La question ramène de douloureux souvenirs. Le long soupir qui suit évoque une trace indélébile, une plaie que les années n'ont pas totalement refermée. «On était à un point de passer au dernier tour et on prend une raclée (8-1) contre le Honduras qui fait le tour du monde. C'est une image que l'on ne peut pas effacer», raconte Patrice Bernier sur ce match d'octobre 2012 qui avait mis un terme aux espoirs canadiens de participer à la Coupe du monde 2014. Le cadre, qui peut cette fois déboucher jusqu'en Russie, est quasiment identique pour les Rouges, de retour à San Pedro Sula, cet après-midi (17 h). Pour La Presse, le capitaine de l'Impact relate ses expériences en Amérique centrale et l'hostilité qui y est coutumière.

La veille de match

La sélection canadienne a l'habitude de ne pas s'éterniser lors des déplacements périlleux. Elle s'est ainsi posée sur le sol hondurien, hier, juste à temps pour disputer un seul entraînement et (re)découvrir son environnement. Avec le recul, le numéro 8 montréalais avait vu des signes avant-coureurs sur la catastrophe qui attendait le Canada, il y a quatre ans.

«On n'avait pas eu un super entraînement et on n'avait pas l'air d'une équipe qui allait jouer un match décisif. Peut-être que c'était causé par le stress ou la fébrilité de se dire que ce match était important et qu'on était à un point du dernier tour des qualifications. Il manquait quelque chose au niveau psychologique parce qu'il y avait peut-être plus de talent que dans l'équipe actuelle.»

À l'hôtel

Des membres de la sécurité sont de garde à l'étage qu'occupe la sélection canadienne. Pour éviter tout dérangement, les joueurs doivent aussi débrancher le fil de leur téléphone. La gêne peut également provenir de partisans adverses très enthousiastes, voire endurants. Bernier se rappelle notamment un séjour au Panama.

«On était au souper et, déjà, la musique partait. Ils étaient au milieu de la rue en train de chanter. Tu te dis que ça va s'arrêter à un moment donné, mais c'était encore plus fort après minuit, 1 h du matin. En plus, ils donnaient l'adresse de l'hôtel à la radio et ils incitaient les gens à y aller. [...] Au Honduras on avait appris de nos erreurs puisqu'on était aux étages supérieurs, où on n'entendait pas le bruit.»

Les joueurs reçoivent également des instructions très strictes quant à leurs activités à l'extérieur de l'hôtel. S'ils sortent, c'est toujours de façon groupée et sous la surveillance de gendarmes.

«Dans certains pays comme le Guatemala où il y a des kidnappings, on nous recommande de ne pas sortir de l'hôtel», poursuit le Québécois.

L'échauffement

Pour garnir les tribunes de l'Estadio Olimpico Metropolitano, les autorités ont décidé d'offrir des billets à bas coût. L'habitude des partisans, lors des matchs de leur équipe nationale, est d'arriver très tôt au stade.

«Les gens sont là, ils sont passionnés, ils sont à fond et ils veulent intimider l'équipe adverse. Tu sors pour t'échauffer et ils sont déjà 30 ou 40 000 dans le stade. Ils te lancent des sacs d'urine, de la bière et tout ce qu'ils peuvent, n'oublie pas Bernier. Ils veulent vraiment installer le facteur intimidation en sous-entendant: "Vous venez ici, mais vous n'allez pas en sortir." Le 12e joueur joue vraiment bien son rôle.»

Dans ces conditions, le point du match nul obtenu au Panama, à l'automne 2014, est l'un des très rares bons résultats du Canada au cours de la dernière décennie.

Le match

Un temps faible, dans la première demi-heure, peut rapidement hypothéquer les chances de l'équipe visiteuse. Lors du dernier match au Honduras, le Canada avait raté quelques bonnes occasions avant d'encaisser trois buts en l'espace de 22 minutes. Cet après-midi, la parole est donc à la défense, au jeu direct et à la roublardise, si nécessaire, croit Bernier, remplaçant en 2012. 

« Le Canada a une belle opportunité d'obtenir un résultat. Connaissant [le sélectionneur] Benito Floro et le groupe, ils vont tout faire pour mettre une forteresse et avoir l'avantage lors du dernier match à domicile contre le Salvador.»

«Floro, son staff et les joueurs qui sont encore là ont maintenant cette expérience et ce vécu. On ne peut pas savoir si on va gagner le match, mais je suis pas mal convaincu que ça ne se finira pas 8 à 1.»

Une meilleure image

D'un point de vue mathématique, le Canada ne sera ni qualifié ni éliminé des qualifications CONCACAF au terme de ce match au Honduras, mais le portrait sera bien plus clair. À l'heure actuelle, le Honduras et le Canada occupent, respectivement, la deuxième et troisième place d'un groupe que le Mexique est assuré de remporter. Avec le même nombre de points, seule la différence de buts permet de départager favorablement les «Catrachos». En cas de victoire ou de match nul, le Canada serait en très bonne position avant d'accueillir le Salvador, mardi. Le Honduras, de son côté, se rendra au Mexique.

Le Canada n'a plus atteint le dernier tour des qualifications («le Hex») depuis 1997.

Photo Esteban Felix, archives La Presse Canadienne

Devant ses milliers de partisans, le Honduras avait écrasé le Canada au compte de 8-1.