En l’espace de trois jours, les Capitals de Bratislava, en Slovaquie, ont appris la mort d’un de leurs coéquipiers, Boris Sádecký, et de leur directeur général, Dušan Pašek. Marc-Olivier Roy, le seul Québécois de l’équipe, raconte.

C’était le 29 octobre. Les Capitals ont pris la route à 6 h ce matin-là en direction de Dornbirn, en Autriche, pour y affronter le club local, les Bulldogs. Un long trajet de 10 heures.

Sur la patinoire, l’échauffement s’est bien déroulé. Tout le monde semblait bien aller, raconte Marc-Olivier Roy lors d’un appel avec La Presse, mercredi après-midi.

« En fin de première période, il restait six secondes, on était en avantage numérique. Je gagne la mise en jeu, on tire au but et il y a comme une altercation devant le but. On voit Boris [Sádecký] qui est à genoux en plein milieu. On pensait qu’il s’était fait frapper, [qu’il avait reçu] un coup salaud qu’on n’avait pas vu. »

« Le buzzer venait de sonner, ajoute-t-il. On est allés le voir et il m’a dit : “Je ne me sens pas bien, Marco.” Il s’est tourné sur le côté et est tombé par en arrière. »

Roy et son autre ailier ont tout de suite appelé le médecin de l’équipe.

« Tu le voyais dans son regard qu’il [Boris Sádecký] n’était pas là, explique-t-il. Il était vitreux. Il y avait quelque chose, je le savais. D’habitude, si tu es blessé, tu parles. »

L’ambulance est arrivée et les paramédicaux ont pris Sádecký en charge. Comme la période venait de se terminer, Roy et son coéquipier sont retournés au vestiaire avec l’équipe, en attente de nouvelles.

Avec les gars, on ne savait pas trop… On a vu ce qui se passait, mais ce sont des images dont on ne veut pas se souvenir. C’était dur.

Marc-Olivier Roy

Le match a finalement été annulé. Les Capitals sont retournés à l’hôtel sans trop savoir comment se portait leur coéquipier. Ils sont rentrés à Bratislava en autocar le lendemain. Puis on leur a annoncé que leur coéquipier serait dans le coma pendant 48 heures, « pour récupérer ».

« Alors la vie a continué… Le lendemain matin, tout le monde priait pour qu’il aille mieux, relate Roy. On ne savait rien. On ne pensait pas au pire parce qu’on s’était fait dire qu’il était correct. »

L’équipe a joué un autre match le 2 novembre, et la nouvelle est tombée le lendemain : Sádecký, 24 ans, s’était éteint.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DES CAPITALS DE BRATISLAVA

Boris Sádecký

« La nouvelle a été vraiment dure [à encaisser] pour tout le monde. Ce n’était pas facile. Ce n’est pas comme si on avait appris son décès dans un accident d’auto. Quand tu le vis, c’est différent un peu. »

« On était une équipe très proche, continue-t-il. […] On se voit quand même plus souvent que nos familles. On se voit tous les jours. Je ne pensais jamais vivre ça dans ma carrière. »

En Slovaquie, la cause exacte de la mort de Sádecký n’a pas encore été divulguée.

Autre drame

Après avoir appris la nouvelle concernant leur coéquipier, les joueurs des Capitals ont organisé une rencontre d’équipe afin de décider de ce qu’ils allaient faire pour lui rendre hommage. Mais le directeur général, Dušan Pašek Jr., ne s’y est pas présenté.

« On le cherchait, se souvient Marc-Olivier Roy. On regardait sur WhatsApp et il n’était pas connecté depuis environ six heures. Il y a quelqu’un de l’équipe qui l’a appelé et il ne répondait pas. »

Roy habite juste en face de chez son directeur général, avec qui il avait une belle relation depuis son arrivée en Slovaquie au mois d’août. Derrière leurs appartements, il y a une colline avec une tour. Le véhicule du DG a été trouvé à cet endroit.

