Cette fois, on l'avait vu venir: depuis le début du tournoi, Robin Soderling était l'homme en forme de ce Roland-Garros 2010. Le grand Suédois de 25 ans - septième joueur mondial - venait de réaliser un parcours fulgurant et de balayer de façon expéditive ses adversaires des quatre premiers tours en ne concédant qu'une petite manche au passage. Et s'il rééditait l'exploit inouï de l'année précédente, où il avait sorti le roi Rafael Nadal en huitième de finale?

À l'issue d'un match quelque peu chaotique, joué dans le froid, interrompu 75 minutes par la pluie, on a eu la réponse: Soderling créait de nouveau l'événement en battant le numéro un mondial, Roger Federer, 3-6, 6-3, 7-5, 6-4.

Bien sûr, la terre battue est la surface où Federer a toujours été le moins performant. Si on ose dire, il n'a remporté qu'un seul titre à Roland-Garros... en 2009 en trois sets contre le même Soderling. Mais, en 12 rencontres, le Suédois a toujours été dominé par Federer, notamment à Wimbledon et à l'US Open de l'année dernière.

Le tournoi de Roland-Garros aurait-il pour effet de transfigurer le septième joueur mondial? «Depuis que je suis arrivé ici, au début de la semaine dernière, je suis en pleine confiance et j'ai joué de mieux en mieux, disait-il après la partie. D'affronter et de battre le numéro un mondial, c'est l'idéal!»

En tout cas, c'est sans le moindre complexe qu'il est entré en fin d'après-midi sur le court central. Et même après avoir perdu la première manche, loin de s'effondrer, il a tranquillement élevé son niveau de jeu et a maintenu le même rythme jusqu'à la fin. Si l'on fait le compte global des points marqués, la différence reste étroite: 124 pour Soderling contre 121 pour son adversaire. Mais, à partir de la deuxième manche, tout se passait comme s'il avait pris un ascendant définitif.

Au premier set, effectivement, Federer semble, comme d'habitude, contrôler la partie en finesse et sans forcer son jeu. Mais Soderling n'est pas déstabilisé: il ajuste son jeu. À partir du début de la deuxième manche, il commence à pilonner son adversaire du fond du court en jouant les lignes. Son service puissant fonctionne à merveille: il enregistre 12 as, et sa première balle fuse à 209 kilomètres en moyenne, avec des pointes à plus de 230.

Soderling, en un mot, est en confiance, même s'il commet des fautes à force de pratiquer un jeu offensif. À la troisième manche, Federer a même une balle de set contre le Suédois, mais ce dernier l'écarte et reprend les affaires en main pour gagner 7-5. Au quatrième set, le Suisse s'empare de son service dès le départ, mais se fait aussitôt reprendre le sien. En alignant de nouveau quelques premières balles dévastatrices, Soderling s'impose 6-4.

On attendait, comme d'habitude depuis six ans, une finale au sommet entre Federer et Nadal, redevenu apparemment invincible sur terre battue après son passage à vide de la saison 2009. Sauf improbable accident de parcours, le duel opposera dimanche Nadal à Soderling.

Soderling est le seul à avoir battu Nadal à Roland-Garros en six participations, depuis 2005. Au vu de la marche triomphale de Nadal depuis le début de ce tournoi 2010, l'Espagnol reste bien évidemment le grand favori. Et Soderling un outsider. Mais qui arrivera sur le court porté par un petit nuage. Et sans complexe.

Pour Federer, cette défaite pas tout à fait imprévisible - mais en quart de finale - est d'autant plus amère qu'elle a d'autres conséquences.

Non seulement il perdra son rang de numéro un au profit de Nadal si celui-ci l'emporte dimanche, mais encore il échouera à une semaine près d'égaler le record de durée à la tête du classement mondial du tennis masculin, détenu par Pete Sampras.

Federer avait été sans interruption au moins demi-finaliste dans les 23 précédents tournois du Grand Chelem. La série, unique dans l'histoire du tennis, s'est arrêtée hier.

Dans l'autre quart de finale présenté hier, le Tchèque Tomas Berdych a atteint sa première demi-finale du Grand Chelem en faisant la leçon au Russe Mikhail Youzhny, 6-3, 6-1, 6-2.