La Serbie a réussi dimanche un exploit dont la grande Yougoslavie n'a pu que rêver en remportant la Coupe Davis grâce à une génération dorée menée par un leader exceptionnel, Novak Djokovic.

Cette victoire, tant anticipée, consacre une ascension fulgurante d'un pays propulsé au firmament du tennis en à peine une décennie.

Avant cette année, la Serbie n'avait pas gagné une seule rencontre du groupe mondial! Elle a longtemps navigué dans les divisions inférieures, jouant devant deux spectateurs face à la Tunisie, comme l'a rappelé Janko Tipsarevic ce week-end, perdant contre le Luxembourg, en 2002, il y a huit ans seulement.

«Nous avons connu l'envers du décor», dit Djokovic. Et voilà son équipe tout en haut à toiser la France et ses neuf victoires en Coupe Davis.

Ce fut dur encore une fois puisque les joueurs de Bogdan Obradovic ont dû, comme en demi-finale, remonter un déficit de deux victoires à un. L'explosion de joie n'en fut que plus jouissive, extatique même, alors que les joueurs se faisaient raser le crâne sur le court, comme promis.

«C'est énorme, énorme», murmurait Djokovic, qui a répondu aux attentes du peuple - et de quelle manière! - en survolant ses deux simples et en guidant son équipe jusqu'à la victoire, à grand renfort de harangues.

«Tout a commencé en 2007 lorsque nous avons rencontré l'Australie en barrage pour intégrer le groupe mondial», rappelle le N.3 mondial, qui a déjà réussi à remplir la principale place de Belgrade après son succès à Melbourne en 2008.

«C'était déjà à la Belgrade Arena et même si, à cette époque, le tennis gagnait en popularité, nous ne savions pas à quoi nous attendre.» Ce fut le feu qui, depuis, ne s'est plus jamais éteint. Dimanche, les Serbes ont triomphé pour la cinquième fois en cinq rencontres à l'Arena, sens dessus dessous.

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Mais une salle n'a jamais gagné un match et c'est bien grâce à ses joueurs que la Serbie peut brandir le poing aujourd'hui. Avec Tipsarevic, 26 ans et 49e mondial, Troicki, 24 ans et 30e mondial, et Djokovic, 23 ans, elle présente un effectif très solide encadré par le «grand frère» Nenad Zimonjic, 34 ans.

«Nous nous connaissons depuis longtemps et sommes amis sur et en dehors du court. On partage beaucoup de choses, on se comprend, on se soutient. C'est certainement ce qui fait notre force», explique Djokovic qui a notamment été champion du monde juniors avec Troicki en 2004.

L'émergence ex nihilo de cette génération exceptionnelle, accompagnée par l'apparition chez les filles de Jelena Jankovic et Ana Ivanovic, a été une bénédiction du ciel. Elle a aussi permis d'améliorer l'image d'un pays ternie par les sanglants conflits des années 1990 dans l'ex-Yougoslavie.

«Novak, Viktor, Janko, Nenad, Jelena et Ana ont fait plus que n'importe quel homme politique», affirme Nebojsa Viskovic, spécialiste du tennis serbe.

Certains d'entre eux ont connu les entraînements dans une... piscine vidée de son eau, les longs voyages en bus vers Budapest pour trouver un avion. Tous se sont formés et affirmés au niveau mondial sans bénéficier des facilités et des moyens d'une fédération exsangue.

Aujourd'hui, ils veulent que ça change mais les moyens restent limités et la relève est loin d'être assurée. Djokovic veut pourtant y croire: «De plus en plus d'enfants jouent au tennis dans la rue, bien plus qu'il y a cinq ans. C'est vraiment bien de voir que notre nation vit à nouveau pour le tennis.»