Une poignée de secondes suffisent pour identifier la silhouette d'Hanson Boakai sur un terrain. Au milieu de défenseurs adverses dépassant souvent les 6 pieds, le milieu de terrain du FC Edmonton, également l'un des espoirs du soccer canadien, ne mesure que 5'4, pour 142 livres. Son style ne passe pas non plus inaperçu: lui donner un peu d'espace se transforme en invitation à prendre l'adversaire de vitesse et à trouver la faille.

C'est du moins ce que le joueur de 17 ans a réussi contre le Fury d'Ottawa, puis face à l'Impact, en championnat canadien. Sur le but égalisateur, à l'aller, Boakai a facilement éliminé Calum Mallace, dans le rond central, avant de se rendre au 30 mètres pour servir Tomi Ameobi. Et voilà comment, en quelques occasions, l'intérêt envers celui qui a disputé son premier match professionnel en juin 2013 a grimpé en flèche.

Si le jeune homme prend la situation avec philosophie, voire détachement («Je me concentre seulement sur mon jeu»), son entraîneur a multiplié les louanges dans la presse depuis le début de la compétition. Pas question cependant pour Colin Miller de lui accorder un traitement de faveur. «Nous faisons un bon travail pour le protéger et ne pas lui donner de privilèges, assure-t-il à La Presse. Je travaille fort pour qu'il garde les deux pieds sur terre et qu'il reste humble. Cela dit, c'est quelqu'un de spécial. Quand il a le ballon à ses pieds, il est excitant à regarder.»

Loin d'être linéaire, le parcours conduisant Boakai jusqu'au stade Saputo, ce soir, a commencé par un déracinement qui s'est rapidement mué en seconde chance. Né de parents libériens, Boakai a passé les premières années de sa vie en Guinée-Bissau avant de déménager à Edmonton, à l'âge de 7 ans. De l'Afrique, il avoue ne posséder que des souvenirs épars. «Selon ce que l'on m'a dit, c'était difficile pour mes parents avec la guerre, mais nous avons été chanceux de pouvoir partir. Le Canada est le meilleur pays au monde», lance-t-il.

«C'est un don de Dieu»

En Guinée-Bissau, Boakai se souvient toutefois d'avoir trouvé un refuge dans les parties de soccer disputées après l'école. «En Afrique, nous n'avons que le soccer comme sport et j'y jouais bien évidemment après les cours. Nous ne pouvions pas perdre notre temps à regarder la télévision ou à jouer à des jeux vidéo.»

À Edmonton, le numéro 19 a continué à jouer au soccer... presque par hasard. Tandis qu'il assistait à l'entraînement de l'équipe de son grand frère, qu'il qualifie de modèle, un entraîneur lui a demandé de venir sur le terrain.

Après avoir épaté la galerie, il dit s'être entraîné tous les jours, même s'il a dû s'y prendre à deux fois avant d'intégrer l'équipe provinciale de l'Alberta. Et après avoir flirté avec l'équipe des moins de 16 ans des Whitecaps de Vancouver, il a plutôt regagné Edmonton où il s'est joint à l'Académie, en 2011.

Arrivé au club, l'année suivante, Miller se rappelle avoir immédiatement su que Boakai allait jouer sous ses ordres. «Je l'ai lancé, l'an dernier, alors qu'il n'avait que 16 ans, et je répète depuis que ce n'était pas un coup publicitaire. Il est assez bon pour pouvoir jouer avec nous et il a affiché, au quotidien, une constance rare pour son âge. Pour moi, ce n'est pas une surprise de voir ce qu'il peut faire avec le ballon. C'est un don de Dieu.»

Vers l'Europe?

Qu'est-ce qui attend maintenant Boakai qui peut évoluer sur un côté ou en soutien des attaquants? Comme pour bien des joueurs, l'Europe demeure un objectif à atteindre. Il a d'ailleurs pu en avoir un avant-goût, cet hiver, en faisant un essai de trois semaines avec un club allemand de deuxième division, le Fortuna Düsseldorf.

«Le premier jour a été un peu difficile car le niveau est différent, mais cela s'est bien passé ensuite, dit-il avec un large sourire. Il ne me faut pas beaucoup de temps pour m'ajuster et je sais que je me serais amélioré si j'étais resté là-bas. Les entraîneurs m'ont bien aimé et auraient souhaité que je reste. Mais comme il faut avoir 18 ans pour jouer en Europe, je n'aurais pas disputé de matchs.»

À Edmonton, il aura cependant la possibilité de continuer à apprendre les bases du sport dans un environnement qu'il connaît sur le bout des doigts. Le travail en phase défensive et une circulation du ballon plus efficace se retrouvent en tête de liste. «Nous voulons qu'il prenne moins de touches avec le ballon et qu'il le transmette plus rapidement, résume Miller. Sur le plan de la maturité, il a encore du chemin à faire, mais sur le terrain, il est parmi les meilleurs au Canada.»