Après mûre réflexion, l'olympienne Ariane Fortin annoncera aujourd'hui sa décision d'accrocher les gants. Elle devrait occuper des fonctions à Boxe Canada.

La fin de semaine dernière, Ariane Fortin est retournée au gym du centre-ville de Montréal qui était «son bureau» il y a encore un an. Elle a croisé son coach de longue date, Mike Moffa, sorte de grand frère avec lequel elle partage mille souvenirs.

Avec lui, elle a vécu des hauts et pas mal de bas au fil d'une carrière de 16 ans dans la boxe. Avec lui, elle a mis les gants des centaines de fois pour devenir une boxeuse deux fois championne du monde, puis enfin se qualifier aux Jeux olympiques de Rio.

Mais cette fois-ci, elle n'est pas montée sur le ring. C'est qu'Ariane Fortin, à 32 ans, a pris la décision d'arrêter la boxe. Elle en fera l'annonce officielle cet après-midi lors d'un point de presse organisé par le promoteur Camille Estephan.

«J'étais au gym, mais je n'ai pas fait de pads avec Mike. Je t'en parle et j'ai le goût de pleurer. Mais je fais mon petit deuil une journée à la fois», raconte Fortin en entrevue avec La Presse.

Sa décision d'arrêter, Fortin l'a prise à Rio. Elle avait tellement rêvé de se rendre aux Jeux olympiques. Elle avait manqué ceux de Londres, restée à la maison pendant que l'Ontarienne Mary Spencer représentait le Canada.

Elle avait pensé abandonner. Mais avec Moffa, ils avaient décidé de continuer. Ils allaient battre Spencer et se qualifier pour les prochains Jeux, quatre ans plus tard. Fortin a gagné son pari.

Mais à Rio, c'est la débandade. Elle perd à son premier combat - une décision douteuse des juges - et est éliminée sur-le-champ. Après le combat, elle se retire une longue heure avant de parler aux journalistes. Elle est triste, le mot est faible, et répond aux questions la voix brisée. Ce combat allait être son dernier.

Deux jours plus tard, avec l'entraîneuse de l'équipe nationale Danielle Bouchard, elle est attablée dans un restaurant du village olympique. Avant d'arriver au Brésil, elle pensait continuer pour un dernier championnat du monde, une dernière année avant de tourner la page.

Mais à ce moment précis, sa décision est prise. «J'ai dit à Danielle: "T'sais, je pense que j'ai fini de boxer."»

«C'est sûr qu'il n'y aura pas de retour. Je trouve que beaucoup d'athlètes ne savent pas quand s'arrêter et des fois, on se souvient d'eux un peu pour ça, raconte Ariane Fortin. Je pense à Lucian [Bute], par exemple. Le monde du sport est cruel. Je ne sais pas si la majorité des gens se souviendra de Lucian pour l'athlète incroyable qu'il a été. Je pense que la majorité va surtout retenir la fin, et ça, je trouve ça vraiment dommage. Ça a pesé dans ma balance.»

Une occasion à Boxe Canada

Fortin a maintenant plusieurs projets dans le monde de la boxe. «Mon sport, je l'aime encore beaucoup.» Elle étudie à l'école Promedia pour apprendre les rouages de la radio et de la télévision. Elle aimerait devenir analyste.

Le président de Boxe Canada, Pat Fiacco, lui a aussi offert des responsabilités à la fédération, révèle Fortin. «On m'a offert une position de leadership et ça m'intéresse», explique l'ancienne boxeuse, qui ne peut en dire plus pour l'instant.

Diplômée en langue française et rédaction professionnelle, elle a également lancé un blogue dans lequel elle offre des conseils aux athlètes. Elle donne aussi des conférences dans les écoles et aimerait en donner dans le milieu du travail.

Elle pense pouvoir inspirer des gens avec son histoire. Sa plus grande fierté en carrière, ce sont ses deux titres de championne du monde (2006 et 2008). Mais son retour après la déception de Londres, sa victoire contre Mary Spencer, reste peut-être l'événement marquant de son parcours.

«Si tu mets dans une balance les bonnes et les mauvaises émotions de ma carrière à la boxe, peut-être que les mauvaises gagnent. Mais le sport m'a apporté tellement de bagage. Ça m'a fait grandir comme personne. C'est ce côté-là qui gagne à la fin.»

L'annonce qu'elle fera aujourd'hui lui permettra, espère-t-elle, de tourner la page. Elle s'est lancée dans mille projets à l'automne, mais parfois, son sport lui manque encore.

Récemment, elle a organisé un camp d'entraînement pour des jeunes. Quand elle a fait son sac avant de quitter son appartement de Villeray, pour la première fois, elle y a mis des pads d'entraîneur.

«Ça m'a fait mal au coeur. Il y a plein de petits deuils à faire comme ça. Mais en même temps, je sais qu'il y a d'autres projets inspirants qui m'attendent, dit-elle. Bon, les pads n'étaient pas les miennes. Je ne m'en suis pas acheté encore... Ça, c'est une autre étape.»

Photo Peter Cziborra, archives Reuters

Ariane Fortin aux Jeux olympiques de Rio