L'engouement qu'a suscité, en juin dernier, la vente du chandail que Paul Henderson a porté lors du match décisif de la Série du siècle de 1972 a inspiré un témoin privilégié de l'événement qui a marqué l'histoire du hockey.

Le photographe à la retraite Denis Brodeur met à l'enchère sur Internet une série de 17 négatifs photos illustrant le but historique de Henderson et les droits d'auteur s'y rattachant, avec en prime l'appareil Nikon (hors d'usage) qu'il a utilisé.

Au sein du lot d'objets de collection de sport qu'une compagnie d'enchères montréalaise a mis en vente, il y a aussi le chandail numéro 12 que l'ancien hockeyeur Yvan Cournoyer avait sur le dos le soir de l'exploit de Henderson. Cournoyer n'est plus propriétaire du chandail. Il s'en était lui-même départi dans une enchère, il y a une dizaine d'années.

Le 28 septembre 1972, sur la glace du Palais des sports Loujniki de Moscou, Cournoyer a été le premier à sauter dans les bras de Henderson, pendant, qu'assis aux premières loges, le photographe pigiste du Montréal-Matin immortalisait toute la séquence à travers l'oeil de sa caméra.

«J'ai décidé de faire un cadeau à mes petits-enfants, a expliqué Brodeur en entrevue à La Presse Canadienne, mercredi. Il y a aussi que j'ai toujours peur de les perdre, en raison d'un sinistre ou d'un vol. Dans le moment, les négatifs sont en lieu sûr et j'ai hâte de voir comment tout ça va se terminer.»

Le père du gardien Martin Brodeur ne s'attend évidemment pas à ce que l'effervescence ne propulse les prix à des sommets se rapprochant du montant de 1,275 million $ CAN que le chandail de Henderson a atteint.

En date de mercredi midi, la meilleure mise pour les négatifs et les droits surpassait les 20 000$. Le chandail de Cournoyer s'élevait à plus de 31 000$.

Brodeur et le propriétaire du chandail de Cournoyer ont établi un prix plancher chacun, en-deça duquel ils conserveront leur relique. Les enchères se terminent le 16 novembre.

Brodeur, qui a célébré son 80e anniversaire de naissance dernièrement, a dit espérer que l'éventuel acquéreur accepte de prêter les négatifs au Temple de la renommée.

«C'est le meilleur endroit où ça pourrait se retrouver parce que je serais assuré qu'on en prendrait bien soin, même longtemps après ma mort.

«C'est comme quand j'ai mis ma collection de 115 000 photos à l'enchère en 2006, a-t-il repris. Quand la Ligue nationale a manifesté de l'intérêt, j'ai préféré lui vendre plutôt qu'aux Américains et aux Européens qui s'y intéressaient sur Internet.»

Brodeur est un des rares photographes qui ont capté le dénouement dramatique de la Série du siècle. Il n'y a en qu'un autre, à sa connaissance, Frank Lennon, du Toronto Star, qui n'a pris qu'un cliché.

«J'ai eu de la chance parce que, sur le plan technique, les appareils de l'époque n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, souligne-t-il. Je venais de me déplacer pour aller prendre des photos de l'entraîneur soviétique, Vsevolod Bobrov. Le Canada venait de créer l'égalité 5-5 et je me suis installé près du but de Vladislav Tretiak. Si ç'avait été les Soviétiques qui avaient marqué, j'étais foutu. Il n'y aurait pas eu de photo.»

Brodeur n'est pas peu fier de mentionner que la photo de Henderson, avec les bras dans les airs, ainsi que celle du vol plané de Bobby Orr, en séries éliminatoires de 1970, se partagent le titre de meilleures de l'histoire du hockey.