C'est le combat que tous aimeraient voir au Québec: Jean Pascal contre Adonis Stevenson. L'expérience contre la puissance. L'ancien champion contre le nouveau. Pour les amateurs de géographie, la couronne nord contre la Rive-Sud de Montréal.

Mais comme souvent à la boxe, le combat que tous aimeraient voir n'aura peut-être jamais lieu. Une question d'argent sépare les deux boxeurs.

Les amants du noble art devront donc patienter. Ou se tourner vers le passé. Vers l'année 2003, pour être plus précis. Il y a 11 ans, les deux hommes se sont livré deux combats amateurs en l'espace d'une trentaine de jours. Des duels furieux menés à plein régime. Surtout le premier, qui a été «une sacrée guerre», selon l'entraîneur Russ Anber qui a vu les deux rencontres.

Jean Pascal a alors 20 ans, Adonis Stevenson, lui, 25. Le premier a une solide réputation d'amateur. Il a été champion canadien junior et a conservé le titre lors de son passage chez les seniors, un exploit. Stevenson, lui, sort de prison. Il entame sa carrière de boxeur sur le tard. Mais tout le monde connaît son nom dans le petit monde de la boxe.

«Tout le monde voulait voir le combat. Parce que même si Adonis n'avait pas beaucoup d'expérience dans la boxe amateur dans ce temps-là, il était reconnu comme un méchant cogneur, rappelle Anber. Jean était déjà dominant sur la scène nationale. Tout le monde attendait un crime de guerre!»

Le premier bras de fer entre le champion canadien Pascal et le cogneur Stevenson a lieu le 17 janvier 2003 à l'hôtel Holiday Inn de Pointe-Claire. C'est le championnat canadien. «Je me rappelle que c'était plein, raconte Jean Pascal. Tout le monde voulait voir le combat.»

La suite ne déçoit personne. Pascal et Stevenson se livrent une solide bagarre. «Tous ceux qui connaissaient Jean savaient qu'il allait y aller coup pour coup. Il voulait surprendre Adonis. C'était la première fois dans la courte carrière d'Adonis - il n'avait pas plus de 15 combats à l'époque - que quelqu'un lui tenait tête, explique Russ Anber. Jean avait le dessus niveau vitesse. Il a touché Adonis. Il l'a ébranlé un peu. Les deux se bombardaient. Je pense que Jean a eu un petit avantage.»

Au premier des quatre rounds, Adonis Stevenson reçoit un compte de l'arbitre. Plus tard dans le combat, Pascal va au tapis. Est-ce un knock-down ou une simple glissade? À la reprise vidéo, Pascal semble bel et bien avoir été envoyé au tapis. Mais le boxeur est catégorique: c'était une glissade. «Je ne suis jamais allé au tapis de ma carrière, ni chez les amateurs ni chez les professionnels», martèle Pascal 11 ans plus tard.

Les juges donnent la victoire à Pascal par un pointage de 29-19. C'est 1-0 Jean Pascal.

Un troisième combat?

Leur deuxième combat a lieu un mois plus tard. Le 21 février 2003, les chemins des boxeurs se croisent de nouveau dans un tournoi à Sarnia, en Ontario.

Entre-temps, Adonis Stevenson a cogné à la porte de Russ Anber pour le convaincre de l'entraîner. Anber a accepté, mais il a demandé une chose à Stevenson: «Tu dois boxer, je ne veux pas d'une bagarre comme à Pointe-Claire.»

«Je voulais un combat plus technique. Je ne voulais pas échanger avec Jean. Je ne voulais pas tenter d'égaler la vitesse de Jean», explique Russ Anber.

Le second combat sera donc beaucoup plus technique. Après le premier round, Pascal mène par la marque de 2-1 (en boxe amateur à l'époque, chaque coup qui touche donne un point au boxeur qui l'a porté). Puis Pascal prend le large. «Jean a gagné la décision et je ne peux pas dire que c'était controversé. Il a mérité la victoire», note Russ Anber.

C'est 2-0 Jean Pascal.

Deux ans plus tard, Pascal est passé chez les pros. Les deux ne se sont plus jamais affrontés. Stevenson est devenu champion canadien amateur. Pascal est devenu champion du monde chez les professionnels, puis a perdu sa ceinture WBC. Elle est passée entre les mains de Bernard Hopkins, puis entre celles de Chad Dawson. Stevenson l'a reprise à Dawson en lui passant le K.-O. en 76 secondes. C'est donc l'ancienne ceinture de Pascal qu'il détient aujourd'hui.

Un troisième combat entre les deux semble la chose la plus naturelle qui soit. En 13 ans, Adonis Stevenson s'est amélioré. Il a affûté ses armes, est devenu un tout autre boxeur. Il serait probablement favori si un combat avait lieu demain entre les deux.

«Ce serait un combat énorme, énorme», dit Russ Anber.

Certainement. Espérons qu'il ne se matérialise pas deux ans trop tard, comme un certain combat Pascal-Bute. Car en boxe, le timing est une qualité dans le ring, mais aussi à l'extérieur.