Il y a plusieurs semaines, Ales Hemsky a quitté Montréal un peu comme il était arrivé: sans faire de bruit. Incognito, presque. Il est parti comme un voyageur de passage quitte une ville anonyme, qu'il n'a pas vraiment appris à connaître. Il est parti sans regarder derrière, en silence, et avec le goût amer du regret en bouche.

Ales Hemsky était venu ici pour jouer au hockey il y a un an, et au bout du compte, ce n'est pas vraiment ce qu'il a fait. Il a bel et bien joué, c'est sûr, mais pas très souvent: seulement sept matchs dans le chandail du Canadien, dont celui du 20 octobre 2017 à Anaheim contre les Ducks. Ce fut son dernier, lui qui avait signé un contrat d'un an à 1 million de dollars en juillet.

Inutile de lui demander ce qui s'est passé sur la glace à Anaheim ce soir-là. Il ne s'en souvient plus trop. Il se rappelle que quelqu'un l'a frappé, peut-être Corey Perry, peut-être Josh Manson. Hemsky avait déjà subi des commotions cérébrales par le passé («quelques-unes», selon sa propre estimation), mais rien comme celle-là, qui allait le pousser vers un rôle de spectateur pour le reste de la saison... et aussi vers la sortie, ultérieurement.

C'est dommage, tragique même, mais la suite de son histoire n'est pas singulière. Après Anaheim, il y a eu les maux de tête, les sautes d'humeur, la déprime, comme c'est presque toujours le cas pour les victimes de commotion cérébrale. Au cours des longs mois d'hiver, on le voyait parfois passer en vitesse devant son casier à Brossard, en train de saisir une serviette après un autre long entraînement dans le gymnase. Il souhaitait revenir au plus vite. Il n'est pas revenu.

La saison s'est conclue, et le Canadien, sans surprise, a choisi de ne pas le ramener pour la saison qui s'en vient.

«J'ai été blessé l'an passé, mais j'ai aussi été très déçu, lance-t-il au bout du fil. Parce que je ne pouvais pas aider l'équipe. J'étais là toute la saison, je travaillais avec le personnel médical, avec les soigneurs, les thérapeutes et les docteurs, et pendant tout ce temps, c'était très difficile pour tout le monde parce que l'équipe ne faisait que perdre...»

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On attrape Hemsky sur son portable à Dallas lors d'une autre de ses journées bien remplies. Il explique qu'il a repris l'entraînement pendant l'été avec les joueurs des Stars, ses coéquipiers pendant trois saisons, de 2014 à 2017. Il explique que tout va très bien, que tous les symptômes de commotion cérébrale ont disparu.

Est-ce qu'il vise un retour dans la Ligue nationale de hockey cette saison? Il hésite un peu avant de répondre.

«Il faut d'abord voir si quelqu'un voudra bien me donner une chance... En ce moment, c'est très dur à dire. J'ai été blessé, je n'ai pas beaucoup joué la saison dernière avec le Canadien. Mais je ne suis pas si pressé...»

Il a discuté de ses options avec son agent tout récemment, et il le reconnaît sans problème: les équipes de la LNH ne se bousculent pas pour des gars comme lui, des gars de 35 ans qui ont un passé qui comprend peut-être un peu trop de commotions cérébrales.

«Je n'ai pas reçu d'offre de contrat et je ne sais pas trop quelles sont mes options en ce moment... mais j'ai très hâte que la saison commence. Je ne sais pas. Peut-être que je pourrais retourner jouer en Europe s'il ne se passe rien ici? Je peux aller jouer dans la ligue tchèque si ça me tente, je me suis entraîné avec le club de ma ville natale [Pardubice] pendant l'été.»

Mais il n'y a pas que le hockey dans la vie, et au fond, cette réalité lui convient très bien. Car il peut enfin se remettre à vivre une vie de famille normale, loin des maux de tête et des combats quotidiens contre la dépression.

«Je ne ressens plus de fatigue, les problèmes ont disparu. Je sens que je suis redevenu moi-même depuis les deux derniers mois. Est-ce que je vais continuer à jouer au hockey, est-ce que je vais prendre ma retraite? Je suis encore en train d'hésiter. Mais je me sens bien. Je patine avec les joueurs des Stars, et je peux faire tout ce qu'ils peuvent faire...»

Sur ce, il doit raccrocher, dit-il, parce qu'il arrive à la maison, et qu'il y a une femme et un tout petit garçon qui l'attendent. Le reverra-t-on un jour sur la glace? C'est dur à dire. Mais il y a des victoires qui comptent parfois plus que d'autres, et Ales Hemsky peut maintenant mener une vie normale. C'est probablement sa plus grande victoire depuis très longtemps.