Katerine Savard se préparait pour ce premier rôle depuis le début de sa carrière. Celui d'une prétendante au podium aux Jeux olympiques. Or l'audition ne s'est pas très bien passée, si bien qu'elle a plutôt décroché un rôle de soutien. Malgré tout, elle compte bien le défendre avec vigueur et honneur à Rio.

À Rio, en natation, chez les filles, ça commencera par le 100 m papillon. « Son » épreuve. Enfin, ça devait être son épreuve, mais Katerine Savard la suivra des gradins. Cinquième du 100 m papillon aux derniers Championnats du monde, elle devra se contenter d'encourager Penelope Oleksiak et Noemie Thomas, qui représenteront le Canada. Ça fera mal.

Deux mois et demi après sa défaite-surprise aux sélections olympiques, Savard souffre encore.

«Tu t'entraînes toute ta vie pour une course et en 57 secondes, tout s'écroule. Je l'ai trouvé dur.»

Le teint hâlé et les cheveux décolorés par le chlore et le soleil, la nageuse de 23 ans rentrait d'une tournée de compétitions et d'un stage dans le sud de la France, à la mi-juin. Elle est souriante, mais pensive. «N'importe quel athlète veut aller aux Jeux olympiques. Moi, j'y vais pour une deuxième fois.» Elle fait une pause avant d'ajouter: «J'allais dire: je ne peux pas demander mieux!»

Elle compare ce qu'elle a vécu en avril à Toronto à une peine d'amour. «Dans ma tête, tout venait de s'écrouler», se souvient Savard, qui admet que la peur de perdre l'a paralysée.

Deuxième chance

Atterrée, l'athlète originaire de Pont-Rouge a eu deux jours pour se remettre sur pied. Elle pouvait encore se qualifier au 200 m libre. À son arrivée à Montréal, en 2014, l'entraîneur Claude St-Jean l'avait convaincue de tenter sa chance à cette épreuve. Elle diversifierait ainsi son arsenal et réduirait les attentes autour du papillon. «Une chance que j'avais ça», constate-t-elle deux ans plus tard.

Malgré une nuit d'insomnie, Savard a su rebondir de façon remarquable, terminant troisième avec son meilleur temps à vie et obtenant sa place pour le relais 4 x 200 m libre à Rio.

Ce n'était pas le premier rôle pour lequel elle s'était préparée depuis tant d'années, mais un rôle de soutien qu'elle compte défendre avec vigueur et honneur. «J'ose me dire que la vie est ainsi faite et qu'il y a peut-être de belles choses qui m'attendent au crawl.»

Première bonne nouvelle: elle pourra nager le 200 m individuel au Brésil, la jeune Oleksiak ayant déclaré forfait pour se concentrer sur ses autres épreuves. Savard n'a aucune attente, sinon celle de réussir son meilleur temps. «C'est bizarre pour moi de penser comme ça. En fait, peut-être que quelque chose ne fonctionne pas dans ma manière de penser.»

«On dit souvent que, sur le plan de la pression, on est notre pire ennemi.»

Savard a mis du temps à se détacher de son style favori. Pendant des semaines à l'entraînement, elle a continué à faire ses séries principales au papillon. Comme une amoureuse éconduite incapable de rompre les liens avec l'être aimé.

«Quand tu en as fait toute ta vie, c'est difficile d'arrêter du jour au lendemain, explique-t-elle. C'est quand même la nage que je préférais. Au crawl, c'était bizarre. Je ne m'étais jamais entraînée pour le crawl!»

À son retour d'Europe, elle a décidé de s'y consacrer totalement. Les résultats sont déjà intéressants. Dans le dernier mois, elle a amélioré ses meilleurs chronos à vie ou s'en est approchée. À Rio, elle ne se battra pas pour un podium à l'épreuve individuelle. Et à moins d'un sursaut collectif, ce ne sera pas le cas non plus au relais.

Katerine Savard n'en a pas fini avec le 100 m papillon. Elle s'y remettra à l'automne en même temps que ses études en enseignement à l'Université de Montréal. Sa place est déjà assurée pour les Mondiaux en petit bassin qui se tiendront à Windsor en décembre. Elle veut nager au moins une autre année. Après, elle verra. Les plans peuvent vite changer...