Même si elle n'a jamais attrapé aucun boxeur pour dopage, même si son système de contrôle est critiqué par des athlètes, des promoteurs et des spécialistes, la Régie des alcools des courses et des jeux (RACJ) n'a pas l'intention de resserrer les mailles de ses filets.

N'est-ce pas inquiétant de constater que jamais un tricheur n'a été pris? «Pour nous, c'est rassurant, parce que ça démontre que les concurrents ont de bonnes habitudes de vie et ne consomment pas de stupéfiants», a expliqué hier la porte-parole de la Régie, Joyce Tremblay.

La question du dopage a ressurgi en boxe avec la multiplication des tests positifs depuis le printemps dernier aux États-Unis. Ces cas émanaient de contrôles volontaires: des promoteurs, devant le peu de contrôles antidopage existants, ont eu recours à des agences indépendantes (USADA et VADA).

Mais le fait que ces agences parviennent à déceler des substances bannies a rejailli sur les commissions athlétiques américaines qui, selon la loi, sont responsables de lutter contre le dopage, mais qui débusquent très rarement les tricheurs. Depuis, des voix se sont élevées pour réclamer que ces commissions mettent en place un système rigoureux pour lutter contre le dopage.

Au Québec, la Régie joue un rôle similaire à celui des commissions athlétiques aux États-Unis. C'est elle qui est chargée de lutter contre le dopage en boxe et dans les arts martiaux mixtes. L'organisme, qui relève du ministère de la Sécurité publique, se livre à des tests d'urine dans les heures entourant un combat (jusqu'à trois heures avant et jusqu'à six heures après). Il n'y a pas de tests sanguins, pas de tests inopinés. Les contrôles ont lieu lors d'une minorité de combats, mais la Régie n'a pas de statistiques et ne peut pas dire dans quelle proportion.

«On n'en fait pas moins que partout ailleurs dans le monde, que les autres commissions athlétiques», répond Mme Tremblay, qui ajoute que «la Régie est souvent un point de référence pour les autres commissions athlétiques».

«C'est scandaleux»

Invitée hier à consulter la section du Règlement sur les sports de combat qui porte sur la lutte contre le dopage, Christiane Ayotte s'est montrée cinglante. Selon elle, le protocole de la Régie, qui fait quelque 450 mots, n'est pas suffisamment détaillé et n'est pas applicable.

«Ça fait référence à des standards obsolètes, note Mme Ayotte, directrice du laboratoire contre le dopage de l'Institut national de la recherche scientifique. Ce qu'on a là, ce n'est pas un dispositif antidopage, ça ne se peut pas, ils ne font pas de tests avec un dispositif pareil. Ils réfèrent à des documents qui n'existent plus depuis 2003.»

Le fait de ne tester que le jour du combat limite le champ d'action de la politique. «Les stéroïdes anabolisants peuvent être pris à l'entraînement. En boxe, la pesée est aussi un moment éminemment important, note-t-elle. Des dopes peuvent être prises pour perdre du poids rapidement, des substances interdites extrêmement néfastes pour la santé du combattant.

«C'est scandaleux. Dans la province où il y a l'Agence mondiale antidopage, c'est ça que notre gouvernement a mis en place, lance-t-elle. Et tout le monde est content?»

Justement non, tout le monde n'est pas content. Dans un article publié samedi dans La Presse, le boxeur Jean Pascal déplorait que les contrôles antidopage ne sont pas suffisants dans leur forme actuelle au Québec.

Le promoteur Yvon Michel se disait quant à lui très peu surpris que la Régie n'ait encore attrapé personne.

«La Régie a un petit test, mais c'est plus pour la forme qu'autre chose. Ça ne donne rien, a dit M. Michel. Ils n'ont encore pris personne et ne prendront probablement jamais personne.»