« Je ne veux pas me souvenir de ce qui s'est passé la saison dernière... »

Voilà, le ton est donné. L'entrevue n'est même pas commencée depuis 30 secondes, et déjà, Alexander Semin semble mal à l'aise. Assis près de son casier au centre d'entraînement de Brossard, l'attaquant se tortille en retirant du ruban athlétique, tire nerveusement sur les lacets de ses patins, se passe les mains sur le visage et parle en fixant les yeux sur le tapis.

C'est une question concernant sa saison 2014-2015, sa troisième chez les Hurricanes et de loin la pire de sa carrière, qui le met dans cet état. De toute évidence, Alexander Semin n'a pas beaucoup de bons souvenirs de la Caroline.

On peut le comprendre d'avoir hâte au 7 octobre, jour de match d'ouverture à Toronto. Comment pourrait-il en être autrement ? Quand un joueur comme lui tente de se remettre d'une saison de 19 points en 57 matchs, l'attente d'un nouveau départ devient insoutenable. Semin n'est pas le plus naturel devant les caméras et il n'est pas non plus le plus volubile. Mais il sait quoi faire avec la rondelle, et c'est pourquoi le Canadien a choisi de lui donner une chance cet été, en lui tendant un contrat d'une saison, pour 1,1 million de dollars.

Cette somme peut paraître très modeste en comparaison avec son contrat précédent avec les Hurricanes (cinq ans et 35 millions de dollars !). Mais pour Semin, les choix ne sont plus si nombreux.

C'est que le joueur de 31 ans n'a pas la meilleure des réputations. « Pas un bon coéquipier », a jadis affirmé l'analyste Pierre McGuire sur les ondes de TSN. « Le joueur le plus paresseux et le moins motivé », a écrit l'ancien joueur Matthew Barnaby sur son compte Twitter cet été. Plus récemment, Don Waddell, le président des Hurricanes, résumait le rachat de son contrat en ces mots au quotidien The News & Observer : « On lui a donné 14 millions de dollars pour qu'il disparaisse. »

Et maintenant, il doit oublier tout ça, effacer sa mauvaise réputation comme par magie, et tenter de redevenir celui qu'il a déjà été. « D'un point de vue personnel, c'est une saison très importante pour moi », admet-il calmement.

L'ANNÉE DES 84 POINTS

Pour bien comprendre Alexander Semin, il faut sans doute remonter dans le temps. Se rappeler qu'il est arrivé d'un coin inconnu de la Russie (Krasnoïarsk, plus précisément), qu'il a été repêché au premier rang en 2002 par les Capitals de Washington, 13e joueur à être choisi ce jour-là, derrière Rick Nash, Jay Bouwmeester et autres Ryan Whitney.

Chez les Capitals, Semin ne met pas de temps à se faire remarquer. À sa deuxième saison, en 2006-2007, il inscrit 73 points en 77 matchs, et c'est le début d'un temps heureux pour lui, qui culmine avec une saison de 84 points en 73 matchs, en 2009-2010.

Il sourit timidement quand on lui rappelle cet exploit.

« Ça fait longtemps de ça... Le hockey est différent maintenant. Les gardiens sont devenus énormes, les joueurs sont tous meilleurs. L'an passé, le meilleur marqueur de la ligue a eu 89 points, je pense [87 points]. Moi, cette saison-là à Washington, j'ai eu 84 points. C'est différent. »

Mais c'est bel et bien ce Semin-là que le Canadien souhaite revoir. Le Semin qui était capable de changer un match à lui seul, qui pouvait (peut ?) tout faire avec la rondelle.

Est-ce que ce Semin-là existe encore ? Le principal intéressé hausse un peu les épaules. « Il faut que je tire plus souvent. J'aime passer la rondelle, mais je dois tirer plus souvent. J'avais cinq ou six tirs par match lors de cette saison-là à Washington, et c'est pourquoi je marquais. On verra ce qui va arriver ici. J'aime jouer avec ces deux gars-là [Lars Eller et Alex Galchenyuk], assurément.

« Ce n'est pas ma première saison dans cette ligue. Je sais très bien ce que le hockey représente pour cette ville, je sais que les fans sont fous du hockey ici, je sais qu'il y a une grosse présence médiatique. Mais ce n'est rien de neuf pour moi ; je suis ici pour faire un travail. »

Dans les cercles du hockey, Alexander Semin demeure un cas particulier. Une énigme. À sa 11e saison, il demeure ce type effacé, mystérieux, que bien peu de gens savent comprendre. Est-il vraiment un « mauvais coéquipier », est-il vraiment « le plus paresseux et le moins motivé » ? Ou bien est-il le sauveur offensif que le Canadien recherche désespérément ?

On aura les réponses très bientôt.