Les opposants aux bagarres au hockey ont désormais un nouvel allié à la tête de l'une des organisations les plus prestigieuses du sport: Tom Renney, nommé cet été président de Hockey Canada.

L'ancien entraîneur des Canucks de Vancouver, des Rangers de New York et des Oilers d'Edmonton croit que la santé du sport passe par la participation de masse. Et alors que le nombre de joueurs stagne au pays, il juge que les bagarres ternissent l'image du hockey.

«Il y a un problème plus grand que les commotions cérébrales au hockey et ce sont les bagarres. Quelles autre ligue majeure tolère les combats dans leur sport? Si je me mets à la place d'un parent et que je vois un combat sur la glace, alors je me dis que le soccer a l'air plus sécuritaire», a fait valoir Renney lors d'un long entretien avec La Presse, hier.

L'homme de hockey a remplacé cet été Bob Nicholson à la barre de Hockey Canada. Nicholson a connu au cours de son mandat de 14 ans un succès retentissant avec l'élite: Équipe Canada a remporté 7 médailles d'or olympiques, hommes et femmes confondus.

Mais au même moment, le nombre de Canadiens qui jouent au hockey a stagné. Renney estime que l'une des tâches les plus importantes de son mandat - sinon la plus importante - sera d'augmenter le nombre de joueurs pour assurer la santé du sport.

Pour ce faire, il veut étudier les façons de rendre le sport plus abordable, veut séduire les nouveaux arrivants et veut inverser la tendance qui consiste à percevoir le hockey comme un sport violent.

«On doit s'assurer que le hockey croisse. Qu'il représente un mode de vie intéressant pour les jeunes Canadiens, mais aussi pour les adultes, dit-il. Je veux axer mon message sur les valeurs du hockey.»

«Il y a de la violence au hockey, c'est certain, poursuit Renney. Mais il faut rappeler que le hockey est le meilleur sport au monde pour transformer de jeunes personnes en adultes d'exception.»

Faire une différence

Tom Renney estime que la question des commotions cérébrales est «énorme». Mais il note du même souffle qu'elle est complexe. Celle des bagarres, toutefois, est beaucoup plus simple.

«Ce que je sais, c'est que lorsqu'un joueur laisse tomber les gants, il ne cherche pas à donner un coup au corps. Il cherche à toucher la tête. C'est une tentative de blessure. Pourquoi est-ce présent dans le sport?»

Renney se prépare à accueillir la planète hockey du 26 décembre au 5 janvier prochains à Montréal et à Toronto, pour le Championnat du monde de hockey junior. Il a toutefois accordé hier un entretien d'une heure à La Presse, durant lequel il a abordé de lui-même la question des bagarres.

Il ne cache pas qu'il n'en est pas un partisan. Si la Ligue canadienne de hockey (LCH) lui demandait son opinion, il militerait pour leur abolition dans le hockey junior majeur.

«Dans le hockey récréatif, les bagarres sont taboues. Je crois que dans le hockey compétitif et même le hockey junior, il n'y aura plus de bagarres. Ce sera leur choix (aux ligues juniors), mais si on me demande de donner mon avis, en dehors des médias, alors je partagerai mon opinion.»

«La LNH et le hockey junior vont dans la bonne direction. Je ne veux pas leur dire quoi faire. Mais on voit que les Maple Leafs (de Toronto) et les Flyers (de Philadelphie) n'ont plus d'homme fort dans leur alignement, rappelle Renney. C'est le choix qu'ils ont fait cette année et ça a attiré l'attention des gens.»

«Colton Orr ne joue plus à Toronto. Je l'ai dirigé à New York, je l'adore, dit-il. Mais le hockey n'est pas la WWF. Et ce sport doit apprendre plusieurs choses aux jeunes à propos du caractère, de l'intégrité, du travail d'équipe, mais pas à propos (des bagarres).»

Le président de Hockey Canada voit aussi d'un bon oeil la décision du hockey junior américain de punir pendant 15 minutes un joueur impliqué dans une bagarre. Cette mesure mise en place cet automne les a réduites de moitié dans la United States Hockey League (USHL), bien que ces données soient très partielles puisque la saison vient juste de commencer.

Serait-il partisan d'une punition de 15 minutes pour s'être battu dans le hockey junior canadien? «Je pense qu'il faut faire tous les efforts pour rendre le sport plus sécuritaire, pour que le talent s'exprime. Et je ne suis pas certain que les bagarres soient une expression du talent. Il faudra voir si cette mesure fonctionne. Ce qui est clair, c'est qu'elle pénalise ceux qui font le choix de se battre, ce qui est une bonne chose.»

Le nouveau président de Hockey Canada n'est pas le premier à remettre en cause la pertinence des bagarres. Mais le hockey est un sport conservateur avec encore beaucoup de tenants de la vieille école. Renney, lui, ne semble pas en faire partie.

«J'ai déjà perdu un emploi à cause de mes valeurs. À Edmonton, on me demandait de faire jouer davantage de jeunes joueurs qui avaient tous subi une opération. J'ai réduit leur temps de glace, raconte-t-il. Mais il fallait les faire jouer, car ils étaient très bons et on vendait de l'espoir. Mais j'ai agi selon ma conscience.»

Pourquoi Renney raconte-t-il cette histoire? Pour montrer qu'il n'aura pas peur de brasser la cage du hockey canadien pour lui enlever une image de violence qui lui colle à la peau?

Peut-être.

«Mon intention est de faire une différence», dit-il.