Pour un récent gagnant de grand tour, Ryder Hesjedal ne reçoit pas de traitement privilégié à l'heure de s'élancer pour son sixième Tour de France, aujourd'hui.

Avec l'Irlandais Dan Martin et le jeune grimpeur américain Andrew Talansky, Hesjedal fait partie d'un trio «agressif» qui pourrait causer la surprise, se permet de rêver le grand patron de la formation Garmin-Sharp, Jonathan Vaughters.

«On n'a pas cette super-star dans l'équipe, relève le directeur sportif le mieux habillé du peloton. Mais on a un groupe de gars très unis qui, ensemble, peuvent créer le chaos dans une course, provoquer une situation où on peut performer bien au-delà de toutes les attentes que quiconque pourrait avoir envers nous.»

La conférence de presse de Garmin-Sharp se déroulait jeudi dans une salle étroite et surchauffée de l'hôtel Le Roi Théodore, situé à une extrémité sans charme de Porto-Vecchio. Dès le début, Vaughters a annoncé ses couleurs: «Tout est ouvert à la discussion.» Les trois quarts de la séance d'une quarantaine de minutes ont porté sur le dopage.

Vaughters et son capitaine David Millar, deux repentis, ont encore plaidé pour la mise sur pied d'une commission vérité et réconciliation pour faire table rase du passé, peinés pour Laurent Jalabert, pris en souricière par les révélations de L'Équipe (EPO en 1998). Vaughters a qualifié la situation de l'ancien champion français de «ridicule, douloureuse et non nécessaire».

«Laurent Jalabert n'est pas un homme stupide, a ajouté Millar. Il est intelligent. Il se retrouve dans une situation où il agit comme un petit garçon apeuré. On doit éviter ce genre de choses.»

Au moment où une autre question sur le sujet de l'heure était posée (c'était avant la publication de l'entrevue de Lance Armstrong dans Le Monde), Hesjedal, de façon à peine perceptible, a levé les yeux vers le plafond.

Quand l'heure du lunch a mis un terme aux débats, le cycliste de Victoria n'avait reçu que deux questions. Il visait le buffet quand je l'ai accroché. La poignée de main était franche. Hesjedal ne se promène pas avec des lingettes alcoolisées pour se prémunir des microbes, à la manière de du Britannique Chris Froome, favori du Tour.

Il avait faim, mais il a volontiers accepté de répondre aux questions d'un journaliste canadien. À condition de pouvoir s'asseoir.

Sa forme est bonne malgré l'accident qui l'a plongé sur le bitume à 60 km/h, le 10 juin, ce qui a mis un terme à son Tour de Suisse à la troisième étape. Il pointait alors deuxième, à deux secondes de la tête. «Heureusement, rien n'a été sérieusement blessé, s'encourage l'athlète de 32 ans. Rien de brisé, pas de commotion. J'ai repris l'entraînement très rapidement et j'ai pu réaliser un très bon bloc avant d'arriver ici.»

La Suisse devait cependant servir de préparation de rechange après son arrêt prématuré au Tour d'Italie à la suite d'une infection respiratoire. «Il y a de l'incertitude pour le Tour, admet-il. Je me suis bien entraîné, mais je n'ai pas pu passer à travers ces jours de course sur le stress et l'énergie supplémentaire que cela demande. On verra ce que ça me fera ici.»

La saison a été frustrante, mais Hesjedal souligne qu'il est toujours sur deux roues. Le Tour de France, où il a fini sixième en 2011, représente une autre occasion. «Je ne sens pas que je doive me racheter ou racheter ma saison. Je n'ai pas été mauvais. On est encore en juin et j'ai déjà été partie de moments remplis de succès.»

Comme sa contribution majeure à deux victoires de son coéquipier Martin, au Tour de Catalogne et surtout à Liège-Bastogne-Liège. Il s'est aussi pointé en grande forme et prêt à se battre pour la défense de son titre au Giro, «une réussite en soi», et s'est montré incisif durant la première semaine. Même chose en Suisse.

«J'ai presque gagné la deuxième étape, une arrivée au sommet à Crans-Montana», a rappelé l'ancien vice-champion du monde de vélo de montagne.

«J'étais sorti à 10 km du sommet avec le peloton entier qui me pourchassait par vent de face. J'étais juste vraiment bien dans ce final.»

Hesjedal espère l'être autant au cours des trois prochaines semaines. Pour son équipe ou lui. «J'ai gagné un grand tour et je peux encore rouler à un autre niveau, pense-t-il. J'ai donc au moins une chance de le faire ici. On verra comment ça se déroulera, mais bien sûr le but principal est de propulser quelqu'un vers la plus haute place possible.»

Après 10 minutes, la relationniste a voulu interrompre l'entretien. Hesjedal lui a fait signe de laisser faire. Il n'est pas une superstar.