«Bienvenue en République de la FIFA», ironisait récemment un journal sud-africain, illustrant les frustrations croissantes d'une nation qui se sent dépossédée de «son» Mondial par la Fédération internationale de football.

«C'est une association dictatoriale», tonne ainsi Grant Abrahamse, qui voulait profiter de la Coupe du monde pour lancer sa petite entreprise.

Cet habitant du Cap voulait produire un porte-clé décoré du drapeau national, de la mention 2010 et d'une vuvuzela, une de ces longues trompettes de plastique coloré typiques des supporteurs sud-africains.

Las, la FIFA, qui possède l'exclusivité des termes «Mondial de football», «Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud» ou toute combinaison de ces notions, a ouvert des poursuites contre lui pour «ambush marketing».

Le marketing «en embuscade» consiste à s'associer à un événement à des fins lucratives sans contribuer aux frais de partenariats. Il est illégal en Afrique du Sud, où la FIFA a déjà ouvert près de 500 dossiers liés au Mondial.

Mais où s'arrête la légalité, lorsqu'un bar de Pretoria a dû retirer des bannières célébrant la grand-messe sportive? Du coup, les Sud-Africains hésitent à manifester leur fièvre footballistique, de peur de franchir la ligne rouge.

Et la FIFA, qui compte déployer des équipes spéciales de surveillance pendant la Coupe du monde (11 juin - 11 juillet), est de plus en plus accusée de manquer de souplesse.

«Quand vous achetez une voiture, vous voulez être sûr d'être le seul à la conduire», rétorque Thierry Weil, directeur marketing de la FIFA, en référence à ses partenaires officiels qui ont payé des fortunes l'exclusivité de l'usage de la marque.

«La majorité des cas sont réglés à l'amiable», souligne la FIFA, en assurant être «plus indulgente envers les petites et moyennes entreprises».

Les grandes entreprises tirent leur épingle du jeu, à l'image de la compagnie aérienne à bas coût Kulula, qui a annulé avec force publicité une campagne où elle se décrivait comme «le transporteur non officiel de vous-savez-quoi» sur fond de ballons ronds.

Mais la FIFA a par exemple obtenu la condamnation d'un fabricant de sucettes qui avait conçu un emballage évoquant la Coupe du monde.

«Un fabricant de sucettes peut-il vraiment menacer un commanditaire officiel du Mondial?», interroge Andre van der Merwe, avocat spécialisé dans les questions de brevets et marques déposées.

«Les gens attendent avec impatience la Coupe du monde mais ils n'aiment pas trop la FIFA, ils pensent qu'elle est en train de s'emparer de leur pays», estime-t-il.

En plus des règles marketing, les neuf villes-hôtes ont dû adopter des règlements provisoires pour réguler les activités autour des stades, des fans parks et de tous les sites officiels.

«Toute publicité y est interdite à moins d'avoir une autorisation spéciale de la mairie, ce qui pourrait poser des problèmes pour la liberté d'expression», regrette le constitutionnaliste Pierre de Vos.

«Les restrictions sur les activités commerciales me semblent excessives», ajoute-t-il, citant l'exclusion des traditionnels vendeurs à la sauvette des abords des stades.

Selon lui, ces règles «ne visent pas à assurer le bon déroulement de la compétition mais à protéger les intérêts financiers de la FIFA».

Au final, craint M. de Vos, les retombées économiques du Mondial risquent d'être très limitées pour les Sud-Africains. «Quand les gens vont s'en rendre compte, ils risquent d'être encore plus amers.»