Il n'y a probablement jamais eu de minute de silence aussi silencieuse dans toute l'histoire du hockey.

D'un bord, il y avait les joueurs du Canadien, assemblés derrière leur ligne bleue, toutes leurs têtes tournées vers l'écran vidéo qui diffusait des images du grand Jean Béliveau. De l'autre bord, juste en face, il y avait les joueurs des Canucks de Vancouver, eux aussi les yeux rivés sur ce qui se passait en haut, en vidéo.

Puis il y a eu cette minute de silence. Une vraie. Pas de chuchotements ou de toussotements, pas un seul fan éméché pour hurler des hauteurs et se penser drôle. Rien de cela. Juste une minute de ce silence à la fois intense et éprouvant, qui a enveloppé le Centre Bell comme cette neige qui enveloppait Montréal à ce moment-là: avec douceur et émotion.

Bref, à l'image de celui qu'on était venu célébrer avant le début de cette rencontre.

Dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans, c'est probablement de cette minute de silence que l'on se souviendra en repensant à ce 9 décembre 2014 au Centre Bell. De cette minute, et aussi de Mme Béliveau, rayonnante dans sa tristesse, triomphante dans l'épreuve, les bras tendus vers le ciel. Pour remercier la foule, mais sans doute aussi pour saluer son hockeyeur de mari pour la dernière fois en cette enceinte.

Il n'y a pas eu de feux d'artifice et d'explosions, il n'y a pas eu de musique tonitruante ni d'effets sonores à défoncer les tympans. Il n'y a même pas eu de Coldplay (ce qui n'est pas une mauvaise chose, remarquez) quand les joueurs du Canadien ont sauté sur la patinoire. Il n'y a eu que les applaudissements et le son des lames sur la  glace.

Ce qu'il y a eu, c'est l'essentiel: le souvenir de l'homme, et ses meilleurs coups en images qui défilaient sur la glace au son de quelques doux accords, notamment ceux de Ceux qui s'en vont de Ginette Reno.

Au bout du compte, il y a eu un hommage sobre. Comme Jean BĂ©liveau savait l'ĂŞtre.

Les bons sentiments de mardi soir ne sont pas près de disparaître. Les joueurs du Canadien vont continuer d'accrocher ce numéro 4 à leur maillot toute la saison, et mardi, on a vu apparaître des 4 peints en bleu derrière les deux filets du Centre Bell.

En cours de soirée, on a fini par annoncer une assistance de 21 286 personnes. Tous les sièges du Centre Bell étaient donc occupés... sauf un, celui où avait l'habitude de s'asseoir M. Béliveau, trois rangées derrière le banc du Canadien. Ce siège-là était recouvert du 4, et il en sera ainsi pour le reste de la saison.

Le Canadien aura donc fait les choses sous le signe de la classe et de la simplicité. Comme Jean Béliveau l'aurait fort probablement voulu. Cette soirée, on ne va pas l'oublier. Comme on n'oubliera pas ce 4 qui restera gravé à jamais dans notre mémoire collective.

Photo Bernard Brault, La Presse