Danielle Goyette a eu les meilleurs sièges pour voir l'évolution du hockey féminin.

Elle était là aux Championnats du monde de 1992, les deuxièmes de l'histoire, où elle a gagné l'or. Elle était là aux premiers Jeux olympiques, en 1998, à Nagano.

Goyette, qui sera intronisée au Temple de la renommée du hockey lundi, a été de tous les grands événements jusqu'à sa retraite comme joueuse, en 2008. Au passage, elle a écrit tout un chapitre de l'histoire de son sport: 3 médailles olympiques, dont 2 d'or (2002 et 2006), 8 titres mondiaux, 113 buts et 108 aides en 171 matchs pour le Canada.

Puis, elle a fait sa marque comme entraîneuse, pour la sélection canadienne, mais aussi pour les Dinos de l'Université de Calgary, qu'elle a menés aux grands honneurs en 2012.

C'est à son bureau de Calgary que La Presse l'a jointe après lui avoir envoyé les hommages spontanés de quatre joueuses actuelles des Canadiennes de Montréal. Des témoignages qui lui ont fait chaud au coeur.

«Je m'attendais à des joueuses avec lesquelles j'ai joué. Mais non. C'étaient des filles que j'ai seulement un peu côtoyées. [...] Le fait que je vienne du Québec, qu'elles m'aient vue à la télévision, ça leur a donné le goût de continuer. Ça m'a beaucoup touchée.»

« En tant qu'être humain, si tu as la chance d'influencer ne serait-ce qu'une ou deux personnes, c'est grandiose. Je vois ces jeunes filles-là, je les ai fait rêver. Pas juste moi, toute l'équipe nationale aussi.»

Pour entrer au Temple de la renommée du hockey, il faut avoir marqué son époque. La plupart des joueuses des Canadiennes rencontrées avouent que c'est le brio de Danielle Goyette aux Jeux de Nagano qui a éveillé en elles l'amour du sport. Pour la principale intéressée, c'est plutôt des Jeux suivants, en 2002, qu'elle préfère se souvenir.

«Quand on pense à 1998, on dominait le hockey féminin. On était fortes, on gagnait les championnats mondiaux, mais on a perdu en finale. Ç'a été une leçon difficile pour moi de revenir avec la médaille d'argent. Au Canada, le hockey est une religion. On prend ça à coeur. En 2002, on a eu la chance de se reprendre. Battre les États-Unis en finale, aux États-Unis, c'était encore plus spécial.»



Penser à la suite

Danielle Goyette a marqué son sport par ses résultats, la preuve n'est plus à faire. Mais elle a aussi frappé l'imaginaire par son ardeur au travail. Jogging, travail inlassable en gymnase, peu de joueuses étaient plus en forme qu'elle à l'époque.

Quand elle compare le hockey féminin d'aujourd'hui à celui d'autrefois, elle note deux améliorations majeures: la vitesse du jeu et la force physique des joueuses.

«Tu vois la différence quand les joueuses de l'équipe nationale affrontent les joueurs de midget AAA à Calgary. Ce n'est plus juste la finesse du jeu. Les filles sont capables de jouer plus robuste avec les gars. Quand tu fais affaire avec des gars de 6 pi, tu dois être capable de prendre des coups et d'aller te battre le long de la bande. C'est la grosse différence, c'est de toute beauté de voir ça.» 

Prochaine étape, selon elle: développer des lancers plus puissants. Mais surtout, Goyette offre un vibrant plaidoyer sur l'avenir de son sport. Elle ne comprend pas que les deux ligues majeures, la Ligue canadienne de hockey féminin à 7 équipes et la Ligue nationale de hockey féminin à 4 équipes, ne soient pas en mesure de faire front commun.

Avec pour objectif, bien sûr, que les meilleures joueuses au monde puissent vivre de leur sport. Et surtout, qu'elles puissent s'entraîner à temps plein pour faire progresser le hockey féminin plutôt que de cumuler les boulots pour payer les factures.

