Malgré la mort de Steve Montador, la Ligue nationale de hockey progresse dans le traitement des commotions cérébrales et de la dépression.

C'est du moins l'opinion de l'ancien hockeyeur Mathieu Darche, qui a bien connu Montador.

«Quand j'ai voulu revenir au jeu à la suite de ma dernière commotion cérébrale, il y a quelques années, le Canadien me l'a interdit parce que je n'avais pas réussi l'examen [cognitif] de base, a confié Darche à La Presse, hier. Il y a eu beaucoup de sensibilisation et d'efforts mis de l'avant ces dernières années.

«L'Association des joueurs offre aussi de nombreux programmes pour ceux qui souffrent de dépression ou vivent des problèmes d'alcool ou de drogues, a ajouté Darche. Il y a aussi l'éducation qui peut aider, et ça commence avant la carrière. C'est pour ça que je pousse pour que le hockey s'associe davantage aux écoles.»

Au fil de sa carrière, l'ancien attaquant du CH a souvent croisé Montador, dont la cause de la mort n'a pas encore été divulguée, à la demande de la famille.

«Nous avions le même agent, Steve Kasper, et nous étions probablement ses deux seuls clients dans la LNH. On se saluait toujours quand on se croisait, on a fait un camp ensemble à Buffalo et on a travaillé ensemble pendant le lockout. Je lui avais parlé de ma commotion et lui de la sienne, qui ne voulait pas guérir. C'était un gars toujours jovial et souriant, mais parfois, ça cache quelque chose. On n'a pas annoncé la nature de son décès, mais on sait qu'il souffrait de dépression à cause de ses nombreuses commotions et on a tendance à faire le lien avec les autres anciens joueurs qui se sont suicidés après avoir vécu les mêmes choses.»

Pas du même avis

Tous ne sont pas du même avis que Mathieu Darche. «Malheureusement, ce type de nouvelle ne me surprend plus guère, si on fait le décompte avec la NFL et la Ligue nationale de hockey», a confié hier le neuropsychologue québécois Louis De Beaumont.

«C'est un phénomène de plus en plus fréquent, désormais, après la retraite sportive. La dépression peut s'installer en raison du vide ressenti après la fin d'une carrière, et aussi à cause des dommages au cerveau provoqués par les commotions cérébrales, qui ont un lien direct avec la dépression. Je trouve qu'il n'y a toujours pas assez de législation pour améliorer la pratique du sport. Il n'y a pas eu de changement assez drastique à ce jour. On n'en a pas assez non plus pour mieux accompagner les joueurs après leur retraite. La LNH fait pourtant désormais des milliards avec sa nouvelle entente de télé.»

Montador s'était joint récemment au groupe de 200 joueurs qui poursuivaient la LNH, l'accusant de ne pas les avoir informés convenablement des dangers des commotions cérébrales.

Le défenseur de 35 ans a été contraint à la retraite en 2012. Il a déjà affirmé avoir subi une douzaine de commotions cérébrales à ses trois dernières saisons.

Parmi ces joueurs figurent Joe Murphy, Bernie Nicholls, Gary Leeman, Turner Stevenson et Butch Goring.

«Son avenir l'inquiétait»

L'avocat de Montador, Bill Gibbs, qui représente également le clan Derek Boogaard, un autre hockeyeur qui a subi des commotions et qui est mort prématurément il y a quelques années, a déclaré à TSN qu'il continuerait à représenter la famille dans cette bataille contre le circuit Bettman.

«Il avait beaucoup de difficulté à composer avec les effets de ses nombreuses commotions cérébrales, et son avenir l'inquiétait beaucoup. Il voulait débattre davantage de la question pour ses pairs et améliorer la qualité de vie des joueurs à la retraite, et comprendre les effets des commotions sur leur cerveau.»

Darche estime que la question demeure complexe. «On en sait encore très peu sur les commotions, dit-il. Ce n'est pas comme une jambe cassée. Je peux souffrir de symptômes et être complètement guéri après une semaine, mais l'autre joueur vit les mêmes symptômes qui réapparaîtront rapidement même s'ils semblent disparus momentanément. Les joueurs trichent aussi pour revenir au jeu plus vite. Lors des tests [cognitifs], il faut atteindre le niveau qu'on affichait au camp d'entraînement pour revenir au jeu. Mais certains joueurs font exprès pour le rater au camp d'entraînement afin de le passer plus facilement par la suite s'ils ont une commotion cérébrale. On ne veut pas rater de matchs et se faire voler potentiellement notre poste. Combien de fois j'ai joué en dépit de commotions cérébrales que je ne révélais pas à mon équipe...»

Montador n'était pas un dur à cuire, mais il n'hésitait pas à jeter les gants. Il s'est battu 59 fois en carrière dans la LNH, et 19 fois dans les rangs juniors.

«Ce n'était pas un bagarreur, mais il était brave et il n'hésitait pas à jeter les gants contre des plus gros que lui», a confié Georges Laraque à La Presse, hier.

En 2011, trois joueurs de la LNH - deux durs à cuire, Derek Boogaard et Wade Belak, ainsi qu'un agitateur, Rick Rypien - sont morts prématurément dans un intervalle de quatre mois.

Les trois souffraient de symptômes liés aux commotions cérébrales et composaient avec la dépression. Le premier est mort d'une surdose accidentelle et les deux autres se sont suicidés.

La LNH a rétorqué à la Cour que les anciens joueurs auraient dû reconnaître les dangers du métier qu'ils pratiquaient en raison de toute l'information qui circule à ce sujet dans les journaux et les magazines.

«Le changement le plus facile à faire pour réduire le nombre de commotions cérébrales serait d'abolir les bagarres, clame Louis De Beaumont. Ça permettrait d'abolir la culture sportive qui donne à l'athlète le droit de se battre et qui ne donne pas un bon exemple aux plus jeunes.»

Darche n'est pas en désaccord sur ce point. «On veut enrayer les coups à la tête et pourtant, on permet les bagarres... qui sont des coups à la tête. C'est ironique. Mais si on enraye les bagarres, il faut être plus sévère avec les Zac Rinaldo et compagnie. Stéphane Quintal fait un gros travail au sein de la LNH pour améliorer la situation.»