(Boston) Une réalité frappe en parcourant les rues à proximité du TD Garden avant le cinquième match de la finale de la Coupe Stanley.

Le chandail le plus populaire sur le dos des nombreux fans des Bruins n’est pas celui de Zdeno Chara. Ni celui de Tuukka Rask. Il n’y a pas tant de chandails de Brad Marchand. Le plus populaire, de loin, demeure celui de Patrice Bergeron.

Il ne s’agit évidemment pas d’un calcul très scientifique, mais à Boston, environ deux ou trois fans sur cinq portent le chandail du Québécois.

Bergeron, 33 ans, demeure un homme discret et il dégage beaucoup d’humilité. On ne devine pas son degré de popularité dans le Massachusetts à moins d’y être.

En 15 ans de carrière, Bergeron n’a pourtant jamais atteint la marque des 80 points. Il n’a jamais marqué plus de 32 buts par saison. Ce centre de L’Ancienne-Lorette n’a pas un style de jeu si spectaculaire.

Il figure encore loin derrière les meilleurs compteurs de tous les temps chez les Bruins. Raymond Bourque totalise 1506 points, Johnny Bucyk 1339. Bergeron vient au sixième rang avec 813 points en 1028 matchs.

Patrice Bergeron possède un tel statut à Boston parce qu’il incarne des valeurs si chères aux partisans des Bruins: l’humilité, justement, l’efficacité, l’abnégation, le courage et le leadership.

Les Bruins feront face à l'élimination dimanche à St. Louis. Bergeron a rappelé aux journalistes après le match d'hier que son équipe avait déjà été placée dans une telle situation et qu'ils allaient mettre à profit leur expérience. Voilà les paroles d'un leader rassurant.

On croyait sa carrière terminée il y a quelques années en raison d’une commotion cérébrale. La mise en échec par derrière qu’il a reçue de Randy Jones aurait pu le laisser paraplégique. Il a raté presque une saison complète. Finalement, des spécialistes ont résolu le problème avec des traitements au niveau des vertèbres cervicales.

Bergeron a remporté une Coupe Stanley par la suite, atteint la finale une autre fois, gagné quatre trophées Selke remis à l’attaquant défensif par excellence dans la Ligue nationale et deux médailles d’or olympique à la droite d’un trio avec Sidney Crosby.

J’ai raconté récemment l’histoire derrière son repêchage par les Bruins en 2003. Avec le Titan d’Acadie-Bathurst, situé un peu trop loin géographiquement pour plusieurs recruteurs à l’époque, Bergeron pratiquait le même style de jeu efficace, mais discret, qui a pu échapper aux regards moins avertis.

Quarante-quatre joueurs ont été choisis avant lui. Douze ont joué moins de 100 matchs dans la LNH. Les Bruins étaient tellement sûrs que les autres organisations ne l’avaient pas remarqué qu’ils se sont permis de repêcher le défenseur Mark Stuart en première ronde.

PHOTO DAVE SANDFORD, ARCHIVES GETTY IMAGES

Cory Urquhart

Quatre rangs avant Bergeron, le Canadien a choisi l’attaquant Cory Urquhart. Il jouait dans leur cour avec le Rocket de Montréal et venait de connaître de sensationnelles séries éliminatoires. Urquhart n’a jamais atteint la Ligue nationale. Il a eu peine à s’accrocher à la Ligue américaine.

Pittsburgh, la Caroline, Tampa (deux fois), Nashville, Dallas, Calgary, New Jersey, San Jose et Los Angeles ont repêché en deuxième ronde avant Bergeron des joueurs qui n'ont jamais pu s'établir dans la LNH.

Quel type de carrière aurait connu Patrice Bergeron s’il avait été repêché par le Canadien? Aurait-il atteint la LNH à 18 ans? Lui aurait-on laissé être lui-même et grandir à son rythme? Autant de questions sans réponses.

Mais de telles hypothèses demeurent superflues. Patrice Bergeron est devenu un géant à Boston. Il y a de quoi être fier.

*Pour en savoir encore davantage sur cet athlète exceptionnel je vous propose ce texte.

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