Menés par les Erik Guay, François Hamelin ou Olivier Jean, les sportifs québécois ont connu une fin de semaine particulièrement faste. Mais de son domicile, l'ancien bosseur Jean-Luc Brassard est «sorti de ses gonds» devant le manque de couverture en direct de ces événements.

En trois occasions, Brassard s'est épanché sur son compte Facebook pour dénoncer le «tiers-monde sportif» qui règne au sein des télévisions québécoises. «C'est pathétique, notre affaire. Je regrette de dire ça, mais on fait vraiment dur», a-t-il pesté, hier, au cours d'une longue entrevue avec La Presse.

Vingt-quatre heures après ses virulentes sorties, l'homme de 44 ans n'avait pas décoléré devant l'absence d'images en direct. À tel point qu'il assurait vouloir résilier son abonnement au câble. Lorsqu'il était encore en activité, il lui arrivait de stopper ses entraînements, en Europe, pour regarder les courses à la télévision. Au Québec, il doit faire avec les moyens du bord en se tournant très souvent vers l'internet, s'est-il lamenté. 

«Ici, on n'a rien, absolument rien. On a des championnats de dards ou des courses canines à la télévision sportive. C'est n'importe quoi, d'autant plus qu'on a des champions. Mettons [les athlètes] en valeur, c'est une source de fierté, et on en a peut-être un petit peu besoin par les temps qui courent.»

Dans une longue tirade, Brassard a ensuite vanté le suspense du patinage de vitesse sur courte piste, l'intensité du skicross, la télégénie du ski acrobatique, puis le spectacle de carte postale offert par le ski de fond et le ski alpin. 

«Qu'est-ce qu'on nous offre à la place, ici? demande-t-il. Une conférence de presse du coach du Canadien. C'est fantastique, mais trop, c'est comme pas assez. Je suis convaincu que même [Michel Therrien] n'a pas de plaisir à parler de chacune de ses respirations. C'est dommage pour nos athlètes.»

Discours traditionnel

La réaction sur son compte Twitter - dont le gazouillis a été repris par plusieurs sportifs - autant que sur Facebook a été unanime. Il n'a pas été le seul à avoir été frustré par l'offre télévisuelle sportive du week-end. Il l'était d'autant plus que, à ses yeux, rien n'a évolué depuis la fin de sa carrière, en 2002. 

«Tout le monde est choqué de ça. Moi, je n'accepte plus ce discours traditionnel sur le manque d'intérêt populaire pour ces émissions. Ces épreuves ne sont jamais présentées, donc c'est normal qu'il n'y ait pas de public. Et quand elles le sont, c'est à 11h le soir. Présenter le Super Bowl ou la finale de la Coupe Stanley deux jours plus tard, ce n'est pas la même chose. Ce qui est le fun, c'est de voir le dénouement en direct. Non, je ne décolère pas.»

Ce week-end, CBC a d'ailleurs présenté sept heures de sports olympiques en différé. Et, vérification faite, ni Radio-Canada ni CBC n'ont été en mesure de présenter les Championnats du monde de ski alpin à Saint-Moritz. 

«Les Fédérations internationales engagent des courtiers pour faire la représentation et la vente de ces émissions-là. On n'a pas pu s'entendre, conjointement avec CBC, à un tarif raisonnable pour une diffusion télévisuelle ou sur le web», a précisé François Messier, directeur général de production et sports. 

Cette compétition, tout comme l'épreuve de bosses de PyeongChang, faisait toutefois partie du calendrier préliminaire que Radio-Canada souhaitait présenter sur son site internet. Cette plateforme sera notamment utilisée, au cours des prochaines semaines, pour la diffusion de compétitions de patinage artistique et, en cas d'entente, pour les Mondiaux de ski acrobatique/surf des neiges, au mois de mars. 

«Avec le sport amateur, ou le sport olympique, on a énormément de difficultés à créer une régularité et un attrait pour amener un public large. À la suite de la victoire d'Erik Guay, il y avait une attente du résultat de la descente, mais les gens ne sont pas nécessairement prêts à s'asseoir et à écouter l'épreuve au complet», a expliqué M. Messier.

De son côté, TVA Sports diffuse, en direct, les épreuves québécoises de ski acrobatique, de surf des neiges ou de ski de fond. Le conseiller aux communications pour la chaîne, Jean-François Del Torchio, a assuré que, selon les chiffres de l'an dernier, il avait noté «un intérêt» pour ces compétitions auxquelles participent les athlètes québécois.

RDS n'a pas souhaité donner d'entrevue à ce sujet.

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L'exemple de Le Guellec

La couverture fluctuante des événements en direct, entre deux présentations des Jeux olympiques, enrage particulièrement Brassard. En tant qu'assistant au chef de mission pour les Jeux olympiques de Sotchi, en 2014, il se rappelle la popularité du biathlète québécois Jean-Philippe Le Guellec auprès du public européen.

«Les Russes scandaient son nom. J'en avais les larmes aux yeux et je me disais: "Maudit, ce gars-là est anonyme." Il se promènerait dans les rues de Montréal en tout anonymat. C'est une machine de cardiovasculaire, d'intégrité et de gentillesse. Je trouvais que c'était tellement honteux de notre part que personne ne le connaisse.»

Photo Felipe Dana, archives Associated Press

Jean-Philippe Le Guellec