Erik Cernak accepte la passe de Brayden Point dans sa zone et décampe avec la rondelle. En plein centre de la glace, il remet le disque à Ondrej Palat et poursuit sa course à pleine vitesse en zone adverse, échappant à la couverture des attaquants du Canadien en repli. Palat décoche un tir, Cernak étend son bâton. Déviation et but.

Comme l’a souligné son coéquipier Victor Hedman, on aurait pu prendre Erik Cernak pour un attaquant de puissance, lundi soir, lorsqu’il a ouvert la marque dans le premier match de la finale de la Coupe Stanley. Ce qui n’arrive pas souvent à un défenseur de 6 pi 3 po et 230 lb qui n’a marqué que cinq buts à chacune de ses trois premières saisons dans la LNH.

Cette séquence de Cernak ne résume évidemment pas le joueur qu’il est. Mais le fait qu’il se soit permis cette incursion – avec autant de succès – illustre, d’une certaine façon, cette capacité qu’a le Lightning de Tampa Bay de former ses défenseurs et, par extension, son escouade défensive.

Le nom de Cernak n’a ouvert aucun bulletin de nouvelles lorsque le Lightning l’a acquis des Kings de Los Angeles en février 2017. Il faisait partie d’un assemblage de joueurs et de choix au repêchage qui a pris le chemin de la Floride lorsque le gardien Ben Bishop faisait la route inverse. Quatre ans plus tard, le Slovaque est devenu un incontournable de la défense du Lightning.

« Il a fait d’énormes progrès cette année, a souligné son coéquipier Ryan McDonagh. Il a compris qu’il pouvait faire des jeux [comme celui de lundi]. C’est un bon patineur, doté d’une bonne vision et d’un bon tir. »

Grandir ensemble

La défense du Lightning a, sur papier du moins, tous les attributs dont peut rêver un entraîneur. D’abord, le gabarit : les joueurs du top 6 mesurent de 6 pi 1 po (McDonagh) à 6 pi 6 po (Hedman), et trois d’entre eux (Cernak, Hedman et David Savard) pèsent 230 livres ou plus. Ensuite, la mobilité. Enfin (et surtout), un mélange quasi parfait d’habiletés offensives et défensives.

Même les plus effacés du groupe, comme Jan Rutta et David Savard, ont régulièrement joué plus de 15 minutes au cours des présentes séries éliminatoires.

Cinq des six principaux défenseurs qui prennent part à la finale dans le camp du Lightning ont remporté la Coupe Stanley l’an dernier ; seul Savard a été acquis à la date limite des transactions, en avril dernier. Cernak et Rutta en sont à leur troisième saison dans la baie de Tampa, Sergachev et McDonagh, à leur quatrième. Et Hedman, grande vedette de l’escouade, conclut sa 12année avec l’équipe qui l’a repêché.

Ce groupe, a rappelé l’entraîneur-chef Jon Cooper, mardi matin, a « grandi ensemble ». Et malgré toutes ses qualités, il trouve son succès, selon lui, dans la simplicité.

« On ne joue plus avec la seule volonté de donner le meilleur spectacle et de marquer le plus de buts possible, a expliqué Cooper. On a essayé d’enlever le risque de notre jeu en se concentrant sur la défense d’abord. On veut sortir efficacement la rondelle de notre zone pour générer de l’attaque, plutôt que de penser à l’attaque d’abord en laissant notre gardien faire tous les arrêts. »

Le vétéran Ryan McDonagh a abondé dans le même sens en énumérant les éléments que les défenseurs ont mis en priorité : « Notre jeu avec la rondelle, notre prise de décision, notre compréhension du bon moment pour faire un jeu ou pas, prioriser des jeux à haut pourcentage de succès… »

« Si le jeu est là, on a les habiletés pour le faire, mais s’il n’y est pas, on ne force rien. »

L’ascension de Sergachev

Celui qui incarne peut-être le mieux à cette évolution du Lightning en défense, c’est Mikhail Sergachev.

PHOTO PHELAN EBENHACK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Mikhail Sergachev et Brendan Gallagher

Celui-ci venait tout juste d’avoir 19 ans lorsque le Lightning l’a acquis du Canadien en échange de Jonathan Drouin, au cours de l’été 2017. Selon Jon Cooper, c’est pratiquement tout son jeu défensif qu’on a dû passer en revue.

« Dans le junior, il jouait plus de 30 minutes par match et faisait des présences de 2 minutes et demie parce qu’il en était capable. Mais il avait beaucoup de choses à apprendre. Il tenait souvent son bâton à une seule main, et ça nuisait à son jeu en défense. Il devait mieux utiliser son gabarit. Ça a pris du temps. »

On voulait le voir jouer « comme un homme », en somme, et non plus comme un adolescent. Le chantier a duré deux ans, selon Cooper, qui salue aujourd’hui à quel point Sergachev, 23 ans, tire de la « fierté » de son jeu défensif. À ce sujet, l’entraîneur a évoqué la « clinique de tirs bloqués » qu’il a donnée dans les 30 dernières secondes du dernier match de la série entre le Lightning et les Islanders de New York.

Il revient de loin. Tout le mérite lui revient. Il y a des gars qui veulent faire à leur manière, mais Sergachev a voulu devenir un joueur complet. C’était beau de le voir travailler. Il est promis à un brillant avenir.

Jon Cooper, entraîneur-chef du Lightning

Le Russe, on le devine, a du même coup gagné la confiance de ses camarades au sein de cette défense tricotée serré. Et c’est là une autre clé derrière les accomplissements de ce groupe.

« On a tous différents rôles, mais on se fait totalement confiance, a résumé Victor Hedman. Même David Savard, qui est arrivé sur le tard, a trouvé sa place dans ce qu’on veut accomplir, comme l’ont fait Zach Bogosian et Kevin Shattenkirk l’an passé. On a le même état d’esprit, on aide son partenaire s’il est dans le pétrin. Ça crée un effet d’entraînement qu’il est plaisant de suivre. »

On doute toutefois que les attaquants du Canadien, limités à 19 tirs lundi, partagent ce plaisir contagieux.

Killorn « au jour le jour »

Alex Killorn représente un cas incertain pour le deuxième match de la série. En deuxième période du match de lundi, l’attaquant a reçu un puissant tir de Jeff Petry directement sur la cheville. Il a péniblement regagné le banc, où on l’a vu longuement grimacer. Il n’a fait qu’une seule présence au dernier vingt. Killorn n’a pas participé à l’entraînement optionnel de son équipe mardi, et son entraîneur a indiqué que c’était « dur à dire » s’il serait en état de jouer le match numéro 2. Il a ajouté s’attendre à un retour à l’action « d’un jour à l’autre », sans fournir de détail additionnel.