur ses propres performances en cette saison pas comme les autres. L'athtlète de Fernie, en Colombie-Britannique, est également habitée par le désir de passer le flambeau à ses coéquipières plus jeunes. Comme Mélanie Turgeon l'avait fait pour elle à son arrivée au sein de l'équipe nationale en 1997.

«C'était vraiment intéressant d'arriver dans l'équipe alors que Mélanie en était le chef de file, a souligné Brydon lors d'un récent entretien avec La Presse Canadienne. Plus jeune je l'avais admirée, je savais tout de ses succès et moi, j'étais cette petite garce de Fernie, qui ne savait pas vraiment pourquoi elle était bonne et rapide en skis.»

Ce qui n'était pas nécessairement facile à accepter pour Turgeon. Dans les années précédentes, elle avait été la seule skieuse de vitesse à représenter le Canada à la Coupe du monde, voyageant d'une ville à l'autre avec son entraîneur Piotr Jelen comme seul compagnon. Et tout à coup, elle se retrouvait avec de jeunes coéquipières, avides de lui montrer qu'elles pouvaient rivaliser avec elle, voire la déloger de son socle.

«Il y avait Britt (Janyk) et moi, Geneviève Simard, Anna Prchal, Julie Langevin, Gail Kelly, Sara-Maude Boucher et Anne-Marie Lefrançois, a énuméré Brydon. Je pense que ç'a été un gros changement pour Mélanie, parce qu'elle a été seule pendant une si longue période. Je suis sûre que ç'a dû être bizarre et difficile pour elle. Mais elle n'a jamais vraiment montré que ça la dérangeait - elle était toujours prête à m'aider quand j'avais des questions.

«Et c'était vraiment intéressant de regarder une skieuse comme Mélanie, qui avait une touche incroyable sur la neige. Elle était l'une des skieuses les plus naturelles qui soit. J'ai beaucoup appris d'elle.»

Brydon a d'autant admiré plus les exploits de Turgeon que cette dernière n'a pas compté sur la même chance qu'elle.

«Mélanie a été obligée de s'entraîner beaucoup en solitaire et elle mérite tout mon respect pour ça. Moi, j'ai pu compter sur tout un groupe qui a grandi ensemble, et on dirait que ce simple fait nous donnait du pouvoir, a dit Brydon en faisant allusion à Janyk, Simard et ses autres contemporaines. Nous avons travaillé ensemble pour nous améliorer et nous rendre jusqu'au niveau de Mélanie.»

Brydon espère maintenant que les jeunes membres de l'équipe canadienne actuelle profiteront à leur tour de sa présence.

«C'est pas mal «cool» de pouvoir aider la prochaine génération, a reconnu Brydon. Même si mon cheminement avec l'équipe nationale va bientôt s'arrêter, l'équipe doit continuer d'exister, d'être forte et d'avoir du succès... Alors si je peux aider de ce côté-là de quelque manière que ce soit, c'est une perspective emballante.

«Nous n'avons pas la même profondeur et le même volume d'athlètes que les autres pays qui excellent en ski, ce qui fait que (le rôle des vétérans) devient d'autant plus important.»

L'humour d'Emily

D'autres skieuses sauront sûrement prendre la relève de Brydon sur les pentes. On manquera toutefois ses commentaires en marge des courses, souvent empreints d'un humour bien à elle.

Cette saison, Brydon s'est souvent qualifiée de «cheval de course» en faisant allusion à sa capacité à doser ses efforts à l'entraînement pour mieux exploser dans les épreuves officielles. À Lake Louise, pendant que la deuxième descente de la semaine se déroulait et que les concurrentes susceptibles de la déloger du podium dévalaient tour à tour la pente, elle a invité son entourage à lancer «des projectiles mentaux» vers ses rivales, question de les ralentir par une espèce de télépathie collective.

Et, toujours lors de cette étape albertaine de la Coupe du monde, quand quelqu'un lui a demandé si elle avait su résister à l'envie de trop célébrer son premier podium du week-end, Brydon s'est lancée dans une tirade dont elle seule a le don.

«Il y a une partie de moi qui me disait de lâcher mon fou, que je n'aurais ensuite qu'à faire acte de présence au super-G et mon week-end serait quand même réussi, a-t-elle d'abord dit. Ca, c'était la «méchante Emily» qui parlait. Finalement, à 23h j'étais déjà couchée.

«J'ai quand même fêté avec une bonne fondue, a-t-elle pris la peine d'ajouter sans se faire prier. J'avais un petit bébé de fromage en train de prendre forme dans mon ventre.

«Wow, c'était là du Emily classique!, a-t-elle aussitôt lancé en commentant sa propre blague. Ca va faire toute une manchette dans le journal: 'Emily enceinte d'un bébé de fromage!»'

Qui sait quelle nouvelle perle elle nous réservera si elle accède au podium à Whistler...