La chute de Lance Armstrong l'automne dernier a laissé le Tour de France avec de grosses cicatrices dans son palmarès à l'aube de sa centième édition et plongé le petit monde du cyclisme dans une tempête qui huit mois plus tard ne s'est pas vraiment calmée.

À défaut d'avoir encore le record de victoires dans la Grande Boucle, l'Américain restera le symbole des années noires du peloton, quand les exploits n'étaient possibles qu'à coup d'injections d'EPO, de transfusions sanguines et de pilules de testostérone.

Des années noires qui dévoilent chaque jour un peu plus leur réalité au gré des confessions et des accusations. Laurent Jalabert, la star française de cette génération, est le dernier en date à se retrouver confronté au poids du passé. Il est accusé d'avoir eu recours à l'EPO lors du Tour 1998.

Comme Armstrong en janvier, l'Allemand Jan Ullrich a fini après des années de dénégations par passer aux aveux la semaine dernière, se jugeant ni meilleur, ni pire que celui qui fut son grand rival sur les routes de France dans les années 2000.

Le Texan, rattrapé par l'Agence antidopage américaine (USADA) sur la base des témoignages à charge de plusieurs de ses anciens coéquipiers, a payé le prix fort. Rayé des annales, lui qui avait paradé en jaune sur les Champs-Élysées sept fois d'affilée entre 1999 et 2005, n'a plus qu'une modeste 36e place en 1995 comme meilleur classement dans le Tour.

Contrairement à Ullrich, qui après avoir été sanctionné début 2012 au terme d'une longue procédure devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), a pu (pour l'instant) conserver sa victoire dans l'édition 1997 et tous ses autres podiums à l'exception de sa troisième place de 2005.

Un visage plus humain

Les confessions tardives des anciens maîtres du peloton n'ont fait que jeter à nouveau le discrédit sur un sport, qui commençait à encaisser les retombées des gros efforts entrepris par l'Union cycliste internationale (UCI) pour mettre un frein aux dérives, notamment depuis l'introduction du passeport biologique en 2008.

Certes, l'EPO est loin d'avoir disparu, comme le prouvent les contrôles positifs de l'ancien golden boy du cyclisme italien Danilo di Luca qui a secoué le Giro fin mai ou celui de son compatriote Mauro Santambrogio, quelques jours plus tard.

Et si certains observateurs restent songeurs devant la domination de l'équipe Sky, dont le professionnalisme à tout niveau rappelle l'US Postal d'Armstrong, le peloton offre un visage indéniablement plus humain qu'il y a dix ans.

«Le cyclisme de 2013 n'est plus celui des années Armstrong», fait valoir Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France.

Vérité et réconciliation

L'encombrante star a fini par être démasquée, mais la Fédération internationale n'a guère, elle, changé. Hein Verbruggen, qui dirigeait l'UCI au temps des sept Tours victorieux de l'Américain, siège toujours au comité directeur en tant que président d'honneur et l'Irlandais Pat McQuaid, qui a succédé au Néerlandais en 2005, entend bien briguer un troisième mandat en septembre.

Les deux hommes sont restés sourds aux appels à la démission, qui ont suivi en octobre la publication du rapport de l'USADA sur Armstrong. Ce rapport n'était pas tendre pour l'UCI, accusée d'avoir volontairement fermé les yeux sur les sombres pratiques de son héros survivant du cancer.

Pour répondre à ces attaques, Pat McQuaid avait bien promis une «commission externe indépendante». Celle-ci fut effectivement mise sur pied, décriée en choeur par l'USADA et l'Agence mondiale antidopage (AMA) et finalement enterrée après seulement quelques heures d'audience fin janvier.

Pour tenter de mettre fin à l'omerta, plusieurs ont réclamé plutôt une instance de type «Vérité et réconciliation», à la manière du dispositif éprouvé en Afrique du Sud après l'Apartheid. Même Lance Armstrong assure qu'il serait le premier à frapper à la porte.

En attendant des jours meilleurs, le Tour de France devrait au moins être épargné de la bataille pour le contrôle des contrôles antidopage qui l'a agité souvent ces dernières années: l'UCI et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) se sont entendues sur les conditions d'une bonne collaboration.