Katerine Savard avait 3 ans quand Guylaine Cloutier a fini sixième du 100 mètres brasse aux Jeux olympiques d'Atlanta, en 1996. Depuis, aucun nageur québécois n'a atteint une finale olympique. Savard pourrait bien être la prochaine. Pour cela, elle doit d'abord se qualifier pour les Jeux de Londres. La nageuse de papillon tentera sa chance dès mardi aux Essais olympiques, qui se dérouleront jusqu'à dimanche à la piscine olympique de Montréal.

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La nageuse Katerine Savard a 18 ans et toutes ses dents. Ce n'était pas le cas en janvier pour cette finale du 100 mètres papillon à la Coupe du Québec.

En s'échauffant au sol juste avant le départ, elle s'est frappé le visage sur un banc de bois. Un accident bête, mais l'impact a été assez fort pour qu'elle se brise une palette. Un peu paniquée, elle a couru vers son entraîneur Marc-André Pelletier... qui lui a dit de se dépêcher parce qu'on l'attendait sur le bloc.

Deux longueurs plus tard, Savard touchait le mur. En pleurs, mais première. Son temps: 59,46 secondes. Son pire de la saison, mais seulement à quelques dixièmes du standard A de qualification pour les Jeux olympiques de Londres. À tous ses autres départs depuis l'automne, Savard a fait mieux que ce temps de 58,70, avec un sommet de 58,23 au Missouri en février.

Autant dire qu'elle est prête pour les sélections olympiques, qui se dérouleront de mardi à dimanche à la piscine olympique de Montréal. «Je suis capable de nager vite dans n'importe quelles circonstances», a raconté Savard plus tôt cette semaine, avant un entraînement avec son club CSQ à la piscine Bhérer de Québec.

Ce n'est donc pas une légère foulure à la cheville droite, qu'elle s'est infligée simplement en marchant la semaine dernière, qui va la déstabiliser. Surtout qu'elle a l'habitude, la faute à cette grande laxité articulaire, qui fait aussi sa force en natation.

Pour que le journaliste comprenne bien, Savard se lève de sa chaise et s'assoit par terre, les jambes à plat. Sans effort apparent, elle colle la totalité de la plante de ses pieds sur le plancher: «Vous voyez?»

Une demi-heure plus tard, elle est dans l'eau pour une série de vitesse avec sa quinzaine de coéquipiers. «28,7!», beugle Pelletier, qui demande à ses ouailles de se concentrer à revenir vite sur le dernier 50 mètres.

Chronomètre à la main, l'entraîneur de 34 ans marche d'un pas décidé d'un côté à l'autre du bassin. Il s'arrête brusquement et nous invite à observer le battement de jambes de sa talentueuse protégée. Effectivement, le kick est puissant, les hanches sont hautes. Au plus fort de l'ondulation, il n'y a presque plus d'eau dans le creux de son dos. À 1 m 65 et 55 kilos, l'athlète menue tire avantage de sa grande puissance musculaire.

«Pis, Kat, la cheville?» Savard répond avec un hochement de tête et un sourire.

Une progression fulgurante

Katerine Savard avait 14 ans aux dernières sélections olympiques pour les Jeux de Pékin. La nageuse de Pont-Rouge avait fini 95e du 100 mètres papillon avec un temps de 1:06,82. Quatre ans plus tard, elle s'amène à Montréal avec un tout autre statut. «C'est sûr que c'est stressant, oui, mais j'ai vraiment plus hâte qu'autre chose, dit celle qui a fini neuvième aux Mondiaux de Shanghai l'été dernier. J'ai hâte de nager, hâte de voir comment ça va se dérouler. Beaucoup de monde m'en parle, beaucoup de gens seront là, mais je pense que j'ai besoin de la pression des autres pour nager vite. Ça ne me dérange aucunement.» L'attention des médias? «Je vis bien avec ça aussi.»

Savard détient le record canadien, qu'elle a fait passer à 57,80 lors d'une banale Coupe du Canada à Etobicoke, en novembre. Elle a été la première surprise. «Premièrement, j'avais la grippe. Deuxièmement, on commençait à s'entraîner fort. J'étais loin d'être reposée.»

Depuis, seules quatre nageuses ont fait mieux que ce chrono canon. Une Suédoise, deux Britanniques et une Australienne, qui ont réalisé leur temps ce mois-ci dans le cadre de sélections olympiques. «Je suis un peu dans la même ligue», dit la Québécoise, qui espère améliorer, sinon approcher sa marque nationale mardi.

Elle vise aussi une qualification au 200 m papillon, où l'opposition sera plus relevée avec la présence de l'olympienne Audrey Lacroix et de MacKenzie Downing, ancienne détentrice du record canadien au 100 m. Cette saison, les trois ont nagé à une poignée de dixièmes du standard de 2:08,95. «Sur 200 mètres, je n'ai rien à perdre», souligne Savard.

La jeune femme ne s'en cache pas, elle songe déjà aux Jeux de Londres, où elle veut atteindre la finale au 100 m. Son expérience aux Mondiaux de Shanghai l'a laissée sur son appétit. Elle a manqué par un rang la finale au 100 m et les demi-finales des 50 et 200 m papillon.

«Malgré son âge, elle a beaucoup d'expérience, de vécu, souligne Pelletier. Les grandes compétitions internationales avant les Jeux, elle les a toutes faites.»

Si les Brent Hayden, Ryan Cochrane et Martha McCabe ont relancé la natation canadienne depuis quelques années, ce fut beaucoup plus discret au Québec.

Katerine Savard est prête à prendre sa place.