Parfois, la victoire coûte cher. Pour Frédérick Gaudreau, la victoire a coûté carrément sa place dans la formation des Predators de Nashville.

Quand est venu le temps de penser aux séries, le directeur général David Poile n'est pas resté les bras croisés. Il a fait exactement ce qu'a fait Marc Bergevin quelques jours plus tard. Le 6 février, Poile est allé chercher Cody McLeod et Brian Boyle pour ajouter de la profondeur, et du coffre, à son groupe.

Gaudreau n'a plus joué depuis. Il a raté hier, face aux Red Wings de Detroit, un quatrième match de suite.

Pourtant, le Québécois n'y voit rien d'autre que le plus récent obstacle d'un parcours qui n'a jamais été simple. Gaudreau n'est pas le genre de joueur qui reçoit des faveurs. Il n'est pas le genre à en demander non plus.

On s'entend, Gaudreau était au bas de la formation des Predators. La victime logique de cet influx de sang neuf. C'est un joueur de quatrième trio, spécialisé dans les présences énergiques, dont les statistiques brillent peu. Seulement 3 buts et 1 aide en 44 matchs cette saison, à peine 9 minutes sur la glace par match. Mais il jouait, presque tous les soirs.

A-t-il trouvé difficile de se mettre de côté pour le bien de l'équipe?

«Ça fait trois ans que j'ai commencé dans la LNH. Je comprends comment ça marche. Si tu commences à te dire que c'est difficile, si tu accordes de l'énergie à ça, c'est pire. Tu vas te réveiller le matin et au lieu de venir à l'aréna faire ta job, tu vas commencer à trop réfléchir. Tu vas penser à des choses inutiles. Il y a des fois où ça m'arrive, mais je prends un pas de recul et j'arrête. Je me dis: "Voyons, tout ce que tu as à faire, c'est de donner ton maximum." Le reste est hors de mon contrôle.»

Gaudreau s'est toujours refusé à voir des signes avant-coureurs des changements à venir cette saison. Il refusait carrément d'y porter attention, pour ne pas perdre sa concentration. Et quand il a appris qu'il aurait de nouveaux coéquipiers, il ne s'est pas apitoyé sur son sort.

Il s'est plutôt réjoui de revoir McLeod, un joueur qu'il avait appris à connaître il y a deux ans à Nashville. Un vrai, un «maudit» bon gars, en dira-t-il. Pour Boyle, dont le courage pour vaincre la leucémie est connu de tous, il ne ressent que du respect.

«Tu peux tellement commencer à essayer de lire les signes partout, mais ça ne sert à rien. Je fais ce que j'ai à faire. Le reste, c'est de la business. Ils prennent les décisions pour l'organisation et je n'ai aucun contrôle là-dessus. Plus encore, je ne veux mettre aucune énergie là-dessus. Ça ne sert à rien.»

La tête haute

Frédérick Gaudreau est de ces joueurs que les épreuves ont rendus très humbles. Par exemple, le représentant de La Presse est arrivé une heure en retard à l'entraînement matinal des Predators. Ce sont les aléas du transport aérien, surtout quand il y a une tempête de neige.

Plusieurs auraient quitté les lieux. Pourtant, Gaudreau a patienté à l'aréna pour faire l'entrevue. Il s'est même excusé de nous avoir fait attendre quelques minutes puisqu'il était retenu ailleurs. Chapeau.

Son histoire de résilience gagne à être connue. Gaudreau a passé deux ans dans la Ligue américaine, plongeant même jusqu'à la ECHL à un certain moment. Il a ensuite fait la navette deux autres années entre la LNH et la Ligue américaine. Il a d'ailleurs été rétrogradé la saison dernière, même après être devenu un héros instantané lors des séries 2017 avec deux buts gagnants contre les Penguins de Pittsburgh en finale de la Coupe Stanley.

«Si mon parcours était plus typique, par exemple celui d'un choix de première ronde ou de gars qui ont des opportunités plus tôt, je n'aurais pas acquis ce vécu. Je ne changerais rien de mon parcours. Je suis content de passer par ces choses-là. C'est grâce à ça que j'ai adopté cet état d'esprit. Que je mets mon énergie à la bonne place. Si tout est facile tout au long de ta carrière, quand tu vis de l'adversité, tu ne sais pas comment réagir.»

Reste que tout est à refaire pour Gaudreau. À court terme, il doit essayer de retrouver sa place dans la formation. À moyen terme, il doit démontrer sa valeur à son entraîneur et à son DG.

Exactement comme devront le faire certains joueurs du Canadien de Montréal...

«Ce que j'ai à apprendre de cette année est que j'évolue malgré tout. Je pense que je suis un meilleur joueur que je l'étais et je continue de m'améliorer. C'est tout ce qui est important. Les opportunités arriveront quand elles arriveront. Tout ce que je peux contrôler est de me dire qu'aujourd'hui, je dois être meilleur qu'hier et que demain, je devrai être meilleur qu'aujourd'hui.»