Malgré son passé sulfureux, même si c'est lui qui lui a fourni un supplément contenant une substance interdite, Lucian Bute dit faire encore confiance à son préparateur physique Angel Heredia. L'ancien champion du monde, déclaré positif après un combat en avril dernier, a annoncé hier qu'il entendait continuer de travailler avec lui.

Lors d'une conférence de presse, Bute a aussi dit avoir demandé à son avocat d'étudier tous les recours possibles contre un laboratoire américain qui aurait concocté le mélange qui a mené au contrôle positif. Il pourrait s'agir d'une poursuite dans les millions de dollars.

«Ça fait deux ans qu'on travaille ensemble. Ce sera notre quatrième camp d'entraînement ensemble», a dit le boxeur de 36 ans, qui doit affronter Eleider Alvarez le 24 février prochain.

«On ne va pas se séparer. Je suis très satisfait du travail d'Angel au niveau de la condition physique. Et j'ai décidé de travailler avec lui, a continué Bute. C'était un accident, ce qui s'est passé avec le test de Washington. On l'a prouvé. Ça, c'est derrière. On regarde en avant.»

Pharmagenic

Heredia était à Montréal, hier, pour rencontrer les médias et répondre aux nombreuses questions qui restent dans cette affaire. Le boxeur et son préparateur physique ont une fois de plus blâmé le laboratoire américain Pharmagenic, qui aurait contaminé un mélange de supplément avec de l'ostarine, un produit dopant.

Voici comment les choses se sont passées, selon Bute et Heredia. Avant le combat d'avril 2016 contre Badou Jack - un autre client d'Heredia -, Bute avait du mal à dormir. Le préparateur physique a donc fait concocter par le laboratoire Pharmagenic un mélange pour la récupération la nuit. C'était la première fois qu'il faisait affaire avec ce laboratoire de Californie, nous a dit hier Heredia.

«Les formules que j'ai écrites ne contenaient aucune substance illégale. C'est une affaire de contamination, clame Heredia. Je leur dit: je veux de la créatine, je veux cinq grammes d'un truc, cinq grammes d'un autre, je veux une saveur de citron... Et ils le font pour moi. Je n'ai jamais été en contact physique avec ces gens.»

Bute aurait donc consommé l'ostarine, un produit qui fait fondre la graisse et prendre du muscle, à son insu. Les échantillons A et B du boxeur en contenaient des traces. En plus d'une suspension, il a remis 50 000 $ au programme antidopage du World Boxing Council (WBC).

Heredia assure avoir cessé depuis de faire affaire avec Pharmagenic, une entreprise qui n'a plus de site internet. Pour ce camp d'entraînement, il ne fournira aucun produit à Bute. Le boxeur ne va consommer que des suppléments de la marque connue GNC.

Mais même si c'est bel et bien ce qui s'est produit, pourquoi toujours faire confiance à Heredia, qui avait choisi de faire affaire avec ce laboratoire? Bute a répété, hier, qu'il croyait la version de son préparateur physique.

Selon le promoteur Yvon Michel, à part cet épisode, Heredia faisait admirablement bien son travail. 

«Les performances de Lucian depuis qu'il est avec Angel Heredia sont convaincantes. Contre Andrea Di Luisa, contre James DeGale et ensuite contre Badou Jack, Lucian avait beaucoup d'énergie, était dans une forme splendide.»

«C'est important de mentionner que ce n'est jamais arrivé depuis qu'Angel Heredia est impliqué en boxe professionnelle qu'un de ses athlètes teste positif, a ajouté Michel. Avec Lucian, c'était la première fois que ça arrivait.»

C'est vrai. Mais dans une autre vie, Heredia a été impliqué dans l'un des plus importants scandales de dopage de l'histoire du sport, l'affaire BALCO. Il a d'ailleurs admis avoir vendu de la dope à des athlètes au tournant des années 2000.

Il assure qu'il est rentré depuis dans le droit chemin. «Je travaille avec Jean Pascal aussi, et on n'a jamais eu de problèmes. Je suis propre dans la boxe», clame-t-il.

Poursuite

Mais malgré les explications du camp Bute, des questions demeurent. Si Bute croit vraiment que le coupable est ce laboratoire, pourquoi ne pas le prouver hors de tout doute? Le boxeur est du même avis. Il dit avoir donné le feu vert à son avocat, l'Américain Howard Jacobs, pour entamer des poursuites contre Pharmagenic.

«C'est ma réputation. Je veux prouver que je ne suis pas coupable, que c'était une contamination. On veut avoir une lettre qui dit clairement qu'ils sont coupables.»

L'avocat doit donc décider de la pertinence d'une poursuite. Bute serait en droit d'exiger «plus de 1 million de dollars» en dommages, selon Michel.

Sur l'internet, l'adresse du siège social de Pharmagenic est très difficile à trouver. Elle était en Californie il y a quelques années. Mais il semblerait que l'entreprise a levé les feutres. «L'avocat sait exactement où ils sont, sait comment les rejoindre. Il est très confiant d'avoir ce qu'il faut», assure Michel.

Photo Robert Skinner, La Presse

Yvon Michel, Lucian Bute et Angel Heredia