Casque d'écoute sur la tête, gesticulant au rythme de l'action qui se déroule sous ses yeux en fin de première période du match opposant le Lightning aux Bruins, cinglant à l'endroit des bons, des méchants et des arbitres, Phil Esposito a bien plus l'allure d'un jeune premier que de la légende du hockey qui aura 70 ans l'hiver prochain.

«Il ne sera bientôt plus possible de donner un coup d'épaule dans cette damnée ligue», vocifère-t-il après avoir commenté la pénalité décernée à Marc-André Bergeron - un coup de coude au visage de David Krejci - en se débarrassant du casque d'écoute qui se fond dans son épaisse chevelure encore bien noire pour un homme de son âge.

Bien mis avec sa chemise noire qui flotte au milieu de ses cuisses, son pantalon gris bien pressé et ses souliers en cuir verni à l'intérieur desquels il est pieds nus, Esposito esquisse ensuite un large sourire. Comme s'il voulait dire que sa montée de lait ne mettait pas en péril la rencontre fixée avec La Presse.

Toujours passionné de hockey même s'il a accroché ses patins en 1981 après une carrière de 18 ans au cours de laquelle il a marqué 717 buts et récolté 1590 points en 1282 matchs de saison régulière - il a ajouté 61 buts et 137 points en 130 matchs éliminatoires -, Esposito lance le bal. «Vas-tu me mettre dans le trouble?», dit-il en offrant une franche poignée de main.

Le plan n'est pas de mettre Esposito dans le trouble. Que non! Mais bien de savoir quels sentiments l'habitent maintenant que le Lightning est de retour parmi les meilleurs clubs de la LNH. «Tu as des enfants? Tu les aimes? Et bien c'est pareil pour moi. J'adore mes deux filles (Laurie et Carrie, qui a épousé Alex Selivanov, un ancien du Lightning) et les petits-fils qu'elles m'ont donnés. Mais j'aime aussi cette équipe comme j'aime mes propres enfants. Dans les faits, elle l'est encore un peu», lance Esposito avec un éclair de fierté dans les yeux.

Esposito a orchestré l'entrée du Lightning dans la LNH en 1992. Une entrée qui a été suivie d'années tumultueuses et pas toujours heureuses. Une entrée que le vieux Phil n'a jamais regrettée. «On m'a traité de fou parce que je voulais implanter le hockey ici. Mais j'avais raison. Avant de déménager au Forum, on attirait 23 000 personnes par match dans un stade de baseball avec une équipe misérable. Il fallait le faire. C'était la folie quand on a gagné la première Coupe Stanley et ce sera encore la folie lors de la prochaine. J'espère seulement qu'elle ne sera pas suivie d'un autre lock-out», scande Esposito.

Le lock-out de 2005 et des propriétaires trop cons ou pas assez riches ont fait plus mal au Lightning que toutes les mauvaises décisions de hockey, assure le premier président et directeur général de l'équipe.

«Le lock-out nous a empêchés de bâtir et de profiter de notre coupe. Hart Williams - le propriétaire qui a comparé Vincent Lecavalier à Michael Jordan lors de son repêchage et qui a congédié Esposito pour donner le poste à Jacques Demers ensuite - était un imbécile de premier ordre. Sa fortune est certainement tombée du ciel. Car il était trop stupide pour faire de l'argent. Et je vais passer sous silence les deux bouffons - Len Barrie et Oren Koules - qui ont failli tout gâcher avant l'arrivée de Jeff Vinik», défile Esposito, qui parle d'ailleurs du nouveau propriétaire venu de Boston comme d'un véritable sauveur.

Trahi par les Bruins

Bien qu'il soit analyste à la radio, Esposito ne voyage pas en saison régulière. Il préfère le golf, le confort de la Floride et les «business» qui l'occupent encore, aux avions, hôtels et galerie de presse.

Mais depuis le début des séries, il suit l'équipe. Son équipe. Malgré le fait qu'il soit une légende dans l'histoire des Bruins, avec qui il a soulevé deux Coupes Stanley (1970 et 1972), Esposito déclare sans la moindre retenue que le Lightning a remplacé les Bruins dans son coeur, dans son âme, dans sa vie.

«Les Bruins m'ont trahi en 1975, et j'ai coupé tous les liens qui nous unissaient. En fait non: ils s'en sont chargés. En 1975, l'Association mondiale m'a fait de l'oeil. On m'offrait une prime de 1 million et un contrat de 500 000$ par année pour plusieurs saisons pour quitter la LNH. Les Bruins m'ont convaincu de rester à Boston. Ils m'ont dit que j'y resterais aussi longtemps que je jouerais. Après 12 matchs, ils m'ont échangé aux Rangers. Ça fait 36 ans, mais je leur en veux toujours. J'espère que tu comprends pourquoi je suis All In derrière Tampa.»