Pas de triche, pas de truc, pas de combine, pas de dépassement, pas de finale A et B. La seule vérité du chrono. Le patinage de vitesse longue piste par rapport à l'autre patinage est un verre d'eau pure. L'effort tout nu.

Pas de show non plus, dites-vous. Ça dépend de ce que vous appelez un show. Si vous aimez le sport plus que les simagrées, que les dépassements, que les pirouettes, le patinage longue piste c'est tout un show. Mais tranquille. Pas pour les énervés.

Ce n'est pas un hasard si le magnifique anneau olympique de Richmond a l'air d'un temple. Avant que les Jeux olympiques deviennent un cirque, le sport était une messe où on allait en convertis plus qu'en badauds comme aujourd'hui.

Pour revenir à l'anneau olympique de Richmond, le joyau de ces jeux, même quand il n'y pas une place de libre comme hier pour la finale du 3000 mètres, il donne l'impression d'être vide tant il est immense avec ses curieuses estrades dans les tournants et son toit en bois de récupération.

Comme attendu, les Hollandais en orange se chargent de l'ambiance avec leur fanfare qui donne aux grands rendez-vous de longue piste cette atmosphère de kermesse dans une église.

Oui, oui, je sais, Clara Hughes. Vous le savez déjà non? Cinquième dans ce 3000 mètres où elle n'était pas censée faire mieux qu'une dixième place.

En arrivant à la tente de presse, je suis tombé sur Gaétan Boucher, qui était en train de faire ses prédictions avec Frédéric Plante, le commentateur de RDS. Les deux voyaient Clara Hughes très loin, huitième, dixième. Pour le reste, ils avaient le podium.

Tout le monde avait le podium. C'était pas difficile. Devant, il allait y avoir la Tchèque Martina Sablikova deux secondes (un siècle) plus vite que tout le monde. Derrière, ça se jouerait entre la Canadienne Kristina Groves et l'Allemande Stephanie Beckert, avec un léger avantage à l'Allemande, ce qui s'est confirmé. Même qu'il s'en est fallu de trois centièmes pour que Groves se fasse débarquer du podium par une autre Allemande.

C'est Gaétan, toujours aussi passionné par son sport, qui m'a expliqué pour la Tchèque. Mais réglons d'abord un truc. Est-elle gelée?

Non, m'a dit Gaétan. Il ne m'a pas dit oui, mais ne l'écrit pas, comme ils font tous. Il m'a dit non. C'est un cas, a-t-il ajouté. Très grande, seulement 118 livres, c'est 30 livres de moins que les autres filles, la suspicion vient beaucoup de là. Ce qu'il faut considérer, c'est le rapport poids/puissance, et le sien est paraît-il optimal. Mais c'est surtout la technique qui la différencie. Sa ligne de course est incroyable. Du jamais vu. Amuse-toi à compter ses «croisés» dans les courbes. Elle en fait jusqu'à neuf (six pour les autres) ce qui l'amène à pleine vitesse quasiment au milieu de l'ovale.

Pourquoi les autres ne font-elles pas neuf croisés aussi?

Parce que cela demande toute une technique qu'elle est la seule, pour l'instant, à avoir développée.

La mauvaise nouvelle, c'est que Clara Hughes l'aura dans les jambes pour son épreuve fétiche, le 5000 mètres.

Un mot de la troisième Canadienne, Cindy Klassen, grande vedette de Turin: elle ne va pas très bien, son année de misère continue, 14e.LE FRANÇAIS - Les francophones que je croise depuis samedi sont fâchés, et je ne parle pas de Réjean, je parle de Canadiens grand teint, ils sont outrés de la place minuscule que cette cérémonie aurait fait à leur langue, et surtout à leur culture. Je ne saurais les approuver ou les contredire, je n'ai vu que des petits bouts de cette cérémonie et, est-ce un hasard, à chaque fois je suis tombé sur des autochtones magnifiquement emplumés. Il me semble que cette cérémonie a fait une très grande et très juste place aux Kwakwaka'wakw et autres natives du coin et il me vient tout à coup que nous, Québécois, qui irritons profondément nos compatriotes à vouloir nous faire reconnaître comme nation, gagnerions à coup sûr leur coeur en nous définissant comme tribu.

Voilà, c'était ma proposition pour un Canada plus uni.



INATTENDU - Tant au courte piste samedi qu'au longue piste dimanche, le français a retrouvé son plein statut de langue officielle des Jeux. Je ne me souviens pas de Jeux olympiques récents où le français était autant mis en valeur sur les sites. La présentation des athlètes, leur courte biographie, les temps de passage et les explications, tout nous est donné dans un excellent français. En fait, sans en jurer, aux deux endroits, on a eu plus de français que d'anglais.



MÉTÉO - Singulière image des Jeux d'hiver à la sortie du Pacific Coliseum samedi soir après la finale du 1500, 18 000 personnes sur le trottoir de la rue Hastings, 18 000 parapluies, il tombait une petite pluie traversière qui mouillassait jusqu'aux os. À l'époque, j'avais applaudi le choix du COC, qui avait retenu Vancouver plutôt que Québec pour la candidature canadienne aux Jeux de 2010. Je suis moins sûr.

Cette excellente suggestion d'un lecteur: Je trouve qu'il y a un V de trop dans Vancouver. On devrait remplacer le premier par un «T».

Si la pluie a été la grande vedette de la première journée des Jeux, dimanche, image non moins singulière des Jeux d'hiver: un radieux soleil printanier. Sur la promenade de la rivière Fraser qui mène à l'Oval de Richmond, des promeneurs débraillés comme chez nous au début du mois de mai, sur la rivière, des plaisanciers préparaient le BBQ sur le pont de petits bateaux à l'ancre.

CLASSEMENTS - La revue américaine Sports Illustrated -comme elle le fait à chaque Jeux olympiques- a passé en revue chaque épreuve et prédit que ce sont les Allemands qui l'emporteront avec 35 médailles au total, cinq de plus que les Canadiens seconds, les Américains en troisième place. Comme la première place est déterminée par le nombre de médailles d'or, les Allemands en rafleraient onze, le Canada dix. Bref, la vraie prédiction, c'est que cela va se jouer au couteau entre l'Allemagne et le Canada.

Nous serons premiers, claironnent les Marcel Aubut -prochain président du COC- et Nathalie Lambert (chef de mission).

Le choeur des chroniqueurs sportifs canadiens est plus circonspect: Ne sommes-nous pas trop humbles, nous Canadiens, pour nous emparer du podium?

Humbles? Les premières lignes d'une chronique dans le Sun: «À l'occasion, nous, Canadiens, passons par-dessus notre habituelle réserve...». Habituelle réserve?

Au classement olympique des nations au nationalisme le plus voyant, le bêtement tonitruant, le Canada est pourtant bon deuxième derrière les Russes. Les Américains et les Français sont loin derrière.



NÉGATIF, MOI! - On m'a trouvé négatif dans mon compte rendu de la finale du 1500 mètres courte piste. Je suis certes moins rarara-canada-rouge-ça-bouge que l'enthousiaste Nathalie Lambert, mais négatif?

Depuis des mois les journalistes spéculent: qui gagnera la première médaille d'or jamais gagnée par un Canadien à des jeux tenus au Canada?

Ce devait être Jennifer Heil dans l'épreuve des bosses. Une quasi certitude. Et, comme en réserve, on avait Charles Hamelin dans le 1500 mètres courte piste. L'or serait une heureuse surprise, mais assurément un podium pour Hamelin. C'est cette assurance qui me tue. Fondée sur quoi? Ça fait 70 ans que je tripe sport, soit je connais mal le patinage de vitesse courte piste, mais une course que ce soit en patins, à pied, en chaise roulante, à vélo, à skis, une course c'est... une course. Arès les préliminaires j'avais compris: les trois Sud-Coréens étaient au-dessus de tout le monde. Puis deux Américains, puis un Chinois. Hamelin a eu la malchance de tomber sur la demi-finale la plus forte et s'est fait sortir. Septième, c'est loin du podium me semble-t-il. Mais selon vous je n'avais pas le droit d'utiliser le mot décevant.

Le très cocorico The Province ce matin: «Medal Hope Hamelin only seventh».

Mais moi j'ai pas le droit. Au nom de quoi? De la tribu?

ANYWAY - C'est le troisième Canadien inscrit à ce 1500, celui qui a le moins bien fait que j'ai le plus aimé. Guillaume Bastille, un jeune homme de Rivière-du-Loup en maitrise à l'UQAM en Science de la terre a complètement raté sa prestation -deux chutes. Sa première pensée est allée aux patineurs qu'il a battus pour se qualifier. Désolé les amis de vous avoir privés des olympiques pour «ça»...

Ce n'est pas la première fois que je l'observe, les athlètes sont tellement plus sympathiques dans la défaite. Pas juste les athlètes d'ailleurs.