« [Les autorités] ont fait des recherches, dit-il. On pensait qu’il était peut-être allé décompresser, marcher dans le bois, près du lac derrière. On ne pensait pas à ça. »

Le lendemain, l’attaquant a reçu la nouvelle par texto : Pašek, 36 ans, avait mis fin à ses jours. Ce fut un autre choc pour l’équipe, déjà en deuil.

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Dušan Pašek, directeur général des Capitals de Bratislava

Depuis la mort de son DG, le Québécois de 27 ans ne cesse de se poser des questions.

« Dušan, ça faisait quatre mois que je le côtoyais, raconte-t-il. J’allais souper au restaurant à Bratislava et il était tout le temps là. Il venait nous voir, il avait l’air heureux. Il avait tout dans la vie : les grosses autos, l’appartement. Il n’a pas de famille. C’est peut-être ça qui lui manquait, je ne sais pas. »

Il faut comprendre que Dušan faisait tout ici. Ce n’était pas juste un directeur général, il s’occupait de tout. […] On se dit que peut-être qu’il travaillait trop, qu’il en avait trop.

Marc-Olivier Roy

Devant l’aréna, à Bratislava, les joueurs et les partisans ont déposé des photos, des bougies et des chandails de l’équipe à la mémoire de Boris Sádecký et de Dušan Pašek Jr.

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Devant l’aréna, à Bratislava, les joueurs et les partisans ont déposé des photos, des bougies et des chandails de l’équipe à la mémoire de Boris Sádecký et de Dušan Pašek Jr.

« Chaque soir, quand je passe là, il y a du monde qui va allumer [des bougies] et ajouter [des objets], dit-il. Dušan était connu partout en Slovaquie. C’est comme une légende ici, dans le hockey. Son père était connu, lui aussi. »

Le père de Dušan Pašek Jr. a également mis fin à ses jours, en 1998, à l’âge de 37 ans.

Saison annulée

Le 8 novembre, le propriétaire des Capitals de Bratislava a rencontré les joueurs et les médias afin d’annoncer la fermeture du club pour le reste de la saison.

« Il compare ça à la tragédie de l’avion qui s’est écrasé en Russie, explique Marc-Olivier Roy. Il y a moins de morts, mais deux morts dans une équipe, c’est une tragédie. Il dit qu’en tant que docteur, c’était inconcevable [pour lui] de nous laisser jouer dans cet environnement-là. »

Le Québécois, de son côté, se porte bien. Il est toujours en Slovaquie avec sa conjointe et sa petite fille de 10 mois, mais il se prépare à déménager en Finlande, alors qu’il a signé un contrat de deux ans avec le SaiPa de Lappeenranta.

« Ç’a été dur, mais on essaie d’avancer, laisse-t-il entendre. Avec ma nouvelle opportunité, je vais essayer de recommencer à zéro et d’oublier ça, mais en gardant [Boris et Dušan] dans mon cœur. »

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, appelez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Marc-Olivier Roy

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Marc-Olivier Roy

Natif de Boisbriand, Marc-Olivier Roy a connu un long parcours dans le hockey professionnel au Québec. Choix de deuxième tour des Oilers d’Edmonton en 2013, il a passé les six dernières années entre la Ligue américaine et l’ECHL. Il a notamment évolué pour le Rocket de Laval le temps de 10 matchs en 2018-2019. L’année dernière, il a remporté la Kelly Cup avec les Komets de Fort Wayne, dans l’ECHL. Puis, l’été dernier, il a décidé d’accepter l’offre des Capitals de Bratislava, en Slovaquie. « [Dušan Pašek] m’avait appelé pour me dire qu’il était intéressé, raconte-t-il. La Ligue d’Autriche, c’est quand même très reconnu ici. J’ai vu l’opportunité et j’étais tanné un peu de jouer dans l’ECHL et la Ligue américaine. Il y avait beaucoup de voyagement. Avec la famille, je voulais venir en Europe pour voyager. Les salaires sont beaucoup plus compétitifs ici, ce n’est pas comparable. Il y a plein de côtés positifs. »