«On ne demande pas des salaires de 1 million. On veut bien vivre. Mais ça prend un bon produit sur la glace pour avoir les commanditaires, pour attirer les diffuseurs. Les deux ligues, je ne trouve pas ça intelligent. Au lieu de travailler ensemble pour développer le produit et avoir plusieurs équipes de bon calibre, maintenant, il y a deux ligues qui ne travaillent pas ensemble. On est à l'étape de travailler ensemble pour développer le hockey féminin. Il faut mettre tous les efforts au même endroit et proposer le meilleur produit sur la glace.»

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Photo Paul Chiasson, Archives La Presse canadienne

Danielle Goyette a été de tous les grands événements jusqu'à sa retraite comme joueuse, en 2008.

Danielle Goyette vue par...

Karell Émard, 29 ans, entraîneuse pour les Stingers et joueuse pour les Canadiennes

«Danielle est l'une des raisons principales pour lesquelles nous, les filles, on a décidé de continuer à jouer au hockey. Ce qu'elle a accompli est exceptionnel. Aux premiers Jeux olympiques, en 1998, peut-être que le résultat n'a pas été celui qu'elle espérait, mais elle a été la seule à marquer pour le Canada en finale. En regardant ça à la télévision, j'étais toute petite, mais je me suis dit qu'un jour j'allais moi aussi porter le chandail national. Je me souviens de m'être tournée vers mon père et de le lui avoir dit. Danielle a été l'une des pionnières de notre sport, et sans elle, le hockey féminin ne serait pas là où il est. Grâce à elle, j'ai su me développer comme joueuse, mais aussi comme entraîneuse. Le Temple de la renommée est chanceux de l'avoir parmi ses membres.»

Emmanuelle Blais, 30 ans, joueuse des Canadiennes et athlète en CrossFit

«Les Jeux de Nagano m'ont convaincue que c'était ce que je voulais faire. Avant, je jouais au hockey avec mon père, mon frère, mon cousin, mais ça ne me semblait pas vraiment accessible. Mais après avoir côtoyé France Saint-Louis et Danielle, après avoir regardé leurs tournois à la télévision, après les avoir vues à l'aréna Maurice-Richard quand j'étais plus jeune, j'ai eu un rêve. De savoir qu'il y avait la possibilité de jouer avec des femmes, ça a changé mes objectifs et ma vision du sport. C'est ce qu'on essaie de faire avec les Canadiennes. Quand j'étais enfant, je rêvais de jouer pour les Canadiens de Montréal. Maintenant, on veut que les petites filles rêvent de devenir des Kim Saint-Pierre, des Charline Labonté ou des Marie-Philip Poulin.»

Noémie Marin, 33 ans, joueuse des Canadiennes et entraîneuse de l'équipe nationale de développement

«Danielle Goyette vient de Saint-Nazaire, je viens d'Acton Vale. Ce sont deux villes proches l'une de l'autre. En grandissant, Danielle était toujours le nom qu'on voyait dans le journal de la ville, avec ses exploits, ses médailles. Danielle Goyette, c'était le rêve. J'en entendais même parler à la balle molle. Elle jouait aussi à la balle molle. L'homme avec qui je m'entraînais, que l'on surnommait "le Doune", me parlait toujours de Danielle. Il me disait qu'elle était une superbe athlète. Un jour, elle est venue faire un entraînement à l'aréna de ma ville. Le Doune m'avait présentée à elle. Probablement qu'elle ne s'en souvient pas, mais moi, je m'en souviens. Elle s'en allait sur la glace. Juste de la voir, de constater dans quelle forme physique elle était, je me suis rendu compte de ce que je devais faire pour me rendre aussi loin.»

Sarah Lefort, 23 ans, joueuse des Canadiennes et diplômée de Boston University

«C'est une légende du hockey féminin, bien avant les Caroline Ouellette, les Marie-Philip Poulin. La première fois que je me rappelle l'avoir vue jouer, c'était aux Jeux olympiques de 2002. Je la cherchais sur la glace. Elle était une joueuse incroyable. J'ai côtoyé Danielle dans un de mes premiers camps séniors à Calgary, en 2013 ou en 2014. Je me rappelle de notre rencontre, quand elle nous a dit: "Bonjour je suis Danielle Goyette, j'ai joué pendant 16 ans avec l'équipe nationale." Pour nous, d'avoir une joueuse de ce calibre qui nous entraînait, c'était prestigieux. Tu écoutes tout ce qu'elle a à dire